Aujourd’hui, Hop’Toys a souhaité donner la parole à Christelle, maman de Nathan, 7 ans et demi, enfant avec TSA (Trouble du Spectre de l’Autisme). Pour notre plus grand plaisir, elle nous parle de son fils. Par le biais de ce témoignage, Christelle souhaite aider les gens à mieux comprendre les autres.
Qui est Nathan ?
Nathan est un petit garçon de presque 8 ans né prématurément un retard de croissance in utero sévère. Il a un TSA et un retard cognitivo-affectif important avec un trouble du langage sévère. Son développement, d’abord physique, a toujours été problématique. Jusqu’à ses 3 ans, il a été énormément malade. Nous étions au moins une fois par semaine chez le pédiatre ou aux urgences. Il était malade environ 4 semaines sur 5. 1 semaine de répit et ça recommençait… Le pédiatre avait même soupçonné à un moment une forme de mucoviscidose.
Ces infections ORL à répétition ont masqué des problèmes auditifs qui n’ont pu être pris en charge et opérés que trop tardivement. À partir de 18 mois, c’est son développement neurologique qui a commencé à être inquiétant, jusqu’au diagnostic de « défenses de type autistiques » un peu avant ses 5 ans. À ses 4 ans, il a développé un bégaiement qui est passé après des mois de travail avec la logopède (orthophoniste), pour réapparaître fortement il y a un an.
Il a de plus un retard cognitif et affectif. Il a approximativement le développement d’un enfant de 5 ans. Nathan est intolérant à la frustration et a très peur de la nouveauté : nouvelle personne qu’il rencontre, nouvel aliment… Cela engendre une grande sélectivité alimentaire car il refuse de goûter. Pour tout ce qui est sucré, le packaging et la forme sont très importants. Il ne goûte pas s’il ne connaît pas. Pour le reste, il est très dur de lui faire manger des aliments crus. Il mange seulement certaines crudités si elles sont bien mélangées en salade, et seulement un fruit. Introduire de la nouveauté dans quelques domaines que ce soit est un vrai challenge. Il se braque, cela le rend très anxieux.
Dans ce contexte, trouver l’équilibre entre les moments où il faut être ferme et ceux où il faut laisser plus de souplesse, est parfois difficile : « Quand fait-il un caprice ? Quand est-il vraiment terrorisé ? Quand est-ce un peu des deux ? »
Il a aussi peur des animaux, bien qu’il ait parfois envie d’aller vers eux et de faire connaissance. Nathan, c’est aussi un petit garçon très affectueux, dynamique et joyeux. Il adore jouer dehors, jouer aux voitures et avec des petits bonhommes avec lesquels il construit des histoires. Dans ces moments, il est surprenant de voir comme son bégaiement peut disparaître.
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Qu’est-ce qui le rend heureux ?
Aller chez son papi et sa mamie en vacances sans nous… Inviter des copains à jouer à la maison et aller jouer chez eux. Se rendre au parc.
De quoi est-il le plus fier ?
Il est fier de son petit frère, âgé de 4 ans. Il le présente tout le temps à tout le monde. Même si vous le connaissez déjà et qu’il vous l’a déjà présenté 50 fois, il va vous le représenter tellement il est fier.
Et vous, en tant que maman ?
Je suis fière de sa bienveillance et de sa gentillesse. Là, je ne suis pas en train de dire qu’il est toujours gentil… Parfois, il se bagarre pour un jouet, il n’est pas toujours coopératif, notamment quand il s’agit de faire quelque chose qu’il n’a pas envie… Mais ça fait partie de la construction d’un enfant. Cependant, Nathan est un enfant spontanément gentil avec les autres.
Quelle est sa petite ou grande victoire du quotidien dont il a été très fier ? Et vous ?
Je dirais que sa plus grande victoire a été de marcher à 18 mois. Dernièrement, c’est de mettre la tête sous l’eau à la piscine et de s’amuser à sauter avec un gilet. Il y a encore 2 ans, lui éclabousser la tête avec 3 gouttes d’eau était terrorisant pour lui. La prochaine étape sera qu’il accepte de sauter sans le gilet de sauvetage. Il est aussi très fier de ses dessins. Il y a eu une période où il m’en faisait au moins un par jour et où l’école avait beaucoup de mal à conserver les travaux faits en classe, car il voulait toujours me les donner le soir-même.
