Épisode 6
La relation Gabrielle et Guinée
Dès la première semaine de stage, Gabrielle et Guinée ont construit une relation très rapidement. Gabrielle est très demandeuse auprès de Guinée, elle peut être très envahissante et prendre Guinée au cou, venir tout à coup auprès d’elle pour s’allonger contre son ventre ; elle a bien souvent envie de se lover contre elle, comme si Guinée l’enveloppait. Gabrielle est souvent brusque. Nous avons beaucoup porté attention au ressenti de Guinée afin que la relation reste agréable.
Là où d’autres enfants avaient besoin que l’on favorise beaucoup la relation et le rapprochement avec leur chien, pour Gabrielle, il s’agissait de la séparer de son chien pour que Guinée se sente respectée dans ses temps de repos mais aussi pour faire comprendre à Gabrielle qu’elle est trop brutale, et que Guinée revient dès que Gabrielle a un comportement adapté à la tolérance de son chien.
Bien vite, nous avons demandé à Gabrielle de brosser Guinée avant qu’elle ne se jette sur elle pour se détendre, ainsi l’envie irrépressible de Gabrielle de se jeter sur son chien se trouve amoindrie puis Gabrielle pose doucement sa tête contre le ventre chaud de Guinée.
Également, quand Gabrielle est en crise, Guinée reste associée à sa maîtresse mais si la crise devient violente notamment lorsque Gabrielle lance des objets, nous séparons le duo le temps que l’orage passe, pour la sécurité de Guinée. Pendant ce temps, Guinée se tient prête à rejoindre sa maîtresse et attend notre aval. Nous protégeons leur relation pour qu’elle reste associé à de l’agréable et de l’harmonieux. Le duo se retrouve lorsque Gabrielle est en mesure d’accepter le contact physique, pour un gros câlin au calme.
En cas de violence (automutilation ou dirigée), Handi’Chiens envisage difficilement le placement d’un chien. Il faut éviter que le chien ne se fasse pincer, mordre ou tirer fort les poils quotidiennement ou qu’il ne reçoive toutes sortes d’objets lancés. Le risque étant que la relation enfant/chien ne se crée pas, que le chien reste distant et se détourne systématiquement de l’enfant car son contact est désagréable.
Les bénéfices de cette relation
Le duo à 6 pattes nous offre dès son premier mois un bénéfice au quotidien ! La relation étant fortement établie, bien qu’on ne demande pas beaucoup de commandes à Guinée le temps de son adaptation chez nous, le résultat nous suffit amplement pour ce premier mois. Guinée, toujours enthousiaste, est prête à faire plus pour aider sa maîtresse, mais Gabrielle a besoin de temps pour s’approprier les commandes que nous utilisons et les donner verbalement elle même afin de gagner en autonomie, en plaisir… elle grandit déjà avec Guinée.
C’est une chose nouvelle dans nos vies qui nous incite à sortir avec Gabrielle, à vivre avec les autres plus facilement.
Depuis que Guinée est aux cotés de sa petite maîtresse, les personnes qui croisent notre chemin viennent vers Gabrielle, s’intéressent à son beau chien, lui parlent pour lui demander comment cette beauté à quatre pattes s’appelle, et quand Gabrielle s’angoisse, entre en crise, hurle, se jette sur le sol aux cotés de son chien dans un endroit public, on nous vient en aide, pour la première fois, parce qu’ on ne voit plus la peur du handicap, on voit d’abord l’aide et l’apaisement que le chien apporte en se couchant auprès de sa maîtresse.
A l’école
Gabrielle est très fière de son chien et se montre plus apaisée, disponible pour entrer en communication avec ses petits camarades. Gabrielle marche auprès de Guinée d’un pas plus assuré, elle se tient plus droite, prête à affronter les lieux publics ou l’école, la médiathèque. Elle fait face en tenant la laisse de Guinée. A l’école, Guinée crée le lien entre Gabrielle et les élèves, ceux de toute l’école, mais aussi ceux de sa classe, qu’elle retrouve dans d’autres lieux et qui l’interpellent avec son chien « c’est Gabrielle avec son chien ! » ; On ose dire bonjour à ma fille.
Gabrielle était isolée, bien qu’elle ait une auxiliaire à l’école pour l’aider à se sociabiliser.
Dans la classe, si Gabrielle s’installe pour regarder un livre, la gueule de Guinée sur ses genoux, les élèves viennent tout à coup auprès du duo pour aider Gabrielle à mettre des mots sur les images du livre, ce qui n’existait pas auparavant.
