Le 21 mars 2024 sera la Journée mondiale de la trisomie 21. À cette occasion, nous donnons la parole à Tifanny, maman de Hugo, porteur de trisomie 21, et secrétaire de l’association Inclusion Trisomie 21-59.
Parlez-nous un peu de vous !
Je m’appelle Tifanny, j’ai 40 ans. Je suis la maman de Melye, 14 ans, et de Hugo, bientôt 11, ayant l’originalité d’être porteur d’une trisomie 21.
À côté de ça, je suis aussi maman solo, salariée à temps plein dans le milieu bancaire et secrétaire de l’association Inclusion Trisomie 21-59.
L’association Inclusion Trisomie 21-59
Il s’agit d’une association créée en 2021 afin d’œuvrer pour l’inclusion des personnes porteuses de trisomie 21 au sein de la société, et plus particulièrement dans le Nord. À l’origine, nous étions quatre parents et nous avons été rejoints par d’autres parents et des professionnels en lien avec la trisomie 21.
Nous proposons des rencontres thématiques entre parents, une aide aux démarches (MDPH et autres), de l’information et du soutien pour l’accès à la scolarisation, de la sensibilisation à la différence auprès des écoles.
C’est une association pleine de vie qui a déjà à son actif de belles manifestations, comme la course des héros, la chasse aux chaussettes géantes, une exposition photo et prochainement, un trophée solidaire (course à pied) avec l’EDHEC de Roubaix. L’exposition photo est actuellement visible à la chapelle d’Armentières.
L’annonce du diagnostic
Votre enfant est né avec une trisomie 21. À quel moment vous l’avez appris ? Comment vous avez vécu le diagnostic ?
Nous avons appris la trisomie 21 de Hugo plusieurs jours après sa naissance. Le métissage avec son papa d’origine cambodgienne n’avait pas facilité le dépistage, et c’est sur le « pressentiment » d’un pédiatre que le caryotype a été établi et est venu confirmer l’existence de la Trisomie 21 .
L’annonce du diagnostic a été un véritable coup de pied dans notre château de cartes. Rien durant mon suivi de grossesse ne laissait présager un tel diagnostic.
Tout a volé en éclats : notre joie de sa naissance, les projets de famille que nous nous étions imaginés, notre confiance en nous dans notre rôle de parents, les projets d’avenir qu’on avait construit…
C’est le sol qui s’écroule sous nos pieds , la sensation d’être dans un mauvais rêve, à attendre désespérément que le réveil sonne et nous sorte de ce cauchemar… Puis, on est, de façon très brutale, remis sur terre car on ne vous laisse pas le temps de digérer la nouvelle. On ne cherche même pas à vous rassurer, non, on vous demande dans la foulée ce que « vous comptez en faire ».
Un véritable tsunami émotionnel en tant que maman, car on doit jongler entre nos propres peurs, celles de nos proches, prendre des décisions, trouver des réponses, se rassurer et rassurer les autres, se convaincre et se motiver.
« Les voir grandir, progresser, s’épanouir vaut toute l’énergie du monde »
Le parcours des parents ayant des enfants avec trisomie 21 est un vrai parcours du combattant. Il ne faut rien lâcher, il faut toujours se battre, pousser tout le temps… Comment avez-vous fait pour ne pas vous décourager ?
On se dit qu’on ne le fait pas pour soi mais pour eux (Hugo, mais aussi sa sœur). Qu’il s’agit de leur avenir. Que notre mission est de leur apporter toutes les armes possibles pour faire face à la société de demain.
Alors on les inonde d’amour pour leur donner confiance en eux, on essaie de rendre leur quotidien le plus normal possible, on ne se refuse pas de vivre une expérience parce qu’ils sont trisomiques… On se répète régulièrement : Pourquoi pas !
Au fur et à mesure, on réussit aussi à s’entourer des bonnes personnes : familles, amis, voisins, professionnels… On fait le tri et ça aide. Et on se fait confiance , on suit notre instinct et on fonce !
Avoir un enfant porteur de trisomie 21, c’est comme faire une partie d’accrobranche les yeux fermés avec comme seule ligne de vie notre enfant. On n’a pas le choix que d’avancer, on fait face à nos peurs. On emprunte des chemins semés d’obstacles, qu’on parvient à dépasser et nous voilà envahis d’une vague de fierté.
Et parfois, on fait demi-tour car l’obstacle est trop difficile à surmonter mais on prend un autre chemin, peut-être plus long, mais qui nous mène à la même réussite. Alors, on comprend que ce n’est pas le temps qu’on passe à traverser l’épreuve qui importe mais bien le résultat final.
Et les voir grandir, progresser, s’épanouir vaut toute l’énergie du monde. On comprend alors que patience et détermination sont nos super-pouvoirs.
