L’art-thérapie est la pratique d’une activité créative, guidée par un(e) art-thérapeute, dont le but est l’accompagnement d’une personne en difficulté. Nous avons échangé avec Irina Katz-Mazilu, art-thérapeute et artiste plasticienne, qui nous a expliqué en quoi l’art-thérapie peut aider et accompagner des personnes en difficulté.
L’art-thérapie : création artistique et accompagnement
Polyvalente et interdisciplinaire, l’art-thérapie est « une pratique de soin utilisant le processus de création artistique à des fins thérapeutiques » selon la Fédération française des art-thérapeutes (FFAT). L’art-thérapie repose sur trois principes importants : pratique, soin et création. C’est une approche qui est basée sur la pratique d’une activité, dans laquelle on prend soin d’une personne qui va effectuer un processus de création artistique. Cette création artistique est la spécificité même de l’art-thérapie. Elle est universelle pour l’être humain quels que soient son âge, sa culture, son époque… Depuis toujours, l’être humain a besoin d’allier l’esthétique aux démarches technologiques (à la production d’outils, de vêtements, etc.). La création est donc utilisée en art-thérapie en tant que potentiel humain. Cette créativité primaire, fondamentale, est exploitable quel que soit le niveau de compétence de la personne. On considère qu’un simple trait est une production créative.
Dans le cas de handicaps ou de pathologies inguérissables, on ne parle pas de guérison en médecine, ni en psychiatrie. Le but de l’art-thérapie est d’apporter un « mieux-être » à la personne en difficulté, un accompagnement. Dans de nombreux cas, l’art-thérapie parvient à résoudre la problématique. Mais parfois elle apaise la personne en lui permettant de mieux vivre. On parle « des art-thérapies » pour englober toutes les formes d’art-thérapie.
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Art-thérapie et pleine conscience
L’art-thérapie étant une démarche pratique : le corps est le réalisateur de l’action créative. Néanmoins, cette activité physique est aussi en lien avec l’activité cérébrale. Le corps et le cerveau sont stimulés simultanément. Il y a, dans la démarche de l’art-thérapie, des bénéfices dans l’aspect sensori-perceptif, émotionnel, et cognitif. Accompagnée de l’art-thérapeute, la personne va prendre conscience de son corps et de son esprit, à travers sa création. C’est là que la pleine conscience, similaire à celle recherchée en méditation, sera atteinte. L’art-thérapie est une démarche résolument contemporaine, car elle rejoint les visions de la psychologie clinique, de la psychanalyse, des neurosciences, tout en proposant un travail « dehors-dedans » inspiré des techniques de méditation visant la pleine conscience.
Il existe plusieurs courants plus ou moins anciens en psychothérapie. L’art-thérapie s’intègre dans l’orientation humaniste. Ce courant est, pour Irina Katz-Mazilu, la base la plus complète pour l’art-thérapie puisqu’il est fondé sur l’approche centrée sur la personne.
Le choix du domaine de création
La personne qui va orienter le patient (psychiatre, psychothérapeute, psychologue clinicien…) peut estimer la démarche du patient. Dans le cas d’une recommandation d’une thérapie tournée sur la relation corps-esprit, celui-ci pourra se diriger vers l’art-thérapie. Les arts scéniques, les arts numériques, la peinture, la sculpture, l’écriture : le choix de la discipline sera le fruit d’une discussion entre l’orienteur, l’art-thérapeute et la personne concernée. L’important est de communiquer, afin que la personne trouve ce qu’elle veut vraiment réaliser, en respectant ses sensibilités. Si la personne ne peut pas communiquer, ses proches pourront l’aider à s’exprimer en participant à la discussion.
