Le psychomotricien peut être amené à rencontrer des enfants présentant un Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA). Pour les accompagner au mieux, il faut considérer leurs spécificités dans la prise en charge des troubles du spectre de l’autisme en psychomotricité. Dans cet article, Charlotte Dormoy-Duhamel, psychomotricienne, nous explique les particularités de la prise en charge d’enfants TSA en psychomotricité.
Que sont les troubles du neurodéveloppement (TND) ?
Les troubles du neurodéveloppement (TND) entraînent un retard ou une altération du développement de l’enfant, comme le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H), le trouble du spectre de l’autisme (TSA), le trouble spécifique des apprentissages, le trouble spécifique du langage, la déficience intellectuelle ou encore le trouble développemental de la coordination. Ils sont visibles durant le développement de l’enfant, la plupart du temps sur la période 0-6 ans.
Quels sont les signes évocateurs de TSA ?
Le Trouble du Spectre de l’Autisme peut se manifester de manière très large, d’où la notion de spectre. Il peut être associé ou non à une déficience intellectuelle, un trouble du langage, un trouble de la coordination. Ou encore, un trouble du tonus ou un trouble sensoriel plus ou moins important.
Parmi les TND, le TSA (Trouble du Spectre de l’Autisme) est en général caractérisé par :
- un déficit des interactions sociales
- un déficit de la communication
- des intérêts restreints et répétitifs
- des particularités sensorielles
Dans la petite enfance, des signes évocateurs dans la petite enfance peuvent être repérés très tôt. Comme une absence de pointage, pas de réaction au prénom, des intérêts spécifiques pour certains objets inhabituels. Et aussi, peu de contact visuel, des particularités sensorielles, peu ou pas de langage adressé, etc. Plus la prise en charge s’installe tôt, meilleures sont les chances de progresser pour l’enfant.
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Quelle est la prise en charge des TSA en psychomotricité ?
En raison du caractère multidimensionnel des signes cliniques du TSA, l’approche clinique doit être pluriprofessionnelle (en particulier pédopsychiatres, pédiatres, psychologues, orthophonistes, psychomotriciens, ergothérapeutes…). Et, impliquer des professionnels expérimentés et spécifiquement formés aux troubles du neurodéveloppement, en particulier au TSA. C’est pourquoi la psychomotricité fait partie des prises en charge de l’enfant avec un TSA. En effet, le psychomotricien traite les troubles psychomoteurs, autrement dit les troubles d’origine neurologique et/ou psychoaffective ayant une répercussion corporelle. Il fait le lien entre l’affect, le cognitif et la motricité. En cabinet libéral, nous recevons beaucoup d’enfants présentant un TND et spécialement un Trouble du Spectre de l’Autisme.
Selon leurs besoins, nous pouvons renforcer les coordinations globales, la motricité fine, les praxies manuelles, le tonus musculaire, l’équilibre, l’attention et les fonctions exécutives, la conscience corporelle, le repérage dans l’espace et le temps ou encore la confiance en soi.
Mise en place de la prise en charge
La prise en charge en psychomotricité commence par un bilan psychomoteur, une évaluation permettant de connaître la fourchette de développement dans laquelle se situe l’enfant dans différents domaines évalués. Ce bilan va pouvoir établir si besoin, les axes de travail du psychomotricien, dans quels domaines se trouvent les facilités ou les difficultés de l’enfant, dans son développement sensori-moteur.
Concernant les séances de rééducation du TSA, la Haute Autorité de Santé recommande les méthodes d’interventions éducatives, comportementales et développementales telles que :
⁃ L’ABA (l’Analyse Appliquée du Comportement, en anglais Applied Behavior Analysis) ;
⁃ L’ESDM (Early Start Of Denver Model, pour les moins de 48 mois) ;
⁃ TEACCH pour la structuration de l’espace ;
Comment les troubles neurosensoriels sont ils pris en compte ?
Bien comprendre les particularités sensorielles et comportementales des enfants avec un TSA en psychomotricité est essentiel. C’est pourquoi, nous devons évaluer s’il y a un trouble neurosensoriel.
Il en existe deux grands types :
- L’hypo-réactivité : ce sont des enfants qui ont besoin de beaucoup d’informations pour être attentifs à leur environnement
- L’hyper-réactivité : ce sont, cette fois-ci, des enfants qui sont trop rapidement débordés par les stimulations présentes dans leur environnement
Il est indispensable de prendre en compte ces troubles neurosensoriels dans nos prises en charge en psychomotricité puisqu’elle influencent directement la disponibilité attentionnelle de l’enfant, et peut freiner certaines explorations sensori-motrices.
