Les projets d’autorégulation peuvent prendre vie dans une diversité d’environnements. Ils sont modulables, adaptables, versatiles… Que de bonnes raisons pour se faire une place dans tous les lieux qui accueillent du public. Et on aimerait que tout le monde le sache ! Ce qui nous a donné l’idée d’une nouvelle série d’articles, pour vous raconter les projets d’autorégulation auxquels on a participé, des kits jusqu’aux salles ! C’est parti pour l’étude de cas n°3 : l’Union Régionale des Professionnels de Santé des Chirurgiens-Dentistes d’Île-de-France !


Mais c’est quoi, l’autorégulation ? 

L’autorégulation, c’est être en capacité de réguler ses émotions soi-même. Autrement dit, c’est reprendre le contrôle sur ce qu’on ressent ! Elle permet donc de mieux gérer ses émotions et son impulsivité, ce qui la place comme une alliée précieuse pour développer sa tolérance et réduire sa frustration. 

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Améliorer le parcours de soin des personnes en situation de handicap invisible. C’est ce qu’a fait l’Union Régionale des Professionnels de Santé (URPS) des Chirurgiens-Dentistes d’Île-de-France, en remplissant notre formulaire de contact. 

Forte de ses 6 500 dentistes adhérent·es, l’URPS CD IDF nous a contacté pour un projet ambitieux : créer un espace de détente et de relaxation pour aider les patient·es à mieux appréhender les soins dentaires, en particulier les enfants et adolescent·es à besoins spécifiques. Dès les premiers échanges, une collaboration sincère et constructive s’est établie, avec la volonté de bâtir un environnement d’accueil inclusif et apaisant. Dans cette étude de cas, on redonne la parole à Cécile, pour vous présenter le projet du début à la fin !

Le point de départ

Matériels pour soin dentaire

Récolte d’informations

Dès les débuts du projet, c’était essentiel de bien comprendre les besoins des équipes de l’URPS CD IDF, qui sont habituées à recevoir des patient·es avec divers profils, notamment des personnes sensibles aux environnements de soin. Pendant notre première rencontre en visioconférence, le 30 septembre 2022, l’équipe de l’URPS des Chirurgien·nes-Dentistes d’Île-de-France (URPS CD IDF) m’a partagé ses priorités et ses actions en matière de soins accessibles. 

Elle mène des initiatives pour rendre les soins dentaires accessibles, en évitant que les patient·es ne sortent de leur parcours de soin. Et dans cette perspective, l’Éducation Thérapeutique du Patient (ETP) est au cœur de ses pratiques. L’objectif, c’est d’accompagner les patient·es vers une plus grande autonomie et une meilleure adhésion à leurs traitements, tout en veillant à leur qualité de vie. L’URPS proposait déjà des adaptations comme l’atténuation des lumières en salle de soin et les visites blanches – des visites sans soin qui permettent aux patient·es de découvrir le lieu et de se préparer progressivement à une consultation. En parallèle, elle intègre les spécificités de la prise en charge des personnes en situation de handicap dans ses formations.

Elle a décidé d’inaugurer son premier centre en Île-de-France avec un cabinet aux normes handicap. Le centre souhaitait donc, pour cet évènement, présenter une salle de détente spécifiquement conçue pour favoriser l’autorégulation des patient·es avant, pendant et après les soins

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Salle dédié pour l'espace autorégulation chez l'URPS

Contexte et problématique

Les Unions Régionales des Professionnels de Santé (URPS) sont des associations loi 1901. Créées en 2009, elles représentent, par région, les professionnel·les de santé libéraux de différents secteurs. Leur mission principale, c’est de contribuer à l’organisation et à l’évolution de l’offre de santé régionale. L’URPS des chirurgien·nes-dentistes d’Île-de-France fédère 6 500 adhérent·es. Elle dispose d’un centre de soin dédié à l’accueil d’un public avec des besoins spécifiques. Elle est aussi partenaire de RHAPSOD’IF, le Réseau Handicap Prévention et Soins Odontologiques d’Île-de-France. Ensemble, les deux structures accompagnent les francilien·nes en situation de handicap, les établissements qui les accueillent, et les praticien·nes qui participent à leur prise en charge.  