Le parcours scolaire de Nathan
Nathan a commencé sa scolarité normalement en classe d’accueil, avec comme seule adaptation au départ le choix d’une toute petite école maternelle qu’on nous avait conseillé pour son ouverture aux enfants en difficulté. Il y a fait toute sa maternelle avec des institutrices extraordinaires qui se sont adaptées à lui et une personne d’une ASBL (Association Sans But Lucratif) qui venait une matinée par semaine pour l’aider à faire le travail demandé en classe. Nathan a toujours aimé l’école, jusqu’à la 3e maternelle où, la différence se faisant plus sentir, les moqueries ont commencé.
La période du confinement
Le confinement est arrivé peu après, ce qui a finalement été probablement positif pour lui, car il n’a plus été confronté à ces moqueries et à ses difficultés dont il commençait clairement à se rendre compte. Au moment du confinement, nous venions tout juste de prendre la décision de l’inscrire dans une école spécialisée pour la rentrée scolaire suivante. Cette décision a été très douloureuse à prendre. Nous espérions depuis le départ qu’il aurait rattrapé «son retard » d’ici la fin de la maternelle. J’ai passé à peu près 24h à pleurer lorsque l’école, après s’être battue pour lui durant 3 ans, nous a annoncé que si nous voulions ce qu’il y avait de mieux pour lui, il fallait accepter qu’il aille dans une école spécialisée.
Suivi scolaire dans une classe spécialisée
Et puis je me suis reprise petit à petit. Et dès la rentrée en classe de « maturité 1, type 1- type 8 » (nous vivons en Belgique, le système scolaire spécialisé est différent de la France), nous avons eu la confirmation que nous venions de prendre la meilleure décision de notre vie. En 3 jours, il était métamorphosé, courrait pour aller à l’école, s’était fait un nouveau copain, osait se risquer à écrire.
Nous sommes persuadés que là, il a senti que les autres enfants étaient « comme lui » et qu’on allait le rencontrer là où il en était vraiment dans ses apprentissages. Nous sommes toujours très reconnaissants envers l’équipe qui nous a accompagné et aidé à accepter de prendre cette décision. S’ils lisent l’article et se reconnaissent, j’ai juste envie de leur dire « Encore merci du fond du cœur ».
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Nathan vient donc de passer 2 années dans cette classe avec, à nouveau, une équipe adorable avec lui. L’année prochaine, il passera en « Maturité 2, type 8, classe langage ». Nous espérons que cette nouvelle année lui permettra de déployer plus de compétences dans les apprentissages fondamentaux et qu’il pourra commencer à lire, écrire et calculer.
Qu’aimerait-il faire plus tard ?
Pour le moment, son projet c’est d’avoir des bébés et il a son amoureuse. C’est déjà une base intéressante selon moi, pour se construire.
Pouvez-vous nous parler de sa prise en charge ? Avec quels professionnels ?
Une prise en charge pluridisciplinaire : kinésithérapeute, psychomotricienne, neuropsychologue, orthophoniste
La prise en charge de Nathan a commencé très tôt, a évolué dans le temps, mais ne s’est jamais arrêtée. À l’âge de 3 mois, il a commencé à voir un kinésithérapeute 1 fois par semaine parce qu’il avait des talus valgus (ses talons partaient vers l’intérieur des pieds). Il a continué de le voir jusqu’à ses presque 2 ans, puisque c’est avec son aide qu’il a pu marcher à 18 mois (à 1 an il ne pesait même pas 7 kg, il avait peu de masse musculaire, donc cela a été très difficile d’apprendre à marcher).
En parallèle, de 2 à 4 ans il faisait de la psychomotricité chez « The Little Gym », un concept très doux, bienveillant, stimulant et totalement ouvert à s’adapter aux enfants à besoins spécifiques.
Un peu avant ses 2 ans, le contact avec le kiné devenant très difficile, il a décidé de stopper sa prise en charge et nous a orienté vers une psychomotricienne relationnelle que nous avons vu chaque semaine pendant 2 ans. Vers 4 ans, sa phase d’opposition était particulièrement forte et nous nous sentions de plus en plus impuissants face aux angoisses qui le submergeaient. Nous avons donc décidé de rencontrer une pédopsychiatre, qui a posé pour la première fois les mots « d’angoisses de morcellement ». Elle nous a orientés pour faire un bilan psycho-affectif avec une neuropsychologue. Là le diagnostic de « défenses de type autistiques » est tombé.
