Je suis Isabelle, la maman d’Evan 6 ans en grande section de maternelle, et d’Elea 34 mois. J’ai 41 ans et mon mari 45. Je suis agent de voyage, actuellement en congé parental à plein temps pour m’occuper d’Elea et mon mari est ingénieur informaticien. Nous vivons dans un très joli village, Fayence dans le Var.
Quand avez-vous appris le handicap de votre fille, Elea ?
À la visite des 1 mois avec la pédiatre, celle-ci a remarque qu’Elea ne suivait pas du regard et nous a conseille de surveiller de prés dans le mois qui suivait. C’est à ce moment précis que nous avons réalisé qu’Elea qui paraissait si paisible, ne réagissait en fait a aucun bruit…
Nous avons eu la confirmation de nos doutes à ses 3 mois : surdité profonde bilatérale. Au même moment, nous avons également eu le diagnostique visuel : très forte hypermétropie, rétinite pigmentaire, nystagmus et taches inconnues sur la rétine. En gros, notre fille n’entend pas et ne voit quasi rien, et surtout les médecins sont tous d’accord : sa vue ne s’améliorera pas…
Aujourd’hui, Elea est capable de marcher seule à la maison et en donnant la main à l’extérieur, nous montre ce qu’elle veut, entend certaines choses mais pas tout. Pour moi, la surdité passe encore, il y a des solutions, mais la vue… C’est inconcevable, inimaginable. Quand mon regard se pose sur la chose la plus anodine, je me dis que ma fille ne le verra jamais. Comment vais-je lui expliquer les nuances de couleur ? Comment va-t-elle pouvoir communiquer ? La LSF, c’est bien beau, mais comment faire quand on n’y voit pas ?
Mon mari a été plus cartésien, ne pas se projeter, penser à son avenir au jour le jour, et cela m’a beaucoup aidé. Notre entourage est désolé, ne sait pas comment faire, quoi dire et je dirais qu’ils sont très peu au final à être présents.
Avez-vous eu besoin d’aide et de soutien (financière, prise en charge, conseil, bon interlocuteur, etc..) ? Ou l’avez-vous trouvé ?
Nous avons eu la chance de déménager dans le Var en janvier 2012 et de rencontrer une équipe formidable pour le visuel, le SAAAIS du Muy, qui nous a pris en main, au niveau papiers (j’en avais déjà fait beaucoup seule, car personne ne nous avait aidé auparavant), prise en charge au niveau psychomotricité, orthoptiste basse vision, psychologue familiale.
Nous avons par leur intermédiaire été mis en contact avec le service ORL de Marseille, qui a accepté de pratiquer une implantation cochléaire bilatérale au 9ème mois d’Elea qui devrait lui permettre d’entendre, alors que l’équipe qui nous suivait a Nice était toujours en train d’hésiter.
Pour l’aspect financier, pour le moment, nous bénéficions de mon congé parental et d’un complément versé par la MDPH, et de temps en temps, il nous faut demander à nos gentils parents un peu d’aide.
Faites-vous partie d’une association ?
Nous faisons partie d’une association qui s’appelle Inauditoveritas, qui est un groupe de mamans principalement qui pratique l’AVT pour leurs enfants implantés. C’est une technique de rééducation basée sur l’oral uniquement (ne s’appuie ni sur la LSF, ni la LPC) et qui est LA méthode utilisée dans tous les pays SAUF la France, faute de formation de professionnels et de reconnaissance de la profession médicale.
Certaines mamans sont allées à l’étranger et se se sont formées aux réglages des processeurs et nous apporte leur aide car il est très difficile d’obtenir des réglages optimaux pour nos enfants puisque les centres hospitaliers tatillonnent toujours et ne sont toujours pas très a l’aise de pousser ces réglages.
Comment s’organise votre quotidien ? Exercez-vous une activité professionnelle ?
J’ai dû arrêter de travailler car Elea a un suivi assez intense : 1 heure de psychomotricité et d’orthoptiste à la maison, 3 séances d’orthophonie en libéral, de la kiné jusqu’à ce qu’elle marche, des allers-retours à Marseille (soit 4 heures aller/retour) une fois par semaine, et de temps en temps aller retour Montpellier au Centre des Maladies Sensorielles Rares où des analyses génétiques sont en cours depuis le diagnostique sans réponse.
