Avez-vous déjà ressenti une irritation inexplicable en voyant quelqu’un tapoter nerveusement son pied ? Bien que ce phénomène soit encore méconnu, il porte un nom : la misokinésie. Cet article vous invite à découvrir de quoi il s’agit, son influence au quotidien, et surtout, des solutions pour mieux vivre avec cette sensibilité.
Comprendre la misokinésie
Définir la misokinésie : une hypersensibilité souvent invisible
La misokinésie signifie littéralement « aversion au mouvement » (du grec miso pour « haine » et kinesis pour « mouvement »). Elle désigne une sensibilité accrue à la vue des petits mouvements répétitifs des autres. Ces mouvements peuvent provoquer une réponse émotionnelle négative, allant de l’agacement à l’anxiété marquée, en passant par l’irritabilité.
Que dit la science ?
Les recherches menées par Sumeet Jaswal et Todd Handy, psychologues à l’Université de la Colombie-Britannique, nous apprennent que la misokinésie concernerait 1 personne sur 3. Ce chiffre souligne l’importance de mieux comprendre ce phénomène, souvent ignoré ou minimisé.
Une autre étude a permis d’approfondir cette thématique, pour examiner la sensibilité attentionnelle des individus. En menant cette étude, Sumeet Jaswal et Todd C. Handy ont exclu un lien direct avec une vigilance accrue aux stimuli visuels, suggérant que d’autres mécanismes cognitifs ou émotionnels sont à l’œuvre.
L’hypothèse des neurones miroirs
Les origines de la Misokinésie ne sont pas encore pleinement comprises. Mais les recherches ont exploré des hypothèses variées pour expliquer la misokinésie ! Une des pistes principales concerne le rôle des neurones miroirs. Ces cellules du cerveau impliquées dans l’empathie nous aident à interpréter et ressentir les actions ou émotions des autres. Chez une personne sensible à la misokinésie, ces neurones pourraient rendre les mouvements répétitifs plus intenses pour le cerveau. Ce phénomène engendrerait une confusion interne, qui elle-même provoquerait une gêne accrue. Cette théorie reste à approfondir, pour mieux comprendre les mécanismes de ce trouble.
La misokinésie au quotidien
La misokinésie peut s’inviter dans des moments de la vie quotidienne de manière inattendue. Les tapotements de pied, un balancement de chaise, voir quelqu’un jouer nerveusement avec son stylo… Que ce soit en milieu professionnel, dans les transports en commun, ou même à la maison, les mouvements répétitifs de personnes proches ou inconnues peuvent déclencher une gêne ou une frustration difficile à ignorer.
Ces expériences, bien que souvent invisibles pour les autres, peuvent pousser certaines personnes à limiter leurs interactions sociales ou à éviter des contextes professionnels pour éviter d’être exposées à des mouvements déclencheurs. Ces évitements, bien que compréhensibles, peuvent provoquer un sentiment d’isolement et réduire la qualité de vie.
La misokinésie n’est pas une simple “préférence” ou un “manque de patience”. Elle résulte d’une réaction involontaire et automatique du cerveau, où les mouvements répétitifs captent l’attention de manière exacerbée. Cette captation rend difficile la capacité à ignorer ces stimuli et peut provoquer une boucle d’irritation, où l’attention reste focalisée sur le mouvement.
Cependant, des stratégies existent pour atténuer ces impacts et faciliter la gestion de ces sensibilités au quotidien.
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Vivre avec la misokinésie : solutions et ressources pour mieux la gérer
Si on ne connait pas exactement l’origine, on peut quand même observer ces réactions et sensations. Cette observation et cette connaissance de soi permettent d’explorer des solutions d’adaptations et des outils de régulation, pour apaiser les sensations liées à ce mécanisme !
1. Gérer l’irritation par des approches pratiques
Des techniques simples peuvent être utilisées pour retrouver un sentiment de contrôle et de sérénité :
- Techniques de respiration :
Des exercices comme la respiration profonde aident à calmer la tension émotionnelle en réponse aux stimuli perturbants. Prenez une inspiration lente par le nez sur 4 secondes, maintenez l’air pendant 4 secondes, et expirez lentement par la bouche sur 6 secondes. - La pleine conscience :
En se concentrant intentionnellement sur une autre sensation ou pensée, on apprend à déplacer son attention. Par exemple, remarquer les sons de l’environnement ou ressentir le contact du sol sous ses pieds peut aider à atténuer la fixation sur les mouvements irritants. - Objets de manipulation :
Avoir à disposition des objets tactiles, comme des balles anti-stress ou des fidgets à manipuler, offre une alternative productive pour libérer les tensions et détourner l’attention.
