Vendredi 21 octobre dernier, à la faculté de médecine de Montpellier, se déroulait la conférence d’Isabelle Filliozat, figure emblématique de la parentalité positive en France. Psychothérapeute, psychopraticienne, conférencière et auteure, elle a distillé tout au long de la soirée des conseils et des clés face à certains comportements de nos très chers enfants. Cahier sur la table et crayon en main, j’ai écouté et noté, enthousiaste à chacune des questions posées, pour vous livrer en plusieurs parties et au cours des prochaines semaines, le compte rendu de cette conférence exceptionnelle !
La première partie de la conférence sur l’enfant et les écrans a été abordée il y a quelques temps. Cette semaine, c’est au tour des devoirs à la maison et de l’heure du coucher… Les questions abordées ci-dessous sont donc celles de parents ou professionnels présents dans la salle, pour lesquelles une réponse a été apportée.
Mon enfant a 7 ans. Il n’arrive pas à se concentrer pour faire ses devoirs et les soirées en sont interminables…
Isabelle Filliozat rappelle qu’un enfant de 7 ans ne devrait pas avoir à faire de devoirs (et là, telle une rock star, tonnerre d’applaudissements…!). D’ailleurs, c’est pour que soit respecté le principe d’égalité pour tous que l’Education nationale a décidé en 1956, d’interdire les devoirs du soir à l’école primaire. En fait, il serait plus juste de dire qu’un enfant de moins de 16 ans ne devrait pas avoir à faire de devoir. Les devoirs font parti de la culture implicite du système éducatif.
“Curieusement, malgré l’importance de cette activité dans la vie des enfants et plus généralement dans celle des familles, peu de chercheurs français semblent s’être intéressés de près à ce sujet. Peut être parce que personne n’a encore trouvé de réponses claires quant à leur vertu ou à leur inefficacité ; un ensemble d’arguments et de justifications s’affrontent donc sur le bien fondé ou les risques des devoirs à la maison. “
48% du temps de veille de l’adolescent est consacré au collège. Plus de 11 heures sont en effet quotidiennement investis dans l’école, en terme de trajets, de devoirs et d’heures de présence.
Les devoirs sont souvent source de conflit entre parents et enfants. Et maintenir l’enfant sous stress le maintien dans l’opposition, l’agression et la négociation. Pour 72% des enfants, les devoirs leur font moins aimer l’école. Les devoirs ne semblent donc pas avoir d’« impact motivationnel positif » pour ces élèves… Cependant, malheureusement dans la majorité des cas, ils sont dans l’obligation de faire ces devoirs… Il y a de véritables non-dits entre chaque professeur, et celui qui ne donne pas de devoir peut être vu comme incompétent par ces collègues… ou même par certains parents d’élèves. Alors comment donner aux enfants les ressources nécessaires pour bien faire leurs devoirs et que ceux-ci ne paraissent plus être une corvée ?
- L’enfant doit sortir du schéma école-goûter-devoirs-jouer et plutôt faire école-goûter-JOUER-devoirs. Il est important que l’enfant puisse déstresser de sa journée de classe en faisant une activité physique, avant de se mettre à faire ses devoirs : courir, faire du vélo, jouer au ballon…
- On insiste souvent pour que l’enfant fasse ses devoirs bien assis sur sa chaise. Est ce nécessaire ? Être assis est nocif pour l’être humain : le périné qui procure le tonus se relâche, et assis, on est tout raplapla. Une étude a été faite sur une classe travaillant de façon classique, assise, et une autre où les enfants avaient des tables et chaises hautes, leur permettant s’ils le souhaitaient de rester debout, derrière leur table, durant leurs cours. En comparaison avec la classe assise, il y avait une hausse de la concentration de 7 minutes par heure ! Si l’enfant a 7 heures de cour durant la journée, cela représente 49 minutes soit presque 1 heure de concentration supplémentaire quotidienne ! Ces enfants avait également une hausse de leurs résultats scolaire de l’ordre de 18% en comparaison avec la classe assise. Pourquoi alors ne pas proposer à l’enfant de faire ses devoirs debout ? ou allongé ?