J’avais un emploi à temps complet en tant qu’agent de voyage, mais un employeur peu flexible sur les absences à répétition ; il a donc fallu faire un choix.
Quelles sont vos principales difficultés au quotidien ?
Me faire comprendre de ma fille. Nous la comprenons très bien et ce qui est fabuleux, c’est que même sans la parole, le langage parents/enfants est vraiment instinctif, mais elle ne comprend pas toujours ce qu’on voudrait lui dire. Il arrive qu’elle soit très frustrée et se met dans de terribles colères et se frappe, ou nous frappe de dépit.
Elea a maintenant beaucoup de forces, grandit et le regard des gens si elle fait une colère en public est vraiment blessant, comme si on était vraiment incompétents.
L’autre difficulté est de donner autant de temps à notre fils qui a beau très bien comprendre la situation, ne le vit pas toujours très bien. Cela influe sur son attitude, qui du coup n’est pas toujours bien interprétée par le corps enseignant, ou même notre famille ou amis. Du coup, l’impression d’être jugée tout le temps.
Quels sont les meilleurs moments de la journée ou de la semaine ?
Les rires tonitruants d’Elea, ses sourires, les moments câlins. Le mercredi quand elle essaie d’attraper son frère, et surtout le mercredi car c’est NOTRE journée, sans les médecins et intervenants. Un semblant de normalité revient dans nos vies.
Il y a aussi les moments de la sieste d’Elea, car je peux me poser quelques minutes.
Vous accordez-vous du temps libre pour vous, votre couple, votre famille, vos amis, vos loisirs ?
De temps en temps, on part faire une balade le week-end, mais jamais rien de bien long. Elea ne veut plus être en poussette et marche assez longtemps, mais au bout d’un moment, il faut la porter et elle devient trop lourde.
En général, on préfère recevoir chez nous, c’est plus simple pour nous et pour Elea aussi. On accepte des sorties aussi, mais rarement au restaurant pour ne pas embêter.
Quelles sont vos peurs pour l’avenir ?
Que les réglages des implants ne fonctionnent pas mieux que maintenant et que nos espoirs de communication soient réduit à néant. Qu’Elea ne puisse pas s’exprimer et qu’elle ne soit du coup pas autonome. Que sa vue se détériore davantage, et qu’elle se retrouve enfermée sur elle-même alors qu’elle est tellement pleine de vie et à envie de communiquer. Enfin, que nous devions encore trouver des solutions qui ne conviendront peut-être pas à toute notre famille.
Quels sont vos espoirs pour l’avenir ?
Que des solutions miracles soient trouvées au niveau visuel.
Avoir un enfant différent vous a-t-il changé ?
Oui, cela m’a appris à relativiser, à m’endurcir, à aller toujours plus loin, à ne pas m’apitoyer sur mon sort, à prendre des risques, à être une meilleure maman et surtout m’a confortée dans l’idée de ne jamais juger les personnes dont on ne connaît pas l’histoire.
Quelle leçon de vie vous a inspiré votre enfant ?
Que tout est possible avec de la détermination. Elea était donnée « perdante » et au final elle émerveille tout le monde par sa joie de vivre et sa volonté de faire les choses. Certes, elle est différente, mais elle a tellement plus à apporter qu’un enfant « normal ».
Pouvez-vous citer 3 choses que l’on vous dit régulièrement et que vous ne supportez plus ?
- Tu devrais peut être essayer …
- Le regard désapprobateur des gens
- Il ne faut pas la laisser faire
Quels conseils donneriez-vous à de nouveaux parents d’enfants porteur d’un handicap ?
- De n’écouter que leur cœur ; les parents sont les personnes les mieux placées pour ce qui est du ressenti de leurs enfants.
- Que leur enfant va leur apporter ce qu’ils ne pensaient pas avoir en eux .
Pour vous, votre enfant c’est…
Un rayon de soleil qui me redonne le sourire dans les moments difficiles.