Hop’Toys se réjouit toujours de participer à des événements qui célèbrent l’inclusion et la diversité, et la Fête des Dys ne fait pas exception ! Cette année, nous avons donné la parole à une professeure de trompette de l’École de Musique Communautaire Saint Pourçain Sioule Limagne. Elle travaille depuis plusieurs années avec des élèves atteints de troubles dyslexiques, dyspraxiques, et autres. Elle partage aujourd’hui avec nous ses précieux conseils pour aider ces élèves à apprendre plus facilement et à célébrer leur talent musical.
Parlez-nous de vous !
Je suis professeure de trompette depuis 2003 à l’École de Musique Communautaire Saint Pourçain Sioule Limagne, qui compte 400 élèves répartis sur 3 antennes : Chantelle Gannat Saint Pourçain sur Sioule. J’ai vu le nombre d’élèves DYS au sein de ma classe augmenter. Sur les 29 élèves de ma classe, 7 présentent des troubles cognitifs DYS, 2 des situations de handicap. 2 élèves sont en ULIS. 4 élèves DYS d’autres classes instrumentales bénéficient également d’un suivi adapté.
Très vite, j’ai eu une appétence pour ces élèves. Il fallait imaginer des solutions pour les aider à lire leur partition. C’est grâce à la confiance de leurs mamans, qui m’ont expliqué leurs troubles, leurs difficultés, que j’ai pu capter au mieux les besoins de chacun.
Vos formations et votre rôle au sein de l’École de Musique
J’ai fait une demande auprès de ma collectivité pour suivre une formation auprès de l’organisme MESH (Musique Et Situations de Handicap). J’ai suivi deux modules : « Devenir référent handicap en établissement artistique ». Et « Encadrer une pratique musicale avec des élèves en difficultés d’apprentissage et présentant des troubles DYS ». Cette formation m’a permis d’acquérir les compétences et les informations nécessaires pour assumer le rôle de professeure référente au sein de l’École de Musique.
Je suis le lien entre les élèves, les familles, la direction et les professeurs. J’échange avec la famille et l’élève. Ensuite, je détermine le suivi le plus adapté en fonction de son trouble ou de son handicap. Certains élèves suivent un cursus complet comprenant l’apprentissage d’un instrument, la formation musicale et la pratique collective. Tandis que d’autres se concentrent dans un premier temps sur la pratique instrumentale. Nous adaptons nos approches en fonction des besoins de chaque élève. Toujours en veillant à ce qu’il se sente à l’aise avec nous. L’apprentissage de la musique doit rester un plaisir.
Dans la structure où je travaille, nous avons principalement des élèves dyslexiques et/ou dysorthographiques. Ainsi que des élèves dyspraxiques et/ou dysgraphiques. Je vais donc présenter mon travail sur ces troubles. Mais il est important de souligner que cette liste n’est pas exhaustive, car chaque élève est unique.
Musique et troubles dys
Comment se manifeste la dyslexie à l’École de Musique ?
Les élèves dyslexiques peuvent rencontrer des difficultés lorsqu’il s’agit de lire les notes, avec des confusions visuelles et une lenteur dans la lecture globale des partitions, qui peuvent être trop complexes pour eux. L’un des principaux aménagements consiste à agrandir les supports, les documents ou les partitions. J’utilise un code couleur noté sur les partitions, qui sert de repères visuels et qui est le même pour tous : les altérations sont indiquées en rouge, les rythmes longs en bleu, les rythmes courts en orange, les nuances en vert foncé, les silences en marron, et les respirations en vert clair.
Les élèves peuvent également éprouver de la lenteur dans l’écriture, notamment lors de la prise de notes, et la transition de la lecture du tableau au cahier peut être difficile. Lorsqu’un élève assiste à un cours de formation musicale, le professeur peut distribuer des fiches déjà remplies ou avec des espaces à compléter. Il est important de ne pas tenir compte des fautes d’orthographe. Des difficultés peuvent également survenir lors de la lecture des consignes, avec une confusion entre les sons lus dans un texte et ceux expliqués par le professeur.
Quels aménagements proposer ?
La dyslexie peut engendrer des difficultés à différencier les rythmes qui se ressemblent, à brouiller la netteté d’un document (le texte bouge la portée ondule.). Un agrandissement est nécessaire et le code couleur permet de mettre en relief les informations. Pour le moment, cette manière de procéder a fait ses preuves et les élèves progressent de manière régulière.
La dyslexie et/ou dysorthographie peuvent entraîner un manque de dextérité, de motricité fine, des douleurs aux mains, aux bras, aux poignets, aux épaules. Par conséquent la vitesse d’exécution des pièces musicales en est ralentie. Il peut s’agir aussi de problèmes de concentration, de difficultés à retenir les notions (comme par exemple l’ordre des dièses et des bémols).
L’élève fournit davantage d’efforts pour se concentrer et ressent donc une grande fatigabilité suite aux efforts de compensation.
