De Piaget à Winnicott, en passant par Montessori ou Decroly, l’auteur du livre « J’apprends en jouant », Rosine Des Chênes, nous présente ici une pédagogie fondée sur les modèles théoriques de développement de l’enfant et sur des fondements pédagogiques reconnus. Mais l’approche décrite dans le livre est avant tout pratique.
Le jeu spontané et créateur de l’enfant
Est-il nécessaire de redire que l’enfant a besoin de jouer pour se développer, grandir et apprendre ? Les recherches et les auteurs qui vantent le mérite du jeu ne manquent pas. Pourtant, l’expression « jeu libre » évoque encore trop souvent des images négatives. Nous nous imaginons que l’enfant qui joue « librement », ne fait rien, n’apprend rien et, pire, perd son temps ! Nous oublions que le jeu, caractéristique de l’enfant, est ce que l’enfant peut faire de plus important. Le jeu est le maillon qui relie les aptitudes latentes de l’enfant et l’organisation de ses habiletés, de son savoir-faire et de ses connaissances. L’intelligence exige des expériences motrices et sensorielles pour se structurer en profondeur. Toute aptitude se développe, entre autres, grâce aux exercices répétés dans lesquels l’enfant s’engage spontanément. Mais il y a plus. Le jeu est le lieu magique où s’élaborent les relations sociales et d’où émerge la personnalité de chacun. Par le jeu, l’enfant construit sa vie.
Le programme de pédagogie d’éveil
La rencontre de nouveaux pédagogues, autant en personne que par leurs écrits, ainsi que la propre démarche de Rosine des Chênes a nourri cette pédagogie qui fait une place importante aux arts, à la motricité et à la littérature enfantine pour leur potentiel à préparer les enfants aux apprentissages et à la vie scolaire. Cette utilisation des arts a même été expérimentée avec grand succès par Mme des Chênes dans les 10 dernières années pour aider des enfants en difficulté d’apprentissage. Le programme de la pédagogie d’éveil nourrit donc les enfants d’âge préscolaire des situations, expériences et connaissances suivantes :
- Le jeu spontané et créateur, pour stimuler les développements psychomoteur et cognitif ainsi que l’exercice de tous les aspects du développement.
- Le mouvement, activités psychomotrices en groupe au quotidien, pour stimuler le développement cognitif, social et l’estime de soi.
- Le conte, au quotidien, pour stimuler les aspects affectif et social, le langage, la réflexion, la logique.
- La musique, stimulations quotidiennes, pour exercer tous les aspects du développement de façon optimale et préparer les apprentissages scolaires.
- La danse, pour favoriser tous les aspects du développement et installer les aptitudes préalables à la lecture et l’écriture
- Les arts plastiques, pour stimuler la concentration et les aptitudes cognitives en général.
- Les arts dramatiques, à partir de 4 ans, pour stimuler le langage, l’estime de soi et les aptitudes socio-affectives en général
- Les activités sensorielles et logiques, plusieurs fois par semaine, pour stimuler par le jeu le langage, la mémoire, la logique mathématique et philosophique et l’éveil scientifique.
Quelques conseils pour favoriser l’apprentissage par le jeu
A la maison
- – Prévoir des moments privilégiés pour le jeu.
- – Respecter l’enfant quand il joue seul, et ce, dès son plus jeune âge.
- – Prévoir chaque jour plusieurs périodes pendant lesquelles l’enfant joue librement avec du matériel varié
- – Laisser en permanence du matériel permettant le mouvement à la disposition des enfants « trottineurs » (de 18 mois à 3 ans)
En milieu collectif
- – Pendant les périodes d’atelier, mettre à la disposition du groupe le matériel le plus complet possible.
- – Consacrer les périodes les plus créatrices de l’enfant aux explorations qu’il conduit librement. Quand il est moins en forme, il apprécie que nous prenions ses activités en charge.
- – Répartir les moments de jeu libre entre l’intérieur et l’extérieur.
- – Il est plus important de favoriser les expériences que de ranger le local six fois dans la journée ! Pourquoi ne pas laisser sur la table le bricolage que l’on reprendra l’après-midi, ou préserver la cabane de couvertures qui a demandé tant d’efforts ? Nous nous plaignons du manque de ténacité des enfants. Toutefois, combien de fois par jour arrêtons-nous leurs jeux et leurs expériences ?
