Chez Hop’Toys nous avons récemment lu le livre d’Anne-Sophie Ferry,Le Royaume de Tristan. Nous avons lu ce livre avec beaucoup de compréhension et d’empathie. Suite à cette lecture, nous avons souhaité partir à sa rencontre afin d’en savoir plus sur son histoire mais aussi les méthodes comportementalistes pour sensibiliser mais aussi apporter des réponses à notre communauté.
Pour approfondir un maximum ces sujets intéressants nous avons décidé de couper l’interview en 3 parties distinctes qui correspondront à 3 articles sur notre blog. Voici la seconde partie ! Si vous souhaitez lire la première partie cliquez-ici.
Avant de débuter cet article nous souhaitons remercier Anne-Sophie Ferry qui a pris le temps de répondre à toutes nos questions de la manière la plus complète possible. Encore Merci !
Petit retour sur l’histoire d’Anne-Sophie et de Tristan :
« A l’âge de 4 ans, Tristan hurle, se roule par terre, casse tout, est incontinent et ne parle pas. Aucun diagnostic n’est posé et il est interné à l’asile psychiatrique devant l’incompréhension de ses parents. » Anne-Sophie, sa mère, découvre que Tristan est porteur de troubles autistique. Suite à cela, elle décide de se former aux approches comportementales comme l’ABA et le Verbal Behavior pour ne pas laisser son fils interné. Grâce à ces méthodes elle apprend à son fils à apprendre à et à développer des compétences.
Dans votre livre vous parlez également du VB (Verbal Behavior), qui est une évolution de l’ABA, pouvez-vous nous expliquer en quoi cela consiste ?
Le VB, qui s’attelle à développer le comportement verbal, est pour moi l’outil le plus intéressant pour améliorer l’évolution d’une personne porteuse de TSA, dans la mesure où la possibilité de communiquer se révèle souvent le meilleur traitement contre les troubles du comportement, et le meilleur chemin vers la réhabilitation. Dès lors qu’une personne peut communiquer, son environnement lui est plus accessible, moins inexplicable, et le travail qu’on lui propose prend alors du sens.
En France, nous sommes très en retard sur le VB ; de nombreux professionnels affirment que l’ABA fait exactement le même travail que le VB, ce qui est un point de vue très contradictoire avec celui des formateurs VB américains auprès desquels j’ai travaillé, comme Mary Lynch Barbera. En effet, le VB reprend toutes les méthodologies de l’ABA, mais en diffère par ses aspects techniques et ses objectifs qui font ressortir d’autres priorités.
L’ABA travaille beaucoup de manière structurée, et sur toutes les compétences, surtout cognitives. Le VB est moins axé sur le cognitif: un enfant bien pris en charge en VB devra d’abord avoir le moyen de communiquer et formuler des demandes, avant même de s’installer sur un bureau et faire un puzzle, ceci afin que sa tache ait un sens pour lui.
D’autre par, le VB vise surtout l’adaptation à l’environnement par 3 priorités: la 1ère, développer chez la personne, toute forme de communication le plus rapidement possible; la 2ème, s’assurer qu’elle puisse être autonome au quotidien ( nourriture, hygiène); la 3 ème, tout mettre en oeuvre pour l’acquisitions de loisirs, et autres activités aidant à l’épanouissement, donc à l’inclusion sociale. Les encastrements, puzzles, reproductions de formes 3D, tout cela est moins important à travailler pour un thérapeute VB.