Tout cela entraîne très souvent un grand manque de confiance en soi, des difficultés à communiquer, à s’ouvrir aux autres (peur des moqueries). À ce sujet, je laisse, trois fois dans l’année, une boîte à progrès où je note les compétences acquises, les notions nouvelles et les notions à approfondir. Cela est très concret et encourageant, les élèves adorent !
>> Lire aussi : « Les enfants dys et la confiance en soi »
Comment se manifeste la dyspraxie à l’École de Musique ?
La motricité fine représente l’une des principales difficultés pour ces élèves. Ils doivent simultanément appuyer sur les touches de leur instrument, le tenir, souffler et lire les notes. De plus, des tâches telles que la mise en place des anches pour les instruments à vent ou l’huilage des pistons des cuivres peuvent rapidement devenir complexes.
Ces élèves, tout comme les dyslexiques, peuvent éprouver des douleurs aux mains, aux bras, aux poignets et aux épaules, ce qui ralentit leur vitesse d’exécution. Ils ont du mal à contrôler leur corps et leur posture peut être instable. Certains de mes élèves ont du mal à ressentir leurs mouvements. On observe des problèmes de coordination et des difficultés dans l’acquisition des réflexes.
Quels aménagements proposer ?
Par exemple, faire jouer un élève sur un ballon de gym lui permet de ne plus se préoccuper de sa posture, ce qui améliore celle-ci. L’élève doit naturellement trouver son équilibre sur le ballon. Ce qui lui permet de concentrer ses efforts et sa concentration sur son jeu instrumental. En exploitant sa capacité innée à trouver son équilibre, il peut canaliser son énergie dans sa pratique musicale.
L’organisation
D’autre part, la notion d’organisation peut être délicate : dans le travail personnel, pour planifier. Pour prendre conscience du temps restant avant un concert (en nombre de semaines par exemple). Je fais un planning que j’affiche dans la salle. L’élève va donc barrer au fur et à mesure les dates de cours sur le calendrier. Ainsi, il voit le moment du concert arriver plus concrètement. Cela facilite son repérage dans le temps.
Pour une dyspraxie visuo-spatiale, les élèves ont des difficultés à se repérer dans une page, une partition ou pour passer d’une ligne à l’autre :
Selon l’élève, je peux mettre en relief la 1ère ligne de la portée en marron (couleur de la terre) et la 5ème en bleu ( couleur du ciel) :
Il est possible de noter le début de la portée en vert (comme un feu tricolore) et la fin de la portée en rouge pour s’arrêter :
Je demande un porte-vue ou un cahier où je colle les fiches pour que l’élève ne peine pas à les retrouver.
Une nouvelle expérience avec les ULIS
Depuis septembre, j’ai la chance de pouvoir accueillir deux élèves qui sont scolarisés en classe ULIS. L’un deux a eu du mal à retenir la manière d’ouvrir sa boîte, celle de prendre son instrument, le tenir. J’ai confectionné avec lui une frise reprenant les différentes étapes et à ce jour, il sait être autonome.
Ces élèves ayant de grandes difficultés à lire, j’ai repris le fonctionnement des Éditions Mélopie. Ils associent une couleur à une note et ils ont tous les deux très vite retenu le principe. Par contre, une difficulté est apparue : le manque de repère des doigts sur la main. J’ai donc rajouté des mains avec des gommettes correspondant aux doigtés de la trompette selon la note colorée :
Depuis, les doigtés sont intégrés, nous avons abordé les rythmes correspondant à la valeur du rythme, et à la couleur de la note :
Mon ressenti
La fonction de professeure référente dans mon établissement apporte un sens et de nouvelles perspectives à mon travail. Sous la direction de Sophie GAY, j’ai eu l’opportunité d’organiser une conférence DYS lors de la Nuit des Conservatoires le 27 janvier 2023. J’y ai exposé les différents troubles cognitifs rencontrés au sein de l’École de Musique. Et j’ai présenté des témoignages de parents et d’élèves. Cette initiative a été chaleureusement accueillie et nous envisageons d’en organiser d’autres à l’avenir.
Grâce à cette mission, j’ai pu établir un réseau de professionnels paramédicaux tels que des orthophonistes, psychomotriciens et ergothérapeutes. Nous collaborons en échangeant des bilans afin de favoriser le bien-être des enfants, en étroite collaboration avec leurs parents. Je me sens véritablement à ma place au sein de ce réseau pluriprofessionnel qui se forme autour de l’enfant, contribuant ainsi à son épanouissement global.
Vous accompagnez vous aussi des enfants avec des troubles dys ? Partagez-nous votre témoignage !
1er Prix de cornet de la Ville de Paris dans la classe de Pierre Gillet en 2001, j’ai souhaité faire de la pédagogie la base de mon métier.
Titulaire depuis 2003 de la classe de trompette de l’144cole de Musique Communautaire St Pourçain Sioule Limagne. En 2022, formation auprès de MESH Musique et Situations de Handicap » Devenir référent handicap au sein d’un établissement artistique ». Et » l’apprentissage de la musique avec des élèves présentant des troubles Dys ». Encadrer une pratique musicale avec des élèves en difficultés d’apprentissage et présentant des troubles « dys »