Dans ce contexte, l’URPS d’Île-de-France souhaitait faire un pas de plus vers une approche inclusive. Pour ça, elle souhaitait installer des dispositifs qui puissent favoriser l’autorégulation des patient·es au moment des soins dentaires. L’environnement de soins peut facilement être source de stress pour certain·es patient·es. Surtout les plus jeunes ou celles et ceux qui présentent des sensibilités spécifiques. Les appareils sonores, les lumières vives, la douleur et les odeurs de produits dentaires, ça peut provoquer de l’anxiété et une surcharge sensorielle. Tout ça, ça peut rendre difficile la gestion de l’attente et la préparation aux soins. Cette anxiété, elle peut limiter la coopération des patient·es et augmenter leur appréhension au moment des soins.  

Lumière intense en salle de soin dentaire

Pour répondre à cette problématique, l’URPS souhaitait mettre en place un espace sensoriel d’autorégulation directement intégré au parcours de soin. Cet espace vise à offrir aux patient·es des outils adaptés pour se détendre avant, pendant et après les consultations. Il les invite à réguler leurs émotions et à calmer leur esprit face aux stimuli environnants. Ça permet de proposer des conditions de soin plus sereines, favorisant une prise en charge fluide pour les patient·es et les praticien·nes.  

Outre les aspects techniques de cet aménagement, c’était nécessaire de prendre en compte plusieurs contraintes. L’espace dédié ne disposait que de 6 m² avec un seul bloc de prise électrique. La livraison devait impérativement se faire pour la mi-novembre 2022, en vue de l’inauguration officielle le 1er décembre suivant. En parallèle, l’URPS CD IDF souhaitait aussi des outils de signalétique et des infographies. L’idée était de pouvoir guider les patient·es et structurer un parcours de soin clair et fluide.

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Besoins concernés

Les besoins identifiés ciblaient donc principalement la réduction du stress et de l’anxiété, chez les jeunes patient·es avec un handicap cognitif. L’objectif, c’était donc de leur permettre de découvrir l’environnement de soin de manière progressive et rassurante. L’URPS souhaitait des équipements qui soient adaptés à cet objectif, tout en ayant en tête que cet espace pourrait aussi inspirer d’autres structures de santé. Pace que ces stimuli sensoriels ne se limitent pas aux cabinets dentaires : on les retrouve dans les hôpitaux, chez le médecin, ou dans d’autres espaces accueillant du public. 

Pour les personnes avec des besoins spécifiques, comme les personnes avec des troubles du neurodéveloppement (TND), la gestion du stress peut être difficile. Et c’est souvent encore plus complexe dans des environnements comme les cabinets dentaires. Les personnes sur le spectre de l’autisme ou avec un TDA/H par exemple, peuvent rencontrer des difficultés face à des stimulations intenses ou inattendues. Un espace d’autorégulation permet alors aux patient·es de se familiariser progressivement avec l’environnement de soin, en leur offrant un moment de calme et permettant d’apprivoiser les sensations du cabinet à leur rythme.  

Parmi les besoins identifiés, les situations de surcharge sensorielle sont notamment : 

  • Odeurs spécifiques

     L’odeur des produits utilisés pour le soin des caries (comme les désinfectants ou l’eugénol, couramment utilisé pour ses propriétés antiseptiques) peut être très envahissante pour un enfant sur le spectre de l’autisme, qui a souvent un odorat plus sensible. Ça peut engendrer une surcharge sensorielle, entraînant un stress et une réaction d’évitement. Pour favoriser leur autorégulation, l’espace de détente peut inclure des diffuseurs d’odeurs apaisantes ou neutres et des objets sensoriels. Ça propose une distraction et peut permettre de rétablir son confort, en s’habituant progressivement aux odeurs du cabinet. 