C’est pourquoi en séance de psychomotricité, j’utilise très souvent des adaptations de l’environnement afin d’avoir toute la disponibilité de l’enfant. En plus d’un protocole de « désensibilisation sensorielle » ou « d’habituation sensorielle » à réaliser en séance, je peux utiliser différents matériels selon les besoins.
Quels outils utilisez-vous ?
Au niveau vestibulaire
Le coussin type Dynair est utile pour permettre à l’enfant qui aime bouger d’avoir ces informations vestibulaires (sens du mouvement) tout en restant assis au bureau (l’enfant cherchera moins à se lever par exemple), ou encore le gros coussin d’air au niveau des pieds pour avoir un cale-pied qui permet d’avoir du mouvement.
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Au niveau proprioceptif
J’utilise en général des objets lestés comme la veste lestée ou une couverture lestée sur les épaules ou les genoux, des bracelets lestés aux poignets ou même aux chevilles afin de renforcer la concentration des enfants qui ont besoin d’informations proprioceptives (aiment se sentir lovés, dans les bras, avoir une assise serrée…). Je peux aussi proposer des pressions profondes ou objets vibrants avant une tâche qui demande de la concentration selon leurs besoins.
Au niveau visuel
Nous utilisons des objets lumineux pour renforcer la motivation de certains enfants qui adorent regarder les objets en mouvements ou les objets très brillants, très lumineux. Il est parfois intéressant de leur proposer ce type de matériel afin qu’ils évitent de trop rechercher les informations visuelles de manière peu adaptée (faire tourner les objets ou y coller leurs yeux) ou encore comme matériel de retour au calme, très apaisants. Pour cela, je peux utiliser les baguettes paillettes ou des jeux à hélices comme le ventilateur lumineux.
Au niveau auditif
Si je sais qu’un environnement sonore peut être très difficile à vivre pour un enfant hypersensible, je peux proposer le casque anti-bruit. En veillant à ne pas trop prolonger son utilisation et de bien le porter à des moments très identifiés (travaux à un endroit précis sur le trajet de l’école ou cour de récréation trop bruyante).
Les casques antibruit ou les bouchons d’oreilles permettent de s’isoler des bruits environnants. Lors d’un concert ou un feu d’artifice, le casque antibruit offre une protection auditive aux plus jeunes. Enfin, pour les enfants avec autisme, ayant un TDA/H ou une hypersensibilité sensorielle, ces solutions permettent une réduction sonore des bruits ambiants dans les lieux très fréquentés. C’est le cas des gares, aéroports, centres commerciaux, notamment. À la maison ou à l’école, ils aident à mieux se concentrer.
Au niveau tactile
J’intègre les balles sensorielles, chenilles à picots ou des fidgets à manipuler pour aider à la concentration. Sur le plan tactile de la bouche, j’ai de nombreux patients qui mettent le matériel et leurs mains en bouche, ou bien mâchouillent leurs vêtements. En accord avec leur orthophoniste, je peux leur proposer des colliers de mastication ou des chewy-tubes. Ceci dans le but d’obtenir des informations sensorielles dont ils ont besoin. Sans chercher à mettre les mains ou le matériel en bouche, ce qui gêne beaucoup la manipulation et la découverte d’objets.
La gamme de bijoux Chewigem a été développée par une maman qui cherchait des solutions pour son petit garçon qui mâchouillait et mastiquait à peu près tout. Rapidement après avoir sorti cette gamme, Jenny McLaughlan, la maman créatrice, a été contactée par des parents d’enfants présentant des troubles sensoriels. Elle a très vite pu constater que les parents d’enfants ayant des troubles sensoriels étaient séduits par ces colliers de mastication. Il y avait un réel besoin pour ces parents de trouver des bijoux à mordre plus discrets.
Les balles sensorielles vont permettre à l’enfant de stimuler tous ses sens grâce à des textures incroyables, de forme, de densité, de tailles, de poids, de sons et de couleurs différentes. Vous pourrez les lancer, les faire rouler, les presser, les étirer et même les secouer ! Les balles tactiles vont favoriser l’exploration par le toucher, et favoriser le désir d’atteindre de l’enfant. Il va pouvoir expérimenter les différentes formes, textures et contrastes.
Tout ce matériel adapté leur permet d’améliorer leur environnement. Ainsi ils sont plus disponibles pour un contexte de socialisation ou d’apprentissage.
Vous êtes pro et envisagez de prendre en charge des enfants TSA en psychomotricité ? N’hésitez pas à interroger Charlotte Dormoy-Duhamel en commentaire !
Bio
Charlotte DORMOY-DUHAMEL est psychomotricienne, formée à l’intégration sensorielle et à la cotation du Profil de Dunn. Elle est experte sur les outils et le matériel pour favoriser les progrès et aussi conceptrice de vidéos pour le site « deux minutes pour mieux vivre l’autisme ».
Formatrice chez Ambition Handicap – asso Joker