Le 30 Septembre, c’est la journée internationale de la traduction. On a cherché un moyen de coupler cette journée avec nos engagements et grâce à notre rencontre avec les éditions KILEMA, spécialisées dans les livres en FALC (français Facile à Lire et à Comprendre), nous avons pensé qu’il pouvait être intéressant de se pencher sur la traduction en FALC. Saviez-vous, par exemple, que traduire un texte du français au FALC, était un exercice complexe ? Rencontre avec Emma Troude-Beheregaray.

Quand on parle de traduction ou du métier de traducteur·trice, on pense forcément à ces gens qui, traduisent des textes de l’anglais, au français. C’est la raison principale pour laquelle, lorsque nous avions fait notre article sur la maison d’édition KILEMA, nous avions été surpris quand on nous avait dit que la plupart des traducteurs trouvaient ça plus complexes de traduire un texte en FALC plutôt que dans une langue étrangère.

Le FALC, c’est une technique d’écriture qui permet à toutes et tous de comprendre un texte. Cela peut s’adresser notamment aux personnes en situation de handicap ou celles avec un trouble de l’apprentissage. Mais également aux personnes qui sont entrain d’apprendre le français ! Kiléma par exemple, souhaite se concentrer sur des lectures conseillées dans les classes de collège Ainsi tous les enfants peuvent suivre à leur rythme.

Une rencontre

Aussi, afin de nous aider à mieux comprendre ce métier, la maison d’édition nous a mis en contact avec Emma Troude-Beheregaray, l’une de leur traductrice. Emma est traductrice littéraire et elle fait beaucoup de traduction jeunesse. Le chemin du FALC s’est dressé devant elle lorsque sa meilleure amie, a rejoint la maison d’éditions Kiléma. À ce moment-là, elle est déjà traductrice depuis quelques années. Alors que Kiléma recherche des traducteurs FALC, elle se dit alors que ça pourrait être intéressant de travailler sur un nouveau type de projet.

Dans un premier temps, elle travaille sur la traduction de Cyrano de Bergerac, la célèbre pièce d’Edmond Rostand. Lors de notre échange, on se rend compte à quel point cette première traduction l’a marquée et est ancrée en elle: elle pourrait en parler pendant des heures. Elle lance un: « Arrêtez-moi si je me perds dans Cyrano! » Mais sa première expérience est compliquée. Durant sa première traduction sur cette œuvre qu’elle affectionne tout particulièrement, elle a l’impression de « détruire » le texte original. En effet, afin de faciliter la compréhension en FALC, on peut être emmenés à supprimer des passages, des interactions qui pourraient brouiller la compréhension du lecteur. Mais d’un autre côté, elle ajoute: « Je me dis que je permets à un public qui n’aurait jamais pu le lire autrement, de découvrir ce récit. »

La traduction FALC

« C’est très complexe de faire du simple »

Alors, Emma est lancée dans le processus très compliqué de traduire un texte en FALC. Lorsqu’on lui propose un travail de traduction, elle reçoit une fiche technique. Sur cette fiche, on trouve des informations sur le texte, avec certaines recommandations. Emma raconte que, par exemple, pour la traduction de Cyrano, la première recommandation était de supprimer certains personnages peu importants de la première scène. Mais il faut aussi garder le ton et l’essence même du livre. Par exemple, l’un des enjeux majeurs pour Cyrano de Bergerac, était de garder certaines parties emblématiques. Comme la célèbre tirade du nez. Cette dernière étant assez imagée et simple, c’était possible.

Mais ce n’est pas tout ! Emma explique que comme les livres peuvent être utilisés dans le cadre scolaire, ils ne voulaient pas changer la structure de l’œuvre initiale. Mais pour certains textes, comme pour les Trois Mousquetaires, il le faut. Alors, les traducteurs doivent séparer les chapitres en plusieurs parties. En effet, la longueur d’un chapitre peut décourager le lecteur et lui emmêler les idées. Alors, qu’en découpant le chapitre en plusieurs parties, cela peut donner un rythme au texte.

Et puis, la traduction FALC, c’est aussi se mettre à la place du lectorat, qui ne va pas comprendre les figures de style ou les mots trop complexes. Emma raconte: « sur la traduction FALC, on est obligés de se prendre la tête sur toutes les phrases. » Il faut se demander si les personnes vont tout comprendre, s’il faut utiliser un nouveau mot, ou même retirer complètement un paragraphe. C’est notamment pour ça qu’au sein de Kiléma,  deux relectrices en situation de handicap s’occupent de juger si les termes utilisés sont compréhensibles ou non.

La traduction FALC

Les différentes missions de la traduction FALC

Une traductrice FALC peut également être emmenée à faire des « révisions » de texte. Une révision, c’est une relecture pour comparer avec le texte de base. Pour elle, loin d’être une tare, cela lui permet également de voir comment les autres traduisent, ainsi, elle peut développer ses traductions et évoluer. Parfois, elle peut également proposer d’autres tournures de traduction.

Selon Emma, il n’y a pas réellement de règles bien définies à prendre en compte dans la traduction FALC. En effet, c’est un processus qui est très récent.  Et tous les traducteurs en FALC débutent. Mais lors de notre échange, elle nous explique que certains termes sont cependant mis de côté. Par exemple, seuls trois adverbes sont tolérés: « lentement », « rapidement » et « vraiment ». Bien que l’usage de ce dernier soit également controversé, car il est considéré comme trop vague. En FALC, on utilise d’ailleurs uniquement le présent de narration. Pour parler de cette traduction unique, Emma souligne: « chaque phrase pose question ». Dans une révision en FALC, elle explique: « Il y a des commentaires sur chaque paragraphe ». Alors que sur une traduction d’une langue à une autre, les commentaires, utilisés pour voir si la traduction est bonne, sont bien plus rares !

Une leçon de vie

Pour Emma, être traductrice en FALC, c’est réellement une leçon de vie. Elle explique que, lorsqu’elle a rencontré les relectrices de Kiléma, toutes deux en situation de handicap, elle était touchée par l’accueil qu’elles faisaient aux textes. L’une d’elles, Laura, était émue aux larmes après avoir lu Roméo et Juliette. Un texte qu’elle, et bien d’autres, n’auraient sans doute pas pu lire avec les termes complexes utilisés par Shakespeare. Avoir les retours des personnes concernées, c’est un véritable boost.

 

 

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