Ça été difficile à accepter et j’avoue ne pas l’avoir complètement accepté à ce jour. Depuis maintenant 3 ans, cette neuropsychologue le rencontre 2 fois par semaine pour faire une « thérapie du développement », qui consiste à aider Nathan à passer toutes les étapes « normales » du développement d’un enfant, par lesquelles lui n’est pas forcément passé à l’âge où il était censé le faire.
Tout passe par le jeu. Nathan adore y aller et nous le voyons évoluer et s’apaiser. C’est aussi un grand soutien pour nous. Nous voyons aussi sa pédopsychiatre tous les quatre, toutes les 6 semaines, pour nous aider à conserver notre équilibre familial dans les périodes plus difficiles. Il est aussi suivi depuis ses 4 ans par une logopède (orthophoniste), 1 à 2 fois par semaine selon les périodes, pour l’aider dans son retard de langage, depuis diagnostiqué comme Trouble Développemental du Langage (dysphasie).
Les séances de logopédie ambulatoire ont cessé lors de sa première année à l’école spécialisée, puisqu’elles étaient assurées par l’école, pour reprendre cette année en raison de l’aggravation de son bégaiement, afin qu’il voit une logopède spécialisée dans ce trouble, une fois par semaine. Elle travaille avec lui la fluence de son langage et nous apprend à avoir les bonnes manières de faire pour l’aider au quotidien. Enfin, depuis presque 2 ans, il prend des cours de natation privé, dans le but de l’apaiser, de lui faire prendre conscience de son enveloppe corporelle par l’eau et, à terme, de savoir nager.
Au quotidien, comment accompagnez-vous Nathan ?
Nous l’emmenons à tous ces rendez-vous qui nécessitent beaucoup d’organisation, surtout que nous n’avons pas de famille en Belgique. J’ai la chance d’avoir un environnement professionnel extrêmement compréhensif et des horaires qui me permettent de les assurer (je suis infirmière). Au quotidien, nous essayons de le stimuler, l’autonomiser autant que possible, en faisant attention de ne pas lui mettre trop de pression. Là encore, cet équilibre est parfois difficile à trouver.
Des temps de jeux et de paroles adaptés pour son bégaiement
Nous travaillons aussi son bégaiement sur les consignes de sa logopède, avec des temps de jeux et de paroles adaptés. Depuis cette thérapie, nous avons pris l’habitude de faire un jeu de société le soir avant d’aller au lit. Il adore ça. C’est devenu un rituel du coucher au même titre que lire l’histoire. Notre second fils s’est vite pris au jeu également, ce qui nous permet de partager chaque soir un moment familial supplémentaire.
Et le quotidien, c’est aussi devenu un moyen de s’adapter aux activités que l’on peut faire en dehors de l’école : Tel stage est-il adapté ? Comment faire pour que l’école de ski puisse s’adapter à ses difficultés ? En vacances, s’il passe un après-midi dans un club enfant, vont-ils accepter qu’il aille dans le groupe d’âge inférieur ? Vont-ils l’accepter tout court ? Mais, vraiment, nous avons de la chance. En discutant bien avant, nous avons toujours trouvé des chouettes personnes qui se sont adaptées à lui.
Hop’Toys et vous
Comment avez-vous connu Hop’Toys ?
La toute première fois, via l’association « Lueur d’espoir pour Ayden et les leucodystrophies », dans laquelle je suis bénévole (même si beaucoup moins active depuis 2 ans, je ne parviens pas à tout faire). Petit à petit, j’ai commencé à voir des articles de Hop’ Toys sur Facebook, et puis les différents intervenants de Nathan m’en ont parlé.
Des produits qui aident votre fils au quotidien ?
Le Time Timer et les jeux de société présentés par Hop’Toys sont des jeux souvent conseillés par les intervenants de Nathan, pour l’aider à développer certaines compétences. Nous commençons à avoir une sérieuse collection.
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Vous avez envie de partager un… coup de cœur !
Un coup de cœur pour tous les intervenants qui aident Nathan et nous aident depuis sa naissance. Nous parlons beaucoup des difficultés au quotidien, de ce dont nous aurions besoin de plus. Mais mon grand coup de cœur va à tous ceux qui nous aident déjà, et pas juste parce que c’est leur travail, mais aussi par toute la bienveillance et l’affection que nous ressentons chez eux envers Nathan.
