Escalade, Taï Chi, pétanque, randonnée, natation, baptême d’ULM… À Avignon, ATHOM fait bouger tout le monde et dans tous les sens ! Dans cette association qui s’actionne par le cœur et ne s’arrête jamais, un bénévole nous fait découvrir le cours de Taï Chi adapté.
Florence Gonfalone, diplômée d’un master STAPS (Sciences et Techniques des Activités physiques et sportives) spécialité APAS (Activités Physiques Adaptées et Santé) a créé l’association ATHOM en 2011. ATHOM organise des activités de loisirs sportifs et culturels à destination d’adultes en situation de handicap mental, cognitif et psychique. Affiliée à la Fédération Française du Sport Adapté depuis sa création, l’association propose des sections sportives en natation, pétanque et escalade. Des disciplines représentées et médaillées aux championnats de France en catégorie adaptée !
Visitez leur page Facebook pour mieux les connaître et leur page Helloasso si vous souhaitez les soutenir !
Depuis 7 Ans, Seb L. est l’un des bénévoles encadrants de la structure. Il anime le cours de Tai Chï du mardi soir (17h30 à 19h) ainsi que l’après-midi escalade du vendredi. Il encadre aussi régulièrement les activités du samedi qui varient d’une semaine à l’autre. Un mercredi sur deux, Seb propose également un cours de Tai Chï pour la Maison Perce-Neige d’Avignon.
Comment le cours est-il né ?
ATHOM propose de nombreuses activités tout au long de l’année. Le samedi est une journée à thème avec sorties culturelles ou rencontres multisport. C’est lors d’une de ces journées multisports de découverte que Seb a proposé la première initiation au Taï Chi sous la forme d’un atelier “bien-être” sur une impulsion de Florence, fondatrice de l’association. Cette initiation, reproduite plusieurs fois, a rencontré un grand succès auprès des adhérents. Tout naturellement, l’idée d’en faire quelque chose de régulier est née.
Seb a beaucoup réfléchi au format du cours avant de se lancer. Il a réalisé que ce qui le portait dans ce projet était de pouvoir offrir un temps pour soulager du stress et permettre aux élèves d’exprimer ce qu’ils ont du mal à évacuer le reste du temps.
1. Le cercle de parole
Tous les mardis soir sauf vacances scolaires, Seb anime donc depuis 2 ans un cours d’1h30 “activité zen” qui est inspiré de la pratique du Taï Chi. Ses élèves réguliers sont 7, entre 25 et 52 ans, tous présentant un handicap cognitif. Ils se connaissent bien et forment un groupe soudé.
Le cours commence toujours par un cercle de parole, de temps variable. Chacun s’exprime sur son état du moment, ce à quoi il pense. C’est un moment de partage, de débat, mais aussi de centrage. Ces élèves qui ont des troubles de l’attention vont avoir des difficultés à conserver leur attention sur une longue période de temps. C’est pour ça que le temps de parole en introduction est très important. Il permet aux élèves de se poser, d’exprimer leurs pensées du moment pour s’en libérer pour être ensuite pleinement disponibles pour le cours.
Le cercle de parole d’introduction me permet aussi d’adapter le cours en fonction de ce que vivent les élèves. Il me permet de connaître le type d’énergie que les élèves amènent ce jour-là. S’il y a beaucoup de stress, d’inquiétude, de fatigue, d’excitation, etc.
2. La pratique inspirée du Taï Chi
Après le temps de parole, le cours progresse vers des exercices taoïstes. Ce sont des échauffements hérités de la pratique Qi Gong, des exercices de santé pour réveiller son corps en douceur : travailler sa souplesse, son équilibre, sa conscience du corps. Ces mouvements sont aussi pratiqués en posture fixe.
Matieu, porteur de la Trisomie 21, s’investit dans le cours depuis ses débuts. Il anime certains échauffements quand le cœur lui en dit et amène sa bonne humeur dans cette bulle de détente. Lire le témoignage de Matieu.
Enfin, de temps en temps, ils pratiquent du Tai Chi “strict”, c’est-à-dire des mouvements codifiés lents et en conscience. Ils peuvent pratiquer une partie de la forme sans pression de se souvenir de tout. La forme est un enchaînement chorégraphié de mouvements fluides. Ils font surtout des exercices pour apprendre les bases du Taï Chi : la position des pieds, des mains, la posture générale.
Mon but, c’est qu’ils arrivent à se rappeler des exercices pour avoir envie de les pratiquer quand ils sont dans leur vie de tous les jours. Même juste un mouvement. Comme ça, s’ils ont un moment de stress, ils peuvent pratiquer pour se recentrer et se canaliser.
