Depuis plusieurs années, les recherches en neurosciences cognitives ont permis d’améliorer nos connaissances sur le cerveau et sa façon de fonctionner. Grâce aux nouvelles découvertes réalisées, mais également aux recherches pour évaluer l’efficacité des méthodes d’enseignement existantes, la pratique pédagogique a évolué dans tous les domaines académiques et c’est bien sûr également le cas pour la didactique des mathématiques. Dans cet article, nous allons aborder l’apprentissage et donc l’enseignement des nombres et en particulier du dénombrement chez les jeunes enfants (de 4 à 6 ans environ). Nous partageons également avec vous des idées d’activités et d’outils pour favoriser cet apprentissage.
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Dès la crèche, les jeunes enfants sont en contact de manière informelle avec les mathématiques et la logique. Mais ce n’est qu’à partir de la maternelle qu’un apprentissage plus formel débutera. La construction du nombre peut être commencée dès la petite section de maternelle (vers 3 ans) à travers des jeux et des comptines. Dans cet article, nous nous focaliserons sur l’apprentissage du dénombrement au travers d’activités et de jeux pour les enfants dès la moyenne section (vers 4 ans).
L’apprentissage du dénombrement
Dénombrer une collection d’objets, c’est associer un nombre à la quantité représentée par cette collection. Par exemple, on me présente un lot de 5 poissons, je suis capable de dire qu’il y en a 5. J’associe donc le nombre 5 à la collection de poissons.
Le dénombrement fait appel à plusieurs habiletés et compétences dont :
- la mémoire. En effet, il faut que l’enfant récupère dans sa mémoire le nom des nombres.
- L’attention spatiale. L’enfant doit être vigilant à bien distinguer les éléments déjà traités de ceux qui ne l’ont pas encore été. Il utilise pour cela fréquemment le pointage.
- De plus, il doit coordonner l’exécution de ces actions pour éviter les doubles comptages ou les omissions.
C’est à partir de leurs habiletés de dénombrement que les enfants élaborent spontanément des stratégies de résolution des opérations arithmétiques. C’est donc une étape primordiale de leur apprentissage.
Il existe différentes procédures de dénombrement :
- Le subitizing (pour de très petites collections)
- La décomposition-recomposition
- Le comptage-dénombrement
- Le comptage-numérotage
Le subitizing
Il existe deux types de subitizing : le subitizing naturel et le subitizing par acquisition.
Qu’est-ce qui se cache derrière ce nom étrange de subitizing naturel ? C’est la capacité naturelle à percevoir quasi instantanément de petites quantités (de 1 à 3 ou 4), et ce, quelle que soit la configuration que prennent les objets de la collection. Ainsi, l’enfant voit 3 objets et il est capable de dire immédiatement qu’il y en a 3. C’est une capacité quasi innée que même les bébés de quelques mois ont !
Le subitizing par acquisition correspond quant à lui à la perception quasi instantanée (sans comptage) et sure de petites quantités (jusqu’à 6) d’objets disposés dans une configuration particulière au sein d’une collection. C’est un processus basé sur la reconnaissance de patterns familiers grâce à des expositions répétées. C’est donc l’acquisition de ce type de subitizing qui va être travaillée à l’école.
Voici quelques exemples d’activités à réaliser à l’école ou à la maison (à partir de 4 ans).
- Vous pouvez utiliser des boites ou un plateau de tri ainsi que de petits éléments tels que des figurines, des cubes, des jetons, des compteurs afin de travailler la reconnaissance du nombre. Il faudra veiller à disposer les objets dans une configuration particulière en constellations (mais si vous savez, cela correspond à la représentation des chiffres sur les faces d’un dé) afin que l’enfant puisse reconnaître des patterns familiers.
- Jeu de la marchande : On passe commande à la marchande qui doit apporter le nombre d’objets commandés. Pour cela, vous pouvez utiliser des figurines de fruits et légumes par exemple.
- Avec un boulier en bois, vous pouvez facilement représenter de petites quantités inférieures à 6 que votre enfant apprendra à reconnaître.
- Il existe également des jeux de plateau tel que le jeu du chien tacheté qui permettent tout en s’amusant d’entraîner la discrimination visuelle de l’enfant.
Jeu du chien tacheté : Tournez la flèche et choisissez un chien ayant le nombre de tâches indiqué par la roue. Au dos de chaque carte chien, se trouvent des os. Le but à la fin est d’avoir le plus d’os. Permet de travailler l’apprentissage des chiffres de 1 à 6 et la discrimination visuelle. Contient 1 roue + 24 cartes rigides de 7,6 cm x 5,5 cm. De 2 à 4 joueurs. Dès 3 ans.