Pour conclure
Qu’est-ce qui selon vous pourrait améliorer significativement la vie et l’inclusion de votre enfant et des personnes en situation de handicap ?
La première chose serait selon moi une meilleure adaptation du monde du travail pour les parents des enfants touchés par le handicap. Dans le sens où, pour qu’un enfant en situation de handicap devienne un adulte le plus autonome possible par rapport à ses difficultés, cela nécessite un grand investissement en temps, et en énergie bien évidemment, de la part de ses parents.
J’ai la grande chance qu’on me permette d’adapter mes horaires de travail certains jours, et de pouvoir me permettre de ne travailler qu’à 4/5ème. Mais je pense à tous les parents qui n’ont pas cette possibilité. En plus d’être épuisant, c’est leur enfant qui en pâtit en bout de course… Et, pour ma part, mon 4/5ème et les jours où je peux par exemple travailler d’après-midi au lieu du matin pour emmener Nathan en thérapie, ce n’est pas du temps de repos.
Quand je travaille d’après-midi, le matin je ne me repose pas. Idem sur mon jour congé avec le 4/5ème, je vais de rendez-vous en rendez-vous… C’est épuisant. Idéalement, j’aimerais travailler à mi-temps pour avoir un juste équilibre entre la réalité de ma vie de famille et mon travail, mais ça je ne peux pas me le permettre…
La formation à l’accompagnement du handicap
La seconde chose, qui est finalement peut-être la plus importante, c’est la formation : dans les milieux d’accueil, les écoles, les lieux de stage, les clubs sportifs, les entreprises… Si les intervenants et responsables étaient mieux formés à l’accompagnement du handicap, l’inclusion serait bien plus simple, de la petite enfance à l’âge adulte… Enfin, que les autorités compétentes réalisent le coût parfois des thérapies à mettre en place. Les allocations perçues ne couvrent pas forcément l’ampleur des dépenses. Pour certains parents, c’est très difficile, voire impossible, d’assurer la charge financière de tous les soins.
Êtes-vous confrontés à des idées reçues sur l’autisme ? Si oui, lesquelles ?
Récemment, on m’a demandé s’il avait des « crises d’agressivité ». Mais globalement, pas trop d’idées reçues, plutôt des personnes qui veulent nous rassurer en nous disant que ça va aller, que chaque enfant à son rythme. C’est touchant car hyper bienveillant dans l’intention, mais énervant parce que j’adorerais que ce soit si simple que ça, mais ça ne l’est pas.
Y a-t-il des initiatives qui vous ont inspirée dernièrement ?
J’ai envie de parler d’une maman qui m’impressionne. Elle a créé la première plaine de jeux inclusive couverte de Belgique et elle ne s’arrête pas là en créant maintenant une crèche inclusive. Vous pouvez vous rendre sur sa page Facebook «Le monde d’Ayden» pour découvrir tout ce qu’elle fait. Si chacun d’entre nous pouvait s’inspirer ne serait-ce qu’un tout petit peu de son énergie, nous pourrions faire de belles choses.
Le mot de la fin
Nathan est notre plus beau combat. Je suis en colère contre la vie de lui faire vivre tout ça. Cependant, je suis tellement reconnaissante d’être sa maman. Être les parents de Nathan, c’est un ascenseur émotionnel. C’est passer des larmes au fou rire en l’espace d’une minute, parce qu’il est vraiment adorable. C’est aussi être devenu des versions améliorées de nous-même, il a fait de nous des humains encore plus humains.
Et le mot de la toute fin : quand je réfléchissais à faire ou non ce portrait, une amie m’a posé une question : « Est-ce que tu crois que le lire pourrait aider d’autres personnes ? » À vrai dire, je n’en sais rien, je n’ai pas cette prétention, mais peut-être que je peux partager une chose qui m’aide au quotidien : c’est de m’offrir ma bulle. Ma bulle à moi, et rien qu’à moi, c’est de danser. Prendre des cours et pouvoir partir régulièrement le soir 1h une ou deux fois par semaine, c’est ce qui me permet de tenir. En m’octroyant ça, je me sens plus posée et patiente le reste de la semaine, car je sais que viendra ce moment rien que pour moi.
Alors, si j’ai un seul à conseil à donner aux autres parents : n’oubliez pas de prendre soin de vous, c’est la meilleure manière de pouvoir prendre soin de votre enfant.