Isabelle Babington est ergothérapeute, elle a exercé en France et aux États-Unis où elle s’est formée à l’intégration neuro-sensorielle (INS). Elle a été la première à enseigner cette approche en France. Cofondatrice de la Meex (Maison des enfants extraordinaires) où elle consulte, coordonne des programmes et forme des professionnels, elle est aussi l’auteure de l’ouvrage L’enfant extraordinaire. Dans le prolongement de ce travail destiné à aider les parents à comprendre les comportements atypiques, voire envahissants, de leurs enfants par le biais de l’INS, nous avons invité Isabelle Babington à donner une conférence lors du salon Autonomic. Au cours de cette intervention, Isabelle a expliqué comment (re)penser les espaces en tenant compte des particularités neuro-sensorielles, comment rendre ces espaces plus accessibles à tous grâce à l’INS… et détaillé sa vision d’une société idéale qui permettrait de mieux gérer l’intégration neuro-sensorielle chez les enfants. Retour sur ses conseils.
Qu’est-ce que l’INS ?
L’intégration neuro-sensorielle peut être définie comme notre capacité à sentir, comprendre, organiser et moduler les informations provenant de notre corps et de son environnement afin d’y apporter une réponse appropriée. Or, cette capacité dépend de l’efficacité avec laquelle notre système nerveux organise les messages que nos sens lui transmettent. Petite présentation très claire dans cette vidéo réalisée par Isabelle Babington à la Meex :
Voici également un schéma qui explique comment l’intégration neuro-sensorielle se déroule habituellement (extrait de l’ouvrage « L’enfant extraordinaire« d’Isabelle Babington)
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Extraits de la conférence d’Isabelle Babington : « Repenser les espaces avec l’INS »
À l’école
Dans une école idéale, un enfant hypersensible aurait accès à un casque anti-bruit en sachant qu’il a le droit de l’utiliser dans certaines situations bruyantes, notamment à la cantine (certains enfants ne vont pas à la cantine à cause du bruit). En classe, les écrans de travail, durant certaines tâches, peuvent être très efficaces. Des enseignants peuvent trouver cela bizarre, mais durant une dictée ou un test, un écran qui le protège des distractions qu’il a du mal à ignorer peut aider un enfant à se concentrer. On peut aussi réfléchir à sa place en classe. On peut épurer la feuille en diminuant la quantité d’informations, d’exercices ou d’opérations. Il en va de même pour les instructions orales : énoncer une seule chose à la fois peut aider un enfant distrait.
Les profs d’EPS doivent être sensibilisés au fait que certains enfants ont des handicaps invisibles. Si l’enfant ne présente pas de handicap moteur visible, on pourrait penser qu’il peut monter à l’échelle ou sauter dans la piscine… sauf que chez certains, l’interprétation de la situation par leur système nerveux ne leur apporte pas les bonnes informations sur la relation entre leur corps et cet espace inhabituel ou effrayant. Si l’enfant semble figé par la peur, il est préférable de l’accompagner, sans le forcer ni le culpabiliser.
Dans une école idéale, il y aurait des lieux pour des pauses en solo. Les enfants en surcharge sensorielle auraient la possibilité de faire une pause dans un petit coin calme et éloigné des autres (dans une petite tente, sous un bureau, un placard, etc.). Dans une école idéale, il y aurait une petite salle de cantine séparée pour 4 ou 5 enfants hypersensibles au bruit (cela existe de temps en temps aux États-Unis). Et bien sûr, les enseignants seraient formés pour comprendre comment les troubles de l’intégration sensorielle impactent les comportements et les apprentissages.
Il faudrait pouvoir organiser des pauses motrices, des pauses actives, pour que les enfants bougent. Les enfants sont trop longtemps assis, trop souvent, et ce n’est pas toujours la meilleure position pour apprendre. Beaucoup d’enfants ont besoin de bouger pour intégrer une leçon : de manipuler, de déplacer, de se déplacer. On pourrait aussi mettre à disposition quelques coussins d’air, qui permettent de se procurer des sensations (non dérangeantes pour les autres) De nombreuses expériences se font à l’étranger (Canada, Allemagne, Suisse, Australie…) pour inciter les enfants à bouger, leur proposer des options de positions, des bureaux debout, des petits vélos statiques…
Dans une école idéale, il y aurait un coin de lecture au sol, à utiliser quand on a fini son travail avant les autres. Dans la cour de récréation, il y aurait des toboggans, des balançoires et des bacs à sable. On verrait le retour des cordes à sauter, des marelles, des élastiques, des structures pour grimper. Grimper, sauter , tripoter des textures, se balancer, nourrit le cerveaux des enfants pour les apprentissages ultérieurs et participe à la modulation neuro-sensorielle. Mâcher – du chewing-gum par exemple – même si cela surprend les adultes encadrants, est une source de sensations régulatrices qui peut permettre à certains de mieux se concentrer. Aller en classe à pied ou à vélo, passer moins de temps devant les écrans aussi… Dans l’école idéale, il y aurait une cantine bio, sans sucre ajouté, sans alimentation industrielle.
La maison idéale
À la maison, on prendra soin de respecter les hypersensibilités. La lumière naturelle est moins agressive. Les bruits, les bruits de fond (TV, radio, conversation, aspirateur, frigidaire…) peuvent sur-stimuler certains hypersensibles auditifs. On peut proposer un casque anti-bruit si nécessaire. Pour un anniversaire, on peut inviter moins d’enfants et organiser des jeux à l’extérieur, plutôt que de subir la surcharge sonore et la désorganisation qui va avec. Une décoration pas trop chargée et un bon aménagement des affaires participent à la bonne organisation cérébrale. S’il y a des jouets partout, c’est très désorganisant pour un enfant : on lui apprend donc à ranger avant de passer à l’activité suivante. Si l’enfant hypersensible au toucher n’aime pas faire la bise, on peut essayer de trouver une autre façon de dire “bonjour”. On peut aménager un petit espace calmant pour les pauses en solo. Si ce point est à l’origine de tensions on veillera à écouter son enfant pour le choix des vêtements : certains enfants supportent très mal les étiquettes, la matière d’un tissu ; certains sont très sensibles aux odeurs.
La question des écrans
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