2. Adapter son environnement pour plus de confort
Créer un espace de vie ou de travail adapté profite à tout le monde. Par exemple :
- Au travail :
Favoriser les espaces calmes ou des postes de travail éloignés des sources de distraction, utiliser des écrans de concentration, porter des écouteurs ou un casque anti-bruit pour limiter les stimuli visuels et focaliser son attention ailleurs. - À la maison :
Trouver des ajustements qui respectent les besoins de chacun·e, en encourageant des habitudes de conscience mutuelle ! Ça peut être d’inviter les membres de la famille ou les invité·es à prêter attention aux gestes répétitifs, sans les blamer. Aussi, et au lieu de restreindre certains mouvements, optez pour des solutions comme la création d’espaces modulables où chacun·e peut se sentir à l’aise. Par exemple, placer des fauteuils légèrement à distance dans un salon peut offrir une alternative sans éloigner les interactions. - En déplacement :
Dans les transports ou lieux publics, l’idée est de s’appuyer sur une distraction auditive. Écoutez de la musique, des podcasts ou des sons apaisants aide à détourner son attention des stimuli visuels.
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3. Encourager la communication
La communication joue un rôle clé dans la gestion de la misokinésie. Exprimer ses besoins avec clarté et bienveillance est essentiel pour le bien-être. Expliquer sa sensibilité à ses proches ou à ses collègues permet souvent de désamorcer les tensions et de favoriser une compréhension mutuelle.
- Adopter une approche constructive :
Par exemple, remplacer une critique (“Arrête de bouger, ça m’énerve !”) par une demande empathique (“Ce mouvement me perturbe un peu, est-ce que tu pourrais essayer de le limiter ?”). - Expliquer la condition :
Dans un cercle proche, prendre le temps d’expliquer la misokinésie comme un phénomène neurologique aide à dissiper les malentendus et à éviter les jugements hâtifs.
4. Explorer des approches thérapeutiques
Pour les personnes particulièrement sensibles, le recours à un·e professionnel·le peut ouvrir de nouvelles perspectives.
- Thérapie cognitivo-comportementale (TCC) :
La TCC permet d’identifier les pensées automatiques qui amplifient l’irritation et de les remplacer par des schémas plus apaisants. Elle permettra de travailler sur la perception des mouvements irritants et de développer des réactions plus sereines. Pour ça, orientez-vous vers un·e psychologue ou un·e thérapeute spécialisé·e en TCC ! - Gestion du stress :
Cette approche englobe diverses techniques pour diminuer la réactivité émotionnelle face aux stimuli irritants. Des techniques comme la méditation guidée (pour travailler la concentration), le yoga (qui combine respiration et pleine conscience) ou la relaxation progressive (pour apaiser les tensions) sont efficaces pour abaisser le niveau général de stress et gérer ses émotions, rendant les stimuli moins envahissants. Vous pouvez vous tourner vers des sophrologues et des professeur·es certifié·es en méditation ou yoga ! - Psychothérapie classique ou intégrative :
En cas d’impact plus profond sur la qualité de vie (isolement, anxiété sociale accrue), une psychothérapie généraliste peut aussi aider à explorer les causes sous-jacentes et à développer des stratégies d’adaptation émotionnelle ! Dans ce cas, dirigez vous vers un·e psychologue clinicien·ne, ou un·e psychothérapeute. - Groupes de soutien :
Rejoindre une communauté de personnes partageant des expériences similaires peut aider à se sentir moins isolé·e et à trouver des stratégies adaptées.
5. Prévenir l’épuisement émotionnel
Parce que la misokinésie peut provoquer un stress chronique, il est essentiel de surveiller ses limites :
- Prendre des pauses régulières quand on est dans des environnements sur-stimulants.
- Faire du sport : Une activité physique régulière aide à canaliser l’énergie accumulée et à produire des endorphines, favorisant une meilleure gestion des émotions.
- S’offrir des moments de déconnexion : Lire, écouter de la musique ou s’adonner à un passe-temps créatif aide à recharger son énergie mentale.
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Conclusion
La misokinésie nous rappelle que chacun·e perçoit le monde à sa manière, que cette perception varie d’une personne à une autre. Comprendre et accepter ces sensibilités enrichit notre société et renforce notre capacité à coexister harmonieusement. Chaque petite adaptation, qu’elle soit personnelle ou collective, contribue à créer un environnement où chacun·e peut évoluer sereinement, en respectant les besoins des autres.
Sources
Jaswal, S. & Handy, T. (2021). Scientific Reports – Étude sur les impacts de la misokinésie sur le quotidien.
Jaswal, S., Handy, T. C. (2024). PLOS One – Sensibilité attentionnelle et misokinésie.