Sarah est la maman de Salomé, alors âgée de 12 ans, au moment de son témoignage. Salomé a une hypersensorialité alimentaire depuis qu’elle est bébé, un parcours difficile jusqu’à ce qu’elles soient accompagnées afin de trouver des solutions adaptées à Salomé. Sa maman nous raconte…
La naissance de Salomé
Je suis la maman de Salomé et dont je qualifierais le parcours alimentaire de « difficile » et «compliqué». Un parcours difficile pour elle mais aussi pour nous, parents.
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Une période d’allaitement
Salomé est née en novembre 2006, à terme, mais toute menue (2 kg 600 pour 46 cm). J’ai choisi, pour ses premiers mois, l’allaitement maternel qui me semblait naturel et bienfaisant pour mon nourrisson comme pour moi.
Dès les premières heures, à la maternité, sages-femmes et infirmières me demandaient de réveiller mon bébé, de le stimuler afin de le faire téter souvent car c’était un « petit poids », « un petit gabarit ».
Soucieuse de bien faire, je m’efforçais de suivre les conseils donnés et l’allaitement a finalement duré 6 mois mais a été un peu « hanté » par ce souci constant de la bonne prise de poids, « hanté » par cette inquiétude de ne pas offrir un lait assez nourrissant à mon bébé.
D’autant que les tétées étaient si rapides (5 à 10 min environ) que j’avais pour habitude de les nommer les « tétées-éclairs ! »
Salomé prenait du poids, suivait sa courbe mais à petits pas, lentement, et déjà elle n’était pas vraiment glouton, un peu différente des autres bébés que je voyais parfois téter pendant 45 minutes.
En tant que maman, je n’attendais qu’une chose : passer à la diversification alimentaire et aux compotes de pommes !
>> À lire : « DME : diversification alimentaire menée par l’enfant »
Diversification alimentaire et indifférence…
Les six mois de Salomé sont arrivés, et contre toute attente son appétit ne s’en est pas trouvé changé !
J’ai eu beau sélectionner des fruits et légumes du marché, biologiques et appétissants, préparer des purées, des soupes, des compotes, Salomé n’a développé à ce moment-là aucune sympathie particulière pour l’alimentation. Le salé comme le sucré lui était indifférent et les repas constituaient des moments obligatoires mais non de plaisir ; ils étaient rapides, sans intérêt. Les portions restaient minimes : quelques cuillères de soupe, trois bouchées de compote et Salomé était rassasiée pour plusieurs heures…
Elle suivait néanmoins sa courbe de croissance et de poids et le pédiatre me rassuraient en m’affirmant « Madame, un enfant ne se laisse pas mourir de faim ! »
Les premiers signes de l’hypersensorialité
Les difficultés ont réellement débuté vers l’âge de 3 ou 4 ans.
Salomé n’acceptait pas les morceaux. Il fallait sans cesse mixer les aliments afin qu’elle les absorbe, confectionner des purées lisses. Les aliments ne devaient pas non plus être mélangés. Je devais également encore la nourrir à la cuillère car porter des aliments à sa bouche ne l’intéressait pas. A l’école, on me disait qu’elle ne mangeait pas ou qu’elle avait un « appétit d’oiseau ». Les repas à l’extérieur devenaient un calvaire : je n’osais pas demander aux amis qui nous invitaient des aliments mixés ; nous évitions les sorties au restaurant. Salomé n’y prenait aucun plaisir. Les répercussions sur la sphère sociale ont commencé à apparaître.
>> À lire : « L’accompagnement à l’alimentation avec le Z-Vibe
>> Pour en savoir plus : »Alimentation : 3 challenges et des solutions ! »
L’incompréhension de l’entourage, et l’attente de diagnostic
Les critiques de membres de la famille ou de proches fusaient ; j’entendais en permanence des phrases comme « elle fait la difficile », « elle est bien capricieuse », « tu ne sais pas y faire », ou pire et plus culpabilisant encore « les problèmes alimentaires des enfants viennent de problèmes relationnels à la mère » !
Les conflits naissaient à table, en famille, Salomé était au cœur des tensions. Mon attention toute entière était tournée vers cette petite fille qui ne se nourrissait pas, qui oubliait de goûter, qui pouvait rester 24 heures sans manger.
Notre généraliste et le pédiatre auxquels je confiais à nouveau mes craintes insistaient : « Ne vous inquiétez pas chez de nombreux enfants les problèmes alimentaires se règlent après 6 ans ».