Une fois par mois environ, le cours intègre aussi une pratique de toilette taoïste. Ce sont des gestes d’automassage pour se calmer, se recentrer. C’est une manière d’amener de la relaxation pour clore le cours tranquillement.
Tout le monde enseigne !
La première année, Seb a animé l’ensemble des cours. Ils ont décortiqué chacun des mouvements en prenant le temps d’intégrer l’exercice en conscience : qu’est-ce que ça fait, pourquoi on le fait et comment. Ensuite, les élèves ont été invités à venir animer le cours avec lui, chacun leur tour, selon leurs envies. Petit à petit, les élèves ont gagné confiance en eux. C’est ainsi que Sophie et Alexandra, toutes deux porteuses de la Trisomie 21, animent aujourd’hui certains cours en entier avec le soutien de leur encadrant qui se met en retrait.
Les filles sont très douées en Taï Chi, très fortes pour reproduire ce qu’elles voient, appliquent très rapidement les mouvements et comprennent ce qu’elles font et pourquoi. Elles font régulièrement le cours entier et moi pendant ce temps je passe entre les élèves pour corriger les postures si nécessaire. Ce rôle leur a permis de bien mieux mémoriser, de mieux se concentrer (le fait d’être face aux autres les oblige à pratiquer sérieusement) et d’être mises en valeur. Les 5 autres élèves animent les échauffements quand ils ont en envie.
Un cours qui se construit autour de ses élèves
Dans cet espace, la question du handicap ne se pose pas. Comme dans n’importe quel espace partagé, les dynamiques se développent autour de l’écoute et la conscience de l’autre. C’est donc tout naturellement que le cours s’est construit autour de ses élèves et a évolué avec eux.
Je ne parle jamais de leur handicap. Je ne le vois même plus. Ce n’est pas ça qui est important. Je les connais par cœur. Ça fait 7 ans que je suis dans l’asso et on a créé un lien fort avec ce noyau d’élèves. Et je vois, individuellement, de quoi ils ont besoin. Sans avoir besoin de connaître leur handicap en fait, de mettre de mot dessus. À quoi ça me sert de savoir qu’un tel est autiste ou trisomique ? Chacun est unique. Il n’y a pas un schéma type de choses à faire selon le profil. Ils ont tous leur personnalité, leurs problèmes, leurs particularités. Certains s’expriment super bien, d’autres galèrent à parler. C’est forcément de l’individuel, même si on a les bases de compréhension.
La classe pratiquant le Taï Chi au Palais des Papes à Avignon, en octobre 2023, lors d’un stage interrégional de l’école ITCCA.
Au début, quand on faisait le tour de parole en introduction de cours, je prenais des notes sur ce qu’ils partageaient de leur quotidien. Pas sur leur handicap, mais sur eux, ce qu’ils vivaient. Ça me permettait d’ancrer l’info : s’il y en avait un qui était stressé en ce moment, une autre avec un problème particulier à gérer, etc.
Le cours s’est ainsi construit autour de la relation authentique entre les élèves et leur enseignant. Les pratiques abordées et approfondies permettent de pratiquer des points précis et de répondre à des besoins exprimés par les élèves. Ce temps de pratique n’a pas cessé, depuis sa création, de se transformer. Aujourd’hui, ce sont les élèves eux-mêmes qui modèlent ce cours en l’enseignant !
Et en plus du Taï Chi ?
Quatre de sept élèves du cours de Taï Chi sont également investis dans l’activité escalade du vendredi. Ce n’est pas un maigre investissement de temps et d’énergie, car tous les grimpeurs partent chaque année aux championnats de France para escalade adaptée pour en revenir souvent médaillés !
Cette année, ils repartent donc du 22 au 24 mars pour les championnats et on leur souhaite de revenir les valises alourdies de médaille et le cœur gonflé d’une fierté méritée.
Nous en tant qu’encadrants, on se chauffe comme eux. Je comprends les matchs de foot où tu vois l’entraineur sur le côté qui pète des câbles alors que pourtant il ne joue pas. Mais je te jure que tu es sur le terrain avec eux. Quand ils font le championnat de France je grimpe avec eux, je perds avec eux, je gagne avec eux. Et si demain tu me dis qu’il y a les championnats d’Europe, on trouvera les sous et on ira.
ATHOM est donc avant tout une structure qui s’adapte aux élans de ses adhérents. Le cours de Taï Chi existe par leur envie et de nouvelles disciplines naissent chaque année dans l’association grâce à leur énergie. Ils impulsent donc une immense énergie et s’investissent pleinement, motivant leurs encadrants à bouger des montagnes !
Visitez leur page Helloasso si vous souhaitez soutenir leurs actions !