Un conseil pour les autres parents
Pour les parents qui se disent “j’en peux plus”, “ça sert à rien de pousser”, que leur diriez-vous ?
Que Rome ne s’est pas faite en un jour et que c’est normal de flancher, d’être fatigué, de ne pas y arriver du premier coup… mais, qu’à force de persévérance, de patience et de détermination, on finit par avancer. Tout vaut la peine d’essayer.
« Un véritable travail d’équipe dont Hugo est à la tête »
Dans votre parcours, quels dispositifs ou quelles personnes ont été un soutien ou une aide ?
Le premier soutien que nous avons eu est celui de la famille et des amis. Même si certains on pris la fuite, nous savons aujourd’hui qu’ils sont plus perdants que nous.
Mais nous vivons dans une belle époque. L’internet a beaucoup aidé dans les premières semaines de vie d’Hugo. Alors que j’avais énormément de mal à supporter le regard des autres, j’ai pu me cacher derrière un écran, échanger sur des forums de discussion et profiter des expériences de chacun et de leurs conseils .
Les papillons blancs et leur groupe de parents : les copains – copines ont également été d’une grande aide dans les premiers années d’Hugo. Tant pour nous que pour nos proches.
Puis, nous avons eu la chance d’être entourés des bonnes personnes. De la nourrice en passant par les maîtresses et les professionnels de santé accompagnant Hugo au quotidien. Chacun est moteur à sa façon dans notre détermination à porter Hugo au plus loin dans son éveil et ses apprentissages.
C’est un véritable travail d’équipe dont Hugo est à la tête.
Comment les personnes de votre entourage ou de la société peuvent faire en sorte que votre chemin soit moins exigeant ?
Aujourd’hui encore, nous sommes confrontés à une lourdeur administrative et financière considérable pour l’accompagnement de nos enfants. Il y a autant d’interprétation des textes de lois qu’il y a de personnes qui les lisent et les appliquent. Et on fait l’amer constat du manque de moyens humains, financiers et de formations allouées aux différentes institutions avec lesquelles nous pouvons être amenés à interagir.
Des mesures ont déjà été prises pour faciliter certaines démarches, mais il y a encore beaucoup de travail à faire, et cela dans tous les domaines.
Des préjugés tenaces
Êtes-vous confrontés à des idées reçues sur la trisomie 21 ? Lesquelles ?
Malheureusement encore trop souvent. Parce qu’il est trisomique il est forcément :
- dans un centre handicapé
- toujours content
- incapable de faire quoi que ce soit
- sans ami
- dans sa bulle
- sans passion ni loisir
Mais les idées reçues nous touchent nous aussi en tant que parents. Beaucoup de monde pense que :
- On est malheureux voire dépressif
- Si on est divorcés, c’est forcément à cause du handicap du petit
- On n’a pas de vie, pas de loisirs
- On est forcément isolés, renfermés, sans amis
- Tous nos enfants sont handicapés
- On n’a plus d’humour
- Que notre vie est triste
L’accès aux soins passe par la sensibilisation des professionnels
Cette année, le thème de la journée, choisi par la Fédération Trisomie 21 France, est “l’accès aux soins”. Quelles sont les difficultés que rencontrent les personnes avec trisomie 21 dans leur parcours de santé ? Comment améliorer cet accès ?
La difficulté principale qu’on rencontre est celle de trouver des professionnels de santé qui sont sensibilisés au handicap et non pas effrayés par celui-ci .
Trop souvent, l’annonce du handicap lors de la prise de rendez-vous pose problème. Alors qu’il suffit de patience, d’anticipation, de préparation et de compréhension pour que le rendez-vous se passe bien.
Il suffit parfois de pas grand-chose : reconnaitre de ne pas savoir faire car c’est une première. Accepter de travailler en équipe avec les autres professionnels exerçant autour de l’enfant, prendre en considération les conseils des parents. Nous ne sommes pas là pour remplacer le professionnel. Chacun son métier. Mais nous connaissons notre enfant et savons bien souvent traduire ses réactions et identifier les comportements à adopter en réponse.
Le mot de la fin
Un message que vous voulez transmettre, quelque chose que vous voulez partager…
Il y aurait peut-être des mots à bannir de notre vocabulaire. Car finalement ne sommes-nous pas tous normaux ? Puisque tous différents…
On réduit trop souvent la différence au handicap (ou le handicap à la différence ) alors que, cette différence, nous la portons en chacun de nous… Elle peut être culturelle, sociale, religieuse, physique, ethnique… Nous avons tous notre propre façon de pensée, nos propres goûts musicaux, alimentaires, vestimentaires… Retenons alors une chose : Que la différence est une chance et soyons-en fiers !
>> Découvrez d’autres témoignages pour la Journée de la trisomie 21 !
>> Lire aussi : Le deuxième portrait que nous avions fait de Hugo !