Mais Salomé était souvent malade et je pensais qu’elle n’avait pas assez d’apports en vitamines…
Des tentatives sans grands succès
Je trouvais alors des subterfuges et devenais experte en potion magique : je rajoutais du fromage dans la purée de légumes ni vu ni connu, je mettais plus de beurre dans les pâtes, j’ajoutais des aliments cachés dans les purées pour qu’elle les accepte sans s’en rendre compte. Je tentais, en fait, par tous les moyens, d’enrichir son alimentation.
Et les aliments acceptés devenaient de moins en moins nombreux à mesure que Salomé grandissait.
A ses 8 ans, ils se limitaient je crois à 5 ou 6 aliments : des pâtes au beurre, du gruyère râpé, un peu de viande blanche, du saumon frais, quelques biscuits.
Le fait que mon enfant accepte le gruyère mais uniquement râpé, les pâtes mais seulement d’une forme bien précise, les amandes mais pas les gâteaux aux amandes semblait confirmer le caprice si souvent évoqué par les membres de la famille.
L’aversion de Salomé pour de nombreux aliments ne cessait de s’amplifier tout comme ma solitude devant une évidence que ne justifiait aucune explication rationnelle.
D’autant que j’étais devenue à nouveau maman en 2013 et que le petit frère de Salomé qui avait alors 2 ans mangeait avec bonheur, de tout, et deux fois plus qu’elle. Cela aggravait ma peine, mon incompréhension et en même temps Salomé perdait confiance en elle, jalousait ce frère pour lequel tout semblait plus facile au moment des repas.
Il me semblait que refuser de mélanger les aliments, les classer par couleur, les renifler avant de les goûter tenaient de la phobie, de la maniaquerie…
>> À lire aussi : « Phobies et habitudes alimentaires »
Découverte de l’hypersensorialité et solutions
En octobre 2015, Salomé allait sur ces neuf ans et j’ai commencé à être enfin écoutée, enfin prise au sérieux. Et cela grâce à trois rencontres majeures :
1. Rencontre avec une psychologue
J’ai d’abord accompagné Salomé chez une psychologue, Mme Depaix, pour une passation de Test Wisc suite à la demande de son enseignante. Au moment de cette passation j’ai confié mon désarroi sur les problèmes alimentaires de mon enfant à cette psychologue. Elle a alors envisagé une thérapie comportementale qui pouvait permettre à Salomé d’étendre un peu le spectre des aliments qu’elle accepterait.
Après plusieurs séances qui consistaient à toucher, sentir, découper, malaxer, décortiquer toutes sortes de fruits et légumes, la psychologue a mentionné « l’hypersensorialité » de Salomé m’expliquant un peu ce que ce trouble signifiait et me promettant de trouver un praticien à Nîmes qui pourrait nous aider.
J’avais à présent le nom de ce trouble « hypersensibilité sensorielle » ou hypersensorialité.
Comment ne pas y avoir pensé plus tôt ?
Salomé me l’avait pourtant maintes fois fait comprendre : lorsqu’elle était la seule à sentir un feu brûler dans la cheminée d’un appartement alors que nous marchions dans une rue du centre-ville. Lorsqu’elle refusait en larmes de m’accompagner aux Halles devant les étals des commerçants parce que ce mélange d’odeurs la gênait jusqu’à l’insupportable. Lorsque, encore, elle refusait d’enfiler des chaussettes en plein hiver parce que cela la grattait.
2. Rendez-vous avec une orthophoniste
C’est donc sur les conseils de cette psychologue que j’ai contacté rapidement Mme Picariello, orthophoniste à Nîmes ; cela me paraissait très étrange de contacter une orthophoniste pour des problèmes alimentaires…
J’avais pourtant pensé à des psychiatres, des psychologues, des gastro-gastro-entérologues…
Mme Picariello a rencontré Salomé et très vite des séances de ré-apprentissage de l’oralité ont été mises en place. Sous formes de jeux récréatifs avec des légumes, des fruits laissant une place importante au toucher, aux sensations. Mme Picariello a tout de suite su convaincre Salomé avec « l’aliment copain », elle a redonné confiance à mon enfant. Salomé pouvait goûter lors de ces séances mais aussi cracher, ne pas accepter. Dire non.
Je pouvais enfin accompagner mon enfant dans un protocole de soin qui allait lui permettre de devenir une petite fille comme les autres lors des repas !
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3. Rencontre avec un diététicien
Pour me rassurer, et devant le poids plume de ma fille Mme Picariello m’a donné un troisième contact M. Taillardat, diététicien à Nîmes.
M. Taillardat nous a rendu visite à la maison et a pu mener une enquête alimentaire sur les apports nutritionnels que recevait Salomé en fonction de ce qu’elle mangeait.