Chiffres tirés de l’étude du Haut conseil de l’évaluation de l’école “Les devoirs à la maison, quelle efficacité ?” https://www.cndp.fr/bienlire/04-media/documents/glasman01.pdf
Vidéo sur l’étude de la station debout durant la classe : https://www.youtube.com/watch?v=1JwZ4quS4wM&feature=youtu.be
Etude sur la station debout en classe : http://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/14635240.2015.1029641?scroll=top&needAccess=true
Mon enfant ne veut pas se coucher à 20h. C’est une bataille quotidienne que de lui faire respecter l’heure du coucher… Comment faire ?
Un enfant ne devrait pas avoir à se coucher à 20h. C’est bien trop tôt. Il est normal qu’un enfant, jusqu’à 6 ans, ait des difficultés à s’endormir avant 22 ou 23h. Comme l’explique Isabelle Filliozat, c’est la mélatonine qui régule l’endormissement, et la mélatonine ne se contrôle pas.
A l’adolescence, la mélatonine se décale de 2h, ce qui implique pour l’enfant une phase de sommeil débutant aux alentours de minuit, et une phase de réveil qui devrait se situer vers 9h du matin. Mais la société actuelle fait qu’elle n’est en rien pensée pour les besoins naturels de l’enfant… Encore une fois, aux parents de donner des ressources à leurs enfants pour qu’ils puissent entrer dans une phase de relaxation avant leur endormissement :
- Dans l’idéal, l’enfant ne devrait pas être devant un écran 4 heures avant le coucher… Dans le cas contraire, il faudrait utiliser un filtre anti-lumière bleu comme mentionné en première partie (logiciel Flux).
- Souvent le soir, après le repas, l’enfant est relaxé et détendu, l’atmosphère dans la maison est douce, les lumières sont tamisées, le pic de mélatonine est à son comble, il est presque prêt à aller se coucher lorsque nous, parents, lui demandons “Et n’oublie pas de te brosser les dents…!”. Et là, c’est le drame : la lumière de la salle de bain est si forte que le pic de mélatonine descend en flèche et qu’après s’être brossé les dents, l’enfant… n’a plus sommeil ! Une veilleuse ou une lumière douce dans la salle de bain permettrait à l’enfant de s’endormir plus rapidement après le brossage de dent.
- Dès les premiers signes de sommeil, il ne faut pas hésiter à accompagner l’enfant dans son sommeil : le soir, dès lors qu’il porte les mains à son visage, cela indique qu’il est fatigué. Isabelle Filliozat conseille alors de débuter les rituels du coucher en demandant à l’enfant de rejoindre son lit, en aidant l’enfant à suivre votre respiration, calme et douce, à ce qu’il prenne son doudou dans ses bras. Baillez, et demandez lui de bailler également, plusieurs fois. Demandez lui de frotter son nez sur son oreiller jusqu’à ce qu’il trouve une position pour s’endormir, puis de fermer les yeux…
Vous souhaitez en savoir plus sur cette conférence ? Rendez-vous en fin de semaine pour la dernière partie de cette conférence avec les 3 dernières grandes questions abordées.
Partie 1 : L’enfant et les écrans
Partie 2 : Les devoirs à la maison et l’heure du coucher
Partie 3 : Les repas, le bain, et la colère de l’enfant
Isabelle Filliozat est psychologue clinicienne et psychothérapeute depuis 1982. Depuis plus de vingt ans, elle accompagne adultes et enfants dans leur cheminement vers davantage de liberté et de bonheur.
Elle est l’auteur de plusieurs livres dont son grand succès L’intelligence du cœur (1997) ou encore Je t’en veux, je t’aime (2004) et Il n’y a pas de parent parfait (2008).
Elle a fondé l’école des Intelligences Relationnelle et Émotionnelle en 2005.