  • Stimulations sonores

    Les bruits de la fraise dentaire, des aspirateurs de salive ou d’autres instruments peuvent être perçus de manière amplifiée ou particulièrement agressifs par les personnes hypersensibles, notamment celles avec un TDA/H. Ces patient·es pourraient bénéficier d’un moment de calme, avec des casques anti-bruits ou des bruits blancs, permettant d’apaiser leur système sensoriel.  

  • Lumières vives

    Dans les salles de soin, les lumières fortes des plafonniers ou des lampes dirigées peuvent être agressives pour les patient·es avec une hypersensibilité visuelle. Un éclairage tamisé et des dispositifs lumineux, comme une colonne à bulles, dans l’espace d’autorégulation offrent une transition douce. Ça prépare les patient·es à l’environnement lumineux de la salle de soin. 

  • Attente immobile

     Le simple fait de rester en position assise dans une salle d’attente, surtout en anticipant un soin, peut être compliqué pour des enfants avec un TDA/H qui ont besoin de bouger pour gérer leur anxiété. Des objets de manipulation comme des balles anti-stress ou des fibres optiques apportent des sensations tactiles et visuelles. Elles peuvent aider à canaliser leur énergie. 

  • Sensations tactiles de certains outils

    Le contact des instruments dentaires, comme les écarteurs ou les miroirs intra-oraux, peut être ressenti comme intrusif. Avant la consultation, des outils sensoriels comme des tissus texturés offrent aux patient·es une sensation tactile apaisante. Ils peuvent aider à préparer les patient·es au contact physique avec les instruments de soin. 

  • Gestion de la douleur

    La peur de ressentir de la douleur lors des soins peut être particulièrement intense pour certains patient·es. Elle augmente l’anxiété. Des objets sensoriels comme des fidgets et des balles anti-stress, aident à détourner l’attention et à canaliser l’appréhension avant le soin. Ces outils permettent aussi de maintenir une concentration durant l’intervention. Ça peut aider à réduire la perception de la douleur.

Fidgets pour la salle d'autorégulation de l'URPS

La vision

L’URPS avait la volonté de se positionner en tant que centre pilote en matière de soin dentaire. Notamment en adoptant une approche innovante et en intégrant des solutions d’autorégulation dans le parcours de soin. De notre côté, on était ravis de partager cette ambition, persuadés de l’impact positif que ce projet pouvait avoir. 

Ce projet porte une vision plus large : celle d’inspirer les autres acteurs de la santé et même au-delà. En montrant que rendre les soins plus accessibles et plus humains est non seulement possible mais réalisable. Offrir un espace d’autorégulation au sein d’un cabinet dentaire peut sembler inédit. Surtout le fait d’offrir des solutions d’autorégulation pendant tout le parcours de soin (avant, pendant et après). Pourtant, cet exemple prouve que de telles initiatives ne nécessitent pas forcément de transformations compliquées. Des équipements sensoriels simples, comme des balles anti-stress ou des casques anti-bruit, peuvent suffire à créer un espace d’apaisement pour les patient·es. 

C’est en proposant des exemples concrets et accessibles que l’on peut faire évoluer la société vers davantage d’inclusivité. En témoignant de la faisabilité et de l’efficacité de ces initiatives, on espère inspirer d’autres structures. Non seulement dans le domaine médical mais aussi dans tous les secteurs où les environnements sensoriels peuvent être sources d’inconfort. La société a besoin de ces projets pilotes pour offrir de nouveaux standards d’accueil et d’accompagnement, en favorisant l’épanouissement de chacun·e. 