Cette enquête m’a permis de comprendre que mon enfant ne souffrait pas de carences, qu’une supplémentation n’était pas nécessaire. Rassurée, je pouvais enfin baisser ma vigilance, ne plus être hyper attentive et omniprésente aux côtés de Salomé au moment des repas.
Les séances avec Mme Picariello sont aujourd’hui mensuelles, elles se font à trois : avec l’orthophoniste, Salomé et Lucie qui a le même âge, et qui a le même trouble que mon enfant. Les deux jeunes filles se comprennent, s’observent et s’encouragent. Salomé se sent moins isolée, moins différente.
>> À lire : « Les acquis précédant l’alimentation à la cuillère »
L’objectif ? Que manger devienne un plaisir !
Dans le cabinet de Mme Picariello, un mercredi midi par mois, un festin s’organise, ce festin prend en compte les envies de chacune mais aussi leurs différences. Ils sont de « mini défis ». Enfin un repas plaisir, marrant et convivial !
À ce moment, Salomé retrouve le plaisir de manger, de goûter surtout. Les aliments « copains » sont de plus en plus nombreux, les courses aux Halles ne sont plus précédées de crises de larmes.
Enfin comme dans toutes les familles, nos repas sont plus détendus et plus gais, ils sont plus longs aussi.
Il y a, je le sais, encore du travail pour qu’un jour Salomé parvienne à manger de tout. Mais, la voie a été ouverte et le chemin parcouru en 2 ans est déjà grand.
Pour finir ce témoignage, je souhaite remercier Mme Picariello pour son travail auprès de ces enfants « rigides » trop souvent incompris même par les professionnels du monde médical. Je la remercie également pour son écoute attentive des mamans qui se sentent, aussi, si souvent isolées, seules, impuissantes et démunies devant ce trouble de l’oralité.
Si comme Sarah et Salomé vous avez envie de nous partager votre expérience, n’hésitez pas à nous le faire savoir en commentaires.
Article publié le 09.02.2018 et mis à jour le 20.07.2022
Superbe témoignage !!!! Merci de donner autant de détails. Mon fils a 10 ans aussi et il a visiblement un trouble de l’oralité ! A l’inverse, il est en surpoids… Tout le monde pense qu’il est « difficile » ou « gâté » alors que je vois bien ses difficultés à goûter, voire sentir un nouvel aliment. Il ne mange aucun légumes ni fruits (sauf des compotes). J’essaye tout le temps de le convaincre ou de mettre des légumes cachés dans les quelques plats qu’il mange. C’est difficile à gérer surtout que jusqu’à ses 3 ans il mangeait absolument de tout. On se sent coupable en tant que parent, on essaye de comprendre, de trouver l’origine du trouble… Enfin, j’espère qu’il n’en souffre pas trop et qu’il n’en souffrira pas trop à l’âge adulte.
Encore merci!!!!!
Merci de partager ton expérience. Mon petit bonhomme a expérience complètement différente. Il est né avec un hernie diaphragmatique droite et à eu des difficultés respiratoires et digestifs, il a donc eu une sonde nasogastrique à la naissance. Vers l’âge de 3 mois il arrêté de boire complètement et continuait de vomir. Heureusement il a aimé manger, pour lui la grosse difficulté reste de boire, il n’est pas plus intéressé que sa. Nous épaississons les liquide car risque d’aspiration silencieuse. Nous lui avons retiré la sonde à l’âge des 14 mois. Nous sommes suivis en orthophonie aussi. En effet, peut importe la malade ou le mal de nos enfants, on se sent impuissant face au difficultés alimentaires de nos petit. Dans mon cas, mon entourage a toujours bien compris vue sa maladie a la naissance et les spécialistes surveillent Alphé de prêt.
Merci pour votre article, c’est très bien écrit!
Merci infiniment pour ce témoignage. Cela fait tellement de bien de ne pas se sentir seule face à l’incompréhension de tous. Mon petit garçon est suivi par son orthophoniste depuis plus d’un an et je ne la remercierai jamais assez pour tout ce qu’elle fait depuis le suivi de mon petit garçon. Nous revenons de loin et chaque petite victoire nous les savourons.
Je suis fière de lui mais quel parcours éprouvant en tant que parent également alors merci.
J’ai 35 ans et j’ai beaucoup de mal avec certaines textures d’aliments (par exemple une compote ne doit pas être granuleuse sinon cela m’écoeure), je ne mange quasi aucun légumes, et je suis très sensible aux odeurs….une vraie galère lorsque je suis invitée….