Les différentes pédagogies alternative
Jean Piaget (1896-1980) est considéré comme un des fondateurs de la psychologie du XXème siècle. Selon lui, la pensée de l’enfant passe graduellement par une période sensori-motrice (acquisition de la notion d’objet permanent, jusqu’à 2 ans), préopératoire (égocentrique et animiste jusqu’à 4 ans), intuitive (apparition au niveau sensori-moteur de la réversibilité des opérations et du concept de conservation jusqu’à 7 ans), opératoire concrète (opérations complexes sur les objets jusqu’à 11 ans) pour atteindre le stade d’équilibre final, celui des conduites intellectuelles supérieures.
Donald Woods Winnicott (1897-1971) est une pédiatre et psychanalyste anglais. Sa technique du « squiggle game » ou « griffonnage » par exemple est restée célèbre : l’adulte et l’enfant proposent et interprètent tour à tour des « gribouillis » librement dessinés sur une feuille blanche. Mais Winnicott est surtout pour connu son approche de l’objet transitionnel (pouce, bout de couverture, ours en peluche) et sa notion de « self ».
Maria Montessori (1870- 1952) docteur en médecine se consacra à l’éducation des enfants ayant un handicap mental avant d’étendre sa pédagogie aux autres enfants et fonda son école à Rome en 1907. La phrase clé de la pédagogie Montessori est « Aide-moi à faire seul ». Cette pédagogie est fondée sur la volonté d’aider l’enfant à se construire et à développer son autonomie à partir de l’observation de ses rythmes de développement. Le développement du petit enfant passe par des phases de sensibilité durant lesquelles il est naturellement plus réceptif à apprentissage de certains acquis. Ce développement passe d’abord par l’éducation des cinq sens : par le maniement d’un matériel pédagogique adapté (cubes, cylindres, tablettes d’encastrement, chiffons, lettres mobiles, etc.), L’enfant apprend progressivement à reconnaître les couleurs, les volumes, les formes, les poids, la matière. L’initiation musicale et la reconnaissance du silence facilitent l’acquisition du langage. L’éducateur dirige, sans la contraindre, l’activité de l’enfant.
Médecin neurologiste belge, fortement imprégné des idées darwinistes, Ovide Decroly (1871-1932). pense que le milieu naturel et la santé physique conditionnent l’évolution intellectuelle. L’enseignement est organisé en centres d’intérêts, fondés sur les besoins naturels de l’individu. En effet, très tôt dans l’exercice de sa profession, il se consacre à la pathologie des enfants qu’à l’époque on appelait « anormaux ou arrièrés », lui préfère les appeler « irréguliers ». Proscrivant tout enseignement verbal, Decroly favorise, dans le jardin, les rencontres avec les animaux, les plantes, les objets. Enfants et éducateurs y trouvent des stimulations pour l’observation, l’expression motrice, l’utilisation du langage et la manifestation de la solidarité. Les acquisitions intellectuelles sont centrées sur les grands besoins vitaux : manger, boire, se vêtir et se préparer à un métier : c’est « l’éducation pour la vie par la vie ».
Célestin Freinet (1896-1966) est sans doute le plus connu et le plus prestigieux des pédagogues de ce siècle. Bien loin de prôner une pédagogie du jeu, il a voulu développer une pédagogie du travail – mais un travail intellectuel qui mobilise vraiment les intérêts vitaux des enfants. C’est en partant de l’expérience, c’est en pratiquant le « tâtonnement expérimental » qu’on forge une pensée à la fois inventive et réaliste.
Pour John Dewey (1859-1952), les activités manuelles doivent être le support de l’activité intellectuelle. Il insiste sur la nécessité de s’appuyer sur les intérêts de l’enfant, mais opère une distinction entre les faux intérêts (ceux que l’on croit provoquer en rendant les savoirs attrayants) et les véritables besoins : l’action pédagogique doit faire en sorte que toute leçon soit une réponse au questionnement de l’enfant qui construit son savoir dans un processus dynamique et individuel. Cette pédagogie pragmatique utilise le projet et ce que l’on appelle aujourd’hui les situation-problèmes.
Maurice Martenot (1898-1980) s’est attaché plus particulièrement aux questions pédagogiques autour de la musique et à l’application des plus récentes données de la psychopédagogie à l’enseignement de celle-ci. Il a contribué à la rénovation de l’éducation musicale en mettant au point avec ses deux sœurs, une méthode qui a fait ses preuves et qui porte son nom.