Enfin au niveau technique le VB a la particularité de faire travailler la communication et le cognitif, à 80% du temps dans l’environnement naturel de l’enfant (on appelle cela le NET) , sans qu’il ait le sentiment de « travailler » . Par exemple dans un parc, au cours des repas, pendant les jeux…on suscitera des demandes, des descriptions, on posera discrètement des consignes de jeux favorables aux imitations, aux interactions avec d’autres enfants…
Le VB a aussi la particularité de mixer dans la même séance, le même exercice, plusieurs compétences différentes; enfin, de ne s’appuyer que sur les motivations de l’enfant. S’il aime manger, les séances se feront sur le thème culinaire, s’il aime les dessins animés, il rejouera des dialogues de Walt Disney, etc…
Par exemple, Tristan a appris à lire car il s’intéressait à la cuisine. Je cuisinais d’abord, puis j’attendais qu’il vienne regarder ce que je faisais. Alors je posais une tomate ou un tiramisu, et dessus, la lettre T en bois: et c’était amusant pour lui de voir que l’initiale était un T. Il a associé les lettres à des chose agréables et intéressantes. Si je lui avais montré une Tortue, il se serait détourné du travail. Progressivement, j’ai fait plein d’exercices variés avec toutes les lettres, tout en travaillant les loisirs et la coopération autour du thème de la cuisine. Il ne voyait pas que ce travail était en réalité très structuré, du coup, il s’y plaisait. Et enfin, pour le détacher de ce centre d’intérêt et lui faire généraliser cet apprentissage, j’ai intégré peu à peu des exercices sans aliments, puis enfin, des séances » normales » hors de la cuisine, avec des lettres écrites.
Vous vous êtes formé à l’Université de Lille 3 pour pouvoir mettre en place ces méthodes : Comment des parents peuvent-ils avoir accès à cette méthode sans passer par là ?
Ce traitement étant assez complexe, très précis, il n’est pas facile à mettre en pratique correctement sans avoir suivi plusieurs années de formation universitaire. Mais faute de ces formations en France, il se développe énormément de sessions de formation sur quelques jours, très accessibles pour les parents :
- Le contre: la formule » formation ABA »:on ne peut pas être formés en 1 semaine. A mon avis, et selon celui de beaucoup de professionnels, c’est assez mitigé, car souvent les parents me disent » j’ai suivi cette formation, j’en ai plein la tête, mais je suis incapable de la mettre en pratique!… ». Il faut garder à l’esprit que cela reste une » information ABA » .
- Le pour: mieux vaut être « un peu » initié que pas du tout, car de cette manière les parents peuvent au moins comprendre et suivre ce qui est fait par les thérapeutes qui encadrent leur enfant. L’avantage est aussi d’avoir l’opportunité d’échanger avec ces professionnels et leur poser des questions pour mieux appréhender l’éducation de l’ enfant.
Je conseille aux parents d’abord de lire beaucoup ce qui est publié sur les pratiques comportementales, ouvrages tels que ceux de Robert O’Neil, Mary Lynch Barbera, Vinca Rivière, Ron Leaf….; ou des articles du JABA (en allant sur le site et en tapant un mot clé on peut trouver des stratégies validées qui aident beaucoup) et s’ils le peuvent, de se former à Lille 3: ils seront encore plus efficaces auprès de leur enfant, bien entendu tant qu’ils sont entourés de toute une équipe. J’ai dû le faire seule mais uniquement par obligation, par manque de financement.
Cette méthode est-elle adaptée à tous les enfants porteurs de troubles autistiques ?
Il existe différents points de vue sur cette question: certains diront que si ça ne marche pas, c’est le professionnel qui doit se remettre en question. Du point de vue de mes formateurs VB, cela ne dépend pas de l’enfant, mais du comportement acquis et pris en charge trop tard: certains de ces troubles ne se résorbent que très rarement par le comportemental, comme par exemple, se frapper la tête par autostimulation. Selon ces analystes du comportement, l’enfant étant très renforcé par ses sensations, est peu engagé dans la redirection de ce comportement vers des activités adaptées ( jeux ou de loisirs) et là, hélas le thérapeute ne peut pas toujours l’aider.
Certains parents en concluent que le comportemental ne marche tout simplement pas de manière générale, que ce n’est pas un traitement efficace, et que les « enveloppements » dans un linge froid et humide pratiqué dans les hôpitaux (packing) sont plus efficaces. Si en France nous travaillions avec la supervision d’ un plus grand nombre de professionnels certifiés (BCBA), il n’y aurait pas ce type de confusion et de raccourcis.
De mon point de vue, je répondrais qu’avec une très bonne équipe de professionnels comportementaux, on obtiendra forcément de toute manière dans un domaine ou un autre, des progrès même s’ils ne sont pas toujours spectaculaires. Mais c’est aussi une question d’âge: il faut agir très tôt sinon les comportements se maintiennent, des résistances se mettent en place, et les apprentissages sont plus difficiles.