Le masking est une stratégie d’adaptation utilisée par les personnes neurodivergentes pour se conformer aux attentes de la « norme ». Leur objectif ? Une meilleure intégration sociale et professionnelle, avec la diminution des jugements négatifs sur leurs comportements atypiques. Pourtant, le camouflage se révèle à long terme nocif pour la santé mentale. Dépenser son énergie pour dissimuler sa véritable nature peut en effet conduire au burn-out. Comment lâcher prise et mieux vivre sa neurodiversité dans ce contexte ? Explorons les pistes menant à des rapports humains plus équilibrés, dans le respect et l’acceptation de soi.

Comprendre le masking et ses origines

L’autocontrôle et l’inhibition de ses comportements font partie du quotidien de nombreuses personnes, notamment celles qui se trouvent sur le spectre de l’autisme. Pourquoi mettre en place ce mécanisme de défense, quitte à renier sa personnalité ? Les modes de communication atypiques, les stéréotypies, rituels d’apaisement, stimming et autres manifestations extérieures de la neurodiversité entraînent un rejet de la part des gens peu ou mal informés sur ce sujet.

Une forte pression sociale et culturelle impose en sus certaines règles pour la vie en société. Celle-ci exige, de façon insidieuse ou ostentatoire, que nous répondions tous à des schémas identiques. Vous ne correspondez pas au modèle traditionnel neurotypique ? À force, les réactions blessantes de votre entourage vous inciteront à masquer vos traits de caractère pour y échapper.

Le camouflage

Le camouflage aide à passer inaperçu, nouer des relations sociales et s’insérer dans le monde du travail. Il pallie la crainte de devenir la nouvelle victime de condamnations sans appel, proférées au nom de la bienséance. Chaque jour, des dizaines de milliers d’adultes et d’enfants en souffrance mettent donc tout en œuvre pour se fondre dans le moule. Ils s’exercent à mimer les codes sociaux « acceptables », assimilés avec peine après une longue observation des attitudes de leurs proches.

Compenser pour survivre dans un environnement en inadéquation avec sa nature a toutefois un prix : celui du bien-être et de la paix intérieure. Mais comment concilier particularités et conventions sociétales ? Comment (re)trouver un fonctionnement plus authentique ? Commençons par la reconnaissance de la neurodiversité, trop souvent méconnue ou incomprise, et des richesses qu’elle nous offre.

Neurodiversité

>> À télécharger aussi :  » L’autisme : Un spectre, pas une échelle ».

Les conséquences néfastes du camouflage social

Jouer un rôle en permanence demande des efforts, tant cognitifs que physiques ou émotionnels. Le masking a donc un fort impact sur la santé mentale. D’une part, on refoule ses besoins spécifiques sans y répondre, se privant de ressources bénéfiques. D’autre part, on use son énergie à créer des comportements factices, comme l’imitation d’expressions faciales, l’appropriation d’un langage corporel ou la modification de son style vestimentaire.

La majorité des individus présentant un TSA ou un autre trouble du neurodéveloppement emploient cette stratégie d’adaptation au détriment d’eux-mêmes. Après des années passées à compenser, cachés sous une apparence normée façon neurotypique, nombre de neurodivergents finissent par s’effondrer, en proie à l’épuisement professionnel ou au burn-out autistique.

  • Sur le plan psychologique et émotionnel, avec des crises d’angoisse, de l’anxiété, une faible estime de soi, une perte de repères, une sensation d’imposture, des épisodes dépressifs ou une véritable dépression.
  • Au niveau physique, quand s’accumulent fatigue chronique, douleurs corporelles liées au stress, troubles du sommeil, problèmes musculaires et digestifs.
  • Dans les interactions, en raison d’un sentiment d’isolement et de déconnexion de soi, partagé entre sa vraie personnalité et l’image que l’on essaye de renvoyer, à quoi s’ajoutent les difficultés pour établir et maintenir des relations humaines sincères.

Le camouflage social se trouve aussi à l’origine des diagnostics tardifs, du manque de soins et de prises en charge inadaptées. Lorsque l’on s’évertue – avec brio – à donner le change, qui pourrait déceler le mal-être présent derrière un sourire ou un comportement considéré comme banal ?

Burn out autistique

Adapter l’environnement pour réduire le masking chez les personnes neurodivergentes

La charge d’adaptation revient en général aux neuroatypiques dont nous attendons des efforts dépassant leurs limites. Et si l’on changeait la donne en modifiant leur environnement pour le rendre plus inclusif ? Un réagencement des pièces, à la maison ou au travail, permettrait par exemple la création d’un espace sensoriel apaisant.

Chacun évolue différemment avec ses singularités, ses besoins spécifiques et ses sensibilités fluctuantes. Toutefois, les demandes les plus courantes touchent les stimuli sensoriels : installation de lumières douces, mise à disposition d’accessoires de réduction des bruits, éloignement des zones à fort passage, etc.