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Le déroulement d’une séance
Le déroulement de la séance se fera en fonction des besoins thérapeutiques de la personne. Certaines personnes ont du mal à supporter le travail individuel, dans ce cas, on préférera des travaux de groupe. Cela peut évoluer vers une prise en charge individuelle si la personne a du mal à s’exprimer au sein d’un groupe. On peut aussi envisager un travail individuel qui sera partagé par la suite. Une création collective (en groupe plus ou moins petit) est aussi envisageable, toujours en fonction de la nécessité thérapeutique. Par essence, certaines créations sont collectives, comme les arts scéniques par exemple. Mais il est toujours possible de protéger les participants en leur évitant des expositions trop directes.
Quand la prise en charge est familiale (parents et enfants dans une même séance, par exemple), on peut tout à fait les amener à créer individuellement pour partager ensuite, ou bien leur faire créer un objet collectif. Cela correspondra à des étapes dans la thérapie, suivant les besoins de la personne. Des méthodologies différentes seront appliquées, avec des protocoles directifs, semi-directifs ou non directifs suivant les personnes. C’est une prise en charge qui implique des situations très diverses, c’est pourquoi l’art-thérapie exige une formation longue (2 à 3 ans). Un art-thérapeute sait s’adapter et proposer le meilleur accompagnement en alliant une vision théorique et pratique des art-thérapies.
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Enfance et handicap
Le processus fondamental est le même pour les enfants, dans la mesure où la créativité primaire est innée chez l’humain. La création, basée sur ce principe, est accessible aux enfants. Avec un nourrisson, l’approche des art-thérapies demande une grande écoute, principalement axée sur la communication non verbale. Une séance dure entre trente minutes et deux heures (jusqu’à trois heures pour les groupes). Des enfants, des personnes âgées ou toute personne se fatiguant rapidement préférera une séance courte d’une trentaine de minutes.
En cas de pathologie, ou d’un handicap sévère, l’approche doit être, là aussi, plus attentive et adaptée. Mais le principe de base des art-thérapies reste le même. Il n’y a pas de contre-indication aux art-thérapies, sauf si la personne refuse catégoriquement de participer. Une personne ayant des troubles de l’attention peut prendre une à deux heures pour réaliser sa création. Elle peut faire des pauses, puis revenir à sa création. Une personne tétraplégique peut dire ce qu’elle veut créer, et l’art-thérapeute devient l’assistant, l’exécutant qui réalisera la création. Aujourd’hui, il est possible de créer en utilisant uniquement ses yeux grâce à des logiciels spécifiques. Par le regard, une personne pourra créer un son, appliquer une couleur, etc. Pour les personnes dans le coma, certaines approches, notamment en musicothérapie, peuvent exécuter une stimulation des nerfs sensoriels. Le cerveau pourra répondre, dans une certaine mesure, à ces stimulations.
Les art-thérapies sont bénéfiques dans le domaine clinique pour accompagner un patient en reconstruction, dans le domaine psycho-éducatif pour aider un enfant ou un jeune, ou encore dans le domaine social, pour accompagner une personne en difficulté dans la société.
Irina Katz-Mazilu, art-thérapeute, formatrice, superviseur – irina.katzmazilu@gmail.com
Artiste plasticienne – www.irinakatzmazilu.com, membre de la Maison des Artistes
Présidente de la FFAT de 2008 à 2018 – Fédération française des art-thérapeutes www.ffat-federation.org
Membre du Conseil d’administration de la SFPE-AT – Société française de psychopathologie de l’expression et d’art-thérapie et de l’EFAT – European Federation for Art Therapy.
Pour aller plus loin :
Livres
Le grand livre de l’art-thérapie, Angela EVERS, Eyrolles, 2012.
Les art-thérapies, collectif sous la direction d’Édith LECOURT et Todd LUBART, Armand Colin, 2017.
Penser l’art-thérapie, Jean-Pierre KLEIN, PUF, 2012.
Revues
Art-thérapie et langages, Revue annuelle de la FFAT, 2018.
L’autisme sous l’angle de la création, collectif, Revue Art & Thérapie no. 122-123, avril 2018.
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