En classe Guinée guide Gabrielle jusqu’à sa chaise, l’aide à rester assise en lui faisant un câlin très apaisant. Gabrielle reste assise, relâche sa peur de ne pas réussir, et se met au travail, chose que la maîtresse et l’auxiliaire de vie n’ont pas pu obtenir cette année là.
La présence de Guinée laisse Gabrielle dans un état émotionnel stable et la dispose à vivre avec beaucoup moins de pics d’angoisse.
Au quotidien
Guinée est une aide précieuse pour faciliter les déplacements et les transitions entre les changements de lieu et d’activité, et dans la maison pour faciliter les routines quotidiennes. Gabrielle demande un bisou à Guinée pendant que nous la lavons, l’habillons, la coiffons… cela suffit déjà à alléger son stress. Cette préparation du matin angoissait Gabrielle à tel point que certains jours, elle ne pouvait pas prendre son petit déjeuner. Depuis que Guinée lui apporte sa compote, Gabrielle ne part plus l’estomac vide à l’école ou à l’hôpital de jour.
Nous avons la surprise de vivre des moments familiaux nouveaux grâce à Guinée car Gabrielle est moins agitée et plus détendue : nous partageons désormais nos repas avec Gabrielle, Guinée couchée à ses pieds. Les pieds nus, Gabrielle masse Guinée et reste assise pour manger à table de plus en plus longtemps. Nous regardons un film dans le canapé avec Guinée auprès d’elle, Gabrielle est mieux canalisée et augmente son temps de concentration.
Nous avons pu réaliser un de mes rêves de maman : pique-niquer en famille au bord d’un étang, nous sommes restés deux heures, Gabrielle se sentait bien, elle ne s’est pas enfuie et n’était pas en crise. Guinée s’amusait dans l’eau toujours en gardant un œil sur sa maîtresse, ou en revenant vers elle en allant la chercher… c’était un moment agréable, où tout était gérable et nous avons pu nous asseoir pour manger avec une Gabrielle calme auprès de nous.
Ce qui change petit à petit l’image que Gabrielle a d’elle même : elle se sent capable, grande, de plus en en plus autonome.
A la plage, dans l’eau, Guinée va vers Gabrielle et l’incite à revenir sur le sable sans trop de difficultés. Gabrielle accepte de quitter son bien être dans l’eau pour rejoindre le sable, sans se débattre et sans crier, nous n’avons plus à la porter et à la forcer, elle décide elle même de suivre Guinée et subit beaucoup moins son handicap.
Pendant les vacances
En période vacances scolaires, très difficile à gérer pour bon nombre d’enfants autistes du fait du changement de rythme, Guinée est une aide précieuse pour faciliter les déplacements inhabituels, comme prendre le petit train sans peur, et découvrir de nouvelles activités.
Cette année Gabrielle a participé à un atelier théâtre d’ombre. Le noir, attendre en restant assise, sont pour elle des obstacles générateurs de crises. Guinée, en posant ses pattes sur les genoux de Gabrielle et sa gueule sur son épaule rassure sa maîtresse, la maintien sur sa chaise en offrant un gros câlin : Gabrielle peut profiter du spectacle qu’elle adore. Nous n’étions jamais allés plus loin que la représentation, très fatigante pour Gabrielle qui prend beaucoup sur elle. Avec Guinée, Gabrielle s’est dirigée vers l’atelier de fabrication de castelets et nous voilà parties pour deux heures d’atelier où nous fabriquons un théâtre, collons et découpons alors que Gabrielle a toujours refusé la colle .
Très motivée par la présence de Guinée, Gabrielle fabrique des marionnettes qui la représentent avec son chien, sur un décor champêtre. Un excellent support pour travailler les promenades avec Guinée, car Gabrielle a tendance à s’enfuir. Avec ses marionnettes, Gabrielle se visualise avec son chien et joue le comportement attendu. En promenade Gabrielle s’enfuit beaucoup moins, ou nous fait la blague de partir de la maison sans chaussures, mais en emmenant Guinée !
Guinée, un exemple pour Gabi
Gabrielle observe beaucoup le comportement adapté de Guinée et se crée des repères pour identifier les comportements qui sont attendus d’elle. Lorsque nous demandons à Guinée de monter dans la voiture ou d’en sortir, de s’asseoir ou de rester assise, Guinée s’exécute en confiance. Gabrielle, qui est une éponge à émotions, imite et ressent cette confiance et repère beaucoup mieux nos attentes.