Une autre façon de contribuer à l’assimilation des personnes autistes et neurodivergentes consiste à instituer des routines pour diminuer le stress provoqué par l’inconnu et les imprévus. L’amélioration de leurs conditions de vie passe avant tout par la tolérance de la neurodiversité.

Ouvrons la porte de nos foyers et de nos entreprises pour communiquer, échanger à propos du camouflage social et leur offrir des possibilités de relâcher la pression.

L’importance de l’auto-acceptation et de la réduction du masking pour mieux vivre sa neurodiversité

La recherche de la reconnaissance par ses pairs, une priorité pour la majorité de la population, force les neuroatypiques au masking excessif. Cette stratégie d’adaptation est-elle vraiment indispensable ? Pourrions-nous plutôt remettre en question les normes et accueillir la neurodiversité dans une société plus inclusive ? Nos différences ne doivent plus être un obstacle dans notre rapport aux autres !

L’auto-acceptation est la première étape essentielle pour parvenir à alléger les pressions sociales et lâcher prise. Il ne s’agit pas de tout dévoiler d’un coup, mais d’apprendre, petit à petit, à s’écouter, se reposer aux bons moments, dire non à des situations gênantes. Un processus libérateur qui aurait sa place dans un suivi thérapeutique adapté. Une fois cette première étape franchie, chacun à son rythme, quelques pas de plus suffisent pour prendre conscience que personne ne devrait avoir recours au masking pour être accepté.

L’impact du masking sur la santé mentale et les solutions pour se rétablir

On ne choisit pas de se camoufler pour le plaisir : le masking chez les personnes neurodivergentes relève plus d’une question de survie que d’une notion de confort. Beaucoup de personnes avec autisme ont connu le harcèlement scolaire. Adultes, ils restent imprégnés de ces mauvaises expériences et tâchent de dissimuler leurs traits de caractère « non conformes ». Lorsque l’on a opté pendant des années, voire des décennies, pour le sacrifice d’une partie de sa personnalité dans le but de paraître acceptable aux yeux du monde, il s’avère bien difficile de faire machine arrière. Le burn-out autistique est-il alors inévitable ? Peut-on sortir d’un épuisement professionnel ?

Ecoutez vos besoins

Ne culpabilisez pas quand vous vous accordez des temps de récupération en dehors des horaires conventionnels. Le repos est vital pour prévenir ou dépasser un état limite et aller de l’avant. Écoutez-vous, ralentissez et demandez du soutien si vous en ressentez le besoin, auprès de vos proches ou d’un professionnel de santé mentale. Vous pouvez aussi définir un lieu sûr pour laisser libre cours à vos impulsions, utilisez votre créativité pour exprimer vos différences par le biais d’un art ou d’une passion. Rejoindre un GEM (Groupe d’Entraide Mutuelle) et choisir de fréquenter des gens avertis ou fonctionnant comme vous permet également de laisser tomber le masque et souffler un peu.

Appréhender les enjeux du masking n’est pas une mince affaire. Cet outil qui donne des résultats immédiats satisfaisants, a un coût élevé, le risque de se perdre soi-même. Évoluer dans un environnement adapté s’avère donc capital pour mieux vivre sa neurodiversité. Apprenez à vous accepter à votre rythme : vos particularités ne sont ni des faiblesses ni une source de honte. Vous vous sentez concerné ? Sensibilisez votre entourage en partageant cet article. Les personnes neurotypiques ont aussi leur part de responsabilités, en route vers un monde plus accueillant et sécure pour toutes et tous.


Élisabeth WEBER, passionnée par l’écriture et la langue française, auteure de Be positive, un guide à destination des adolescents et jeunes adultes, paru aux éditions Merci Les Livres.

Libraire reconvertie dans la rédaction pour le Web, j’exerce aussi en tant que lectrice-correctrice indépendante. J’ai une appétence particulière pour les sujets tels que l’art et la culture, les droits des femmes et des minorités, l’environnement et la protection animale. Sensible à tout ce qui touche aux handicaps, visibles ou non, je m’intéresse aux enjeux sociétaux qu’ils impliquent et aux solutions efficaces à mettre en œuvre pour une société inclusive. Suivez Élisabeth sur son profil LinkedIn.

Sources :
HULL Laural, PETRIDES K. V., ALLISON Carrie, SMITH Paula, BARON-COHEN Simon, LAI MengChuan, MANDY William. Putting on My Best Normal : Social Camouflaging in Adults with Autism Spectrum Conditions. Journal of Autism and Developmental Disorders. Mai 2017.
ROGE Bernadette. Enfance N° 4 : Le camouflage chez les personnes autistes. Cairn.info. 2 décembre 2021.
K. Sophia. Neurodivergent masking : what is it, why we do it, and unorthodox advice on how to cope. Neurodiverging.com. 24 juin 2023.

Alexandra Valette, Cheffe de projet communication et influence.

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