Le boulier en bois : Un boulier en bois tout simple, mais efficace pour aider à compter. Sa taille modeste permet de l’emporter partout avec soi. Base stable. Dim. 17 x 17 cm. Dès 4 ans.
La décomposition-recomposition
Comprendre un nombre donné, c’est savoir comment il est composé en nombres plus petits que lui et savoir l’utiliser pour en composer de plus grands. Pour travailler la décomposition-recomposition, l’enfant va être amené à développer des stratégies de composition et de décomposition de nombres, inférieur à 10 dans le cas de jeunes enfants.
Pour faciliter cet apprentissage, il existe plusieurs méthodes complémentaires. Vous pouvez par exemple offrir un support concret au raisonnement de l’enfant. En manipulant du matériel concret tel que des cubes, des compteurs ou des jetons, il pourra plus facilement comprendre par exemple que 4 = 2 + 2 = 3 + 1. Vous pouvez également vous appuyer sur le subitizing naturel en organisant une collection en groupes (maximum 3) de 3 unités maximum.
Voici un exemple :
Ici, le nombre 7 est représenté de 2 manières différentes en respectant la règle de 3 groupes maximum composés de 3 unités maximum. Il est important d’amener l’enfant à découvrir toutes les décompositions possibles d’un nombre en commençant par un petit nombre.
Les cubes mathlink : Un moyen interactif et visuel pour appréhender les mathématiques. Permet d’enseigner tout un éventail de concepts : numération, opération, suites logiques, formes géométriques… Chacun des cubes peut être encastré sur les 6 côtés. Totalement silencieux. 100 cubes dim. 2 cm de couleurs différentes. Dès 5 ans.
Atelier couleurs et numération : 4 dés en plastique à personnaliser avec 24 autocollants représentant soit des couleurs (bleu, rouge, vert, jaune, orange et rose), soit les signes des différentes opérations (+ et -) soit les quantités de 1 à 6 représentées en points ou en chiffres. Livré avec 300 jetons de couleurs (diam. 3 cm). Dim. dés 3,5 cm. Diam. autocollants 2,3 cm. Dès 3 ans.
Progression dans l’apprentissage
On privilégiera dans un premier temps l’acquisition des 3 premiers chiffres, puis des 5 premiers chiffres. Pour ensuite, passer à des chiffres plus grands (mais toujours inférieur à 10 pour l’instant) en privilégiant des décompositions de la forme 5 + n, les doubles et l’itération (= la répétition) de l’unité et en s’appuyant sur les représentations en constellations universelles.
Voici un exemple :
Une fois la composition et recomposition de nombres acquise avec du matériel concret, vous pouvez passer à l’étape suivante qui est l’utilisation d’images du nombre plutôt que d’objets comme dans le jeu éducatif La balance à nombres. L’enfant continue alors son apprentissage en associant le nombre écrit au nombre oral et à une quantité.
La balance à nombres : Cette drôle de balance permet d’aborder les équivalences de quantité, les additions et les soustractions de manière amusante. Placez de chaque côté du singe des bananes « chiffres » et trouvez les équivalences. 7 = 3 + 4 : Bravo ! Multiples activités possibles. En plastique. Dim. 24 x 18 cm. 15 bananes. Dès 4 ans
Le comptage-dénombrement et le comptage numérotage
Les programmes d’enseignement de l’école maternelle (2015) indiquent que « Les activités de dénombrement doivent éviter le comptage-numérotage et faire apparaître, lors de l’énumération de la collection, que chacun des noms de nombre désigne la quantité qui vient d’être formée (l’enfant doit comprendre que montrer trois doigts, ce n’est pas la même chose que montrer le troisième doigt de la main). »
« Pour dénombrer une collection d’objets, l’enfant doit être capable de synchroniser la récitation de la suite des mots-nombres avec le pointage des objets à dénombrer. Cette capacité doit être enseignée selon différentes modalités en faisant varier la nature des collections et leur organisation spatiale, car les stratégies ne sont pas les mêmes selon que les objets sont déplaçables ou non (mettre dans une boîte, poser sur une autre table), et selon leur disposition (collection organisée dans l’espace ou non, collection organisée-alignée sur une feuille ou pas). »
De ces directives gouvernementales, on peut tirer qu’il est recommandé de privilégier le comptage-dénombrement (au détriment du comptage-numérotage) et qu’il est préférable d’entraîner l’enfant à dénombrer dans différentes situations avec différents types de matériels déplaçables ou non.