Par exemple, monter dans la voiture et s’asseoir sur son siège auto , surtout y rester, n’était pas évident pour elle. Anxieuse des trajets, Gabrielle se détachait et se retrouvait souvent sur la plage arrière.
Elle gère son angoisse avec le modèle de Guinée et devient autonome.
Très angoissée lors des moments de transitions, Gabrielle peinait à descendre de la voiture et pleurait quand elle ne se sentait pas capable de gérer cette angoisse. Depuis que Guinée est arrivée, Gabrielle sait que monter et descendre de la voiture, ce n’est pas grave, c’est quelque chose de normal, c’est à dire qui n’est pas lourd émotionnellement, comme le lui prouve Guinée. Surtout, Gabrielle adore voir Guinée monter et descendre. Elle en rit ; Quand son tour arrive , Gabrielle utilise pour elle, les mêmes commandes que Guinée.
Et Gabrielle progresse…
Nous faisons avec Gabrielle et Guinée des temps de repos sans se ronger les ongles, des rires éclatants au jardin, des phrases entières qui apparaissent alors qu’elle ne parlait que très peu !! Et encore mieux, des phrases en communication directe avec moi « maman, regarde ça ! » me dit-elle en accrochant mon regard.
Cette année Gabrielle a pu intégrer une activité extra scolaire aux arts du cirque en compagnie de Guinée. Guinée reste bien sûr dans un rôle d’assistance, en étant présente pour aider Gabrielle à se canaliser en s’allongeant auprès d’elle, en lui montrant des exercices d’échauffement (Guinée roule et rampe , Gabrielle lui emboîte la patte), en la suivant d’ateliers en atelier pour la guider dans la salle, pour éveiller un intérêt pour le jonglage en faisant rouler une balle que Guinée attrape ou donne sur commande en toute douceur, sans excitation.
Des changements pour toute la famille
Tout change petit à petit. Sa grande sœur Claudia, également autiste, parle pour la première fois de manière positive et convaincue du handicap qu’elle partage avec sa sœur ! Claudia promène Guinée en distribuant les prospectus Handi’chiens et en expliquant qu’elle comprend tout ce qui se passe dans la tête de sa soeur. La présence de Guinée auprès de sa petite sœur rend la différence légitime et acceptée : c’est normal d’être différent.
Claudia aime beaucoup s’occuper de ce qu’elle appelle « la vie de chien » de Guinée : sa détente quand elle ne travaille pas. Claudia, qui a toujours le cerveau en ébullition apprend elle aussi à se relâcher, en regardant Guinée courir et jouer au loin. Claudia me demande : « Maman, je peux prendre ma liberté comme Guinée ? » et nous partons sur les chemins et les plages, en ne pensant qu’à jouer avec le vent. Jamais Claudia n’a pu se détendre complètement avant l’arrivée de notre héroïne à quatre pattes.
En trois mois Guinée a gagné sa place de membre de notre famille à part entière. Une fois l’équilibre trouvé avec notre numéro 5, la vie est plus belle et moins lourde à porter pour nous tous.
Bien sûr, Gabrielle sera toujours autiste, mais sa vie sera améliorée et elle pourra grâce à Guinée prendre au fil des années un petit pas d’avance sur son handicap.
Pour conclure…
Pour que l’aventure soit réussie, il faut s’investir énormément auprès de la relation entre le chien d’assistance dit chien d’éveil et son maître pour réunir les conditions d’une relation fusionnelle. Il faut aussi trouver le bon équilibre entre les façons de faire intervenir le chien d’éveil auprès de son maître et les types d’interventions que son petit maître souhaite et ceux que le chien préfère.
Cela demande de la disponibilité d’esprit et du temps dédié, beaucoup d’observation pour déterminer les aisances du chien, ce qui peut le gêner afin que la relation avec son maître soit la plus harmonieuse possible.
La complicité qui naît de ce duo ne saurait exister sans une attention rigoureuse et constante aux besoins psychologiques et physiologiques du chien afin qu’il s’épanouisse pleinement dans le respect de ce qu’il est et de ce qu’il aime, comme le jeu, les détentes, les récompenses, le respect de son éducation et son maintient en bonne forme et en pleine santé.
Fin
Episode 5 – Le stage Handi’chiens
Encore merci à Emilie, maman de Gabrielle pour son témoignage ! Découvrez son blog Notre Bohème sur le quotidien de Gabrielle et Claudia et le jour où G&G sur Gabrielle et Guinée.
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