Exemple :
Je souhaite enseigner le comptage-dénombrement en créant une collection de 6 cubes. Les cubes sont placés à une extrémité de la table. Je vais donc prendre le premier cube et le déposer au centre de la table, devant l’enfant en disant le mot « un ». Pour déplacer le deuxième cube, j’ai deux choix.
Le premier choix serait de saisir le cube et de dire « deux » tout de suite. Dans ce cas, l’enfant pourrait comprendre que je déplace un cube qui se nomme « deux » au centre de la table. Il s’agit de comptage-numérotage.
Le deuxième choix est de saisir le deuxième cube, mais de dire le mot « deux » qu’une fois le deuxième cube placé à côté du premier, c’est-à-dire après que la collection de deux cubes ait été formée, ce qui favorise la compréhension du fait que le mot « deux » désigne une pluralité. Cela correspond au comptage-dénombrement. Pour le troisième cube, j’aurais le même choix et ainsi de suite.
Selon Rémi Brissiaud, chercheur au Laboratoire Paragraphe et membre du conseil scientifique de l’AGEEM, « il faut considérer que le comptage-dénombrement est une stratégie de composition-décomposition : il consiste à composer des unités afin de former successivement de nouvelles quantités (composition) de sorte que le nom de chacune d’elles puisse être reconnu comme celui de la quantité égale à la précédente + 1 (décomposition). «
Des outils variés pour dénombrer
Nous l’avons vu, il important de varier le matériel utilisé et les situations d’apprentissage afin que l’enfant puisse faire évoluer son raisonnement. Nous vous proposons ci-dessous quelques solutions pour travailler la construction du nombre et le dénombrement avec votre enfant.
Construction du nombre avec du matériel Montessori
Barres rouges et bleues Montessori : Ces barres en bois permettent d’appréhender le début des mathématiques avec la méthode Montessori. Avec ces barres peintes en alternance en rouge et en bleu, les enfants pourront matérialiser les unités et surmonter la difficulté de la numération. Long. de 2,5 cm à 25 cm. Haut. 1 cm. Contient 1 plateau + 1 couvercle + 20 pièces. Dès 4 ans.
Les chiffres rugueux : Apprendre à compter est un réel plaisir avec ce coffret présentant une approche tactile et interactive. 10 chiffres rugueux à tracer, 20 cartes illustrées. Dim. 15 x 10 cm. Livré avec un guide pédagogique riche en conseils. Dès 3 ans.
Les coffrets pour apprendre à dénombrer et représenter le nombre
Coffret réglettes des nombres : Cette boite de 86 réglettes est un matériel de manipulation et d’apprentissage de la numération. Les barres de couleurs facilitent la perception, la construction et la mémorisation des nombres. Utilisable avec la règle des nombres vendue séparément. En plastique. Contient 1 plateau + 1 notice. Dim. plateau 10 x 10 cm. Dès 3 ans.
Coffret bâtonnets de calcul : Une méthode classique pour aider à la représentation des nombres. Permet de visualiser les quantités, de faciliter la compréhension des opérations et d’appréhender les notions de dizaines et d’unités. Coffret en bois avec 300 cubes et bâtonnets de différentes tailles et couleurs. Dim. de 1 à 10 cm. Dès 5 ans.
Des jeux ludiques pour consolider les acquis et apprendre en s’amusant
Mon jardin de légumes : Ce kit ludique permet d’aborder les notions de caractéristiques, de tri et de classement tout en se familiarisant avec les premiers calculs. En plastique. Livré avec 5 paniers, 25 légumes, 10 cartes recto-verso, 5 supports de jeu et 1 plateau en mousse dim. 27,7 x 19,2 cm. Dès 3 ans.
Kit d’activité mathématique voitures : Une manière ludique d’aborder la reconnaissance des nombres et la compréhension des additions. De multiples jeux pour se familiariser avec les chiffres en manipulant les 25 petites voitures de 5 couleurs différentes. 2 pistes (nombres de 1 à 10 ou de 11 à 20) dim. 30,5 cm, en plastique. 2 dés numérotés (0 à 5) en mousse. Notice pédagogique. Dès 4 ans.
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Sources :
Qu’est-ce que le subitizing ?, Blog Happy Neuron, le 15 mars 2019
Apprendre à compter sans compter, Académie de Poitiers
Apports des sciences cognitives à la construction du nombre en cycle 1, Lucie Corbin, MCF psychologie cognitive – Lead – CNRS, INSPé Université de Bourgogne, Département MEEF
Exemples d’activités pour la construction du nombre au cycle 1, Académie de Grenoble
Programme d’enseignement de l’école maternelle, Ministère de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports
Rémi Brissiaud : Le nombre dans le nouveau programme maternelle, deuxième partie, Le café pédagogique, le 9 octobre 2015