Travail en co-construction

On a travaillé ensemble pour concevoir un espace sensoriel adapté, centré sur l’apaisement et l’autorégulation des patient·es. Dès notre premier échange (le 30 septembre 2022), l’accompagnement a été pensé pour répondre aux besoins des personnes concernées, tout en veillant à ce que le projet puisse être facilement reproduit ailleurs. Plusieurs échanges ont suivi. Ils m’ont permis de bien cerner les attentes de l’URPS CD IDF :

  • Créer un espace qui non seulement soutienne les patient·es dans leur parcours de soin
  • Créer un espace qui s’adapte à divers profils de besoins
  • Penser un projet avec une perspective d’universalité

On voulait qu’un tel aménagement puisse être applicable à d’autres structures. Il fallait donc qu’il soit accessible, budget y compris. Un devis a été envoyé début octobre 2022, accompagné d’une maquette explicative réalisée par nos équipes de PAO et communication, pour illustrer l’utilisation de l’espace.

Salle d'attente sensorielle


Téléchargez la brochure d'information de la salle d'attente sensorielle, en version A4 (4 pages) ou A3 (2 pages).

Après validation commune des contenus, la commande a été finalisée en octobre 2022, puis livrée à temps à la mi-novembre. Un accompagnement sur-mesure et une écoute attentive des besoins de nos partenaires permet de leur proposer un projet à la fois inclusif, inspirant et réalisable. Mais ça permet aussi de donner à chaque partenaire les moyens d’une prise en charge réellement adaptée !

Choix du dispositif adapté

En écoutant attentivement les besoins exprimés par l’équipe de l’URPS, nous avons pu choisir des solutions concrètes et pertinentes. Les dispositifs comme les colonnes à bulles, les fibres optiques, ou encore les casques anti-bruit sont conçus pour répondre à ces besoins sensoriels particuliers, en créant un cadre rassurant et réconfortant. Ça renforce la confiance et la coopération des patient·es, ce qui facilite le travail des soignant·es, et donc, assure une prise en charge plus douce et respectueuse. 

Les équipements choisis répondent à une variété de besoins, aussi bien des enfants qu’à ceux des adolescent·es et adultes. On a, entre autres, opté pour la colonne à bulle, les fibres optiques, un générateur de bruits blancs et un pouf géant. On a aussi choisi des fidgets comme le tangle, la limace et le snapper, des casques anti-bruit ou encore une couverture lestée. 

Ces dispositifs permettent d’offrir des moments d’autorégulation aux patient·es avant, pendant, et après les soins. Avant la consultation, l’espace sensoriel favorise un apaisement qui permet d’aborder l’intervention de manière plus sereine. Pendant les soins, les patient·es ont la liberté d’emmener un fidget pour les accompagner et avoir une distraction rassurante. Et après la consultation, la salle sensorielle offre un moment de détente pour clôturer l’expérience de soin de façon positive. 

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La mise en place

La livraison a eu lieu début novembre 2022. La mise en place s’est déroulée sans encombre, avec une installation « plug and play », comme d’habitude. Elle garantit un usage immédiat et facilité pour les équipes de l’URPS CD IDF. 

Salle d'autorégulation de l'URPS

Le résultat

Le 1er décembre, l’URPS a organisé son inauguration officielle. Le ministre de la Santé, du Handicap, et de nombreuses et nombreux décideur·ses politiques de la région étaient présent·es. Cette journée a été l’occasion de présenter les bienfaits des espaces sensoriels dans l’amélioration de la prise en charge des patient·es. Pour marquer l’événement, chaque invité·e est reparti·e avec un kit présentant l’impact positif de cet espace sensoriel. L’objectif : sensibiliser et convaincre sur l’importance de telles initiatives.  

Et puisque l’idée, c’est aussi d’inspirer l’ensemble des professionnel·les de santé (mais aussi d’autres secteurs) : il n’y a pas besoin d’avoir une salle dédiée pour mettre en place ce genre d’espace. Les cabanes et les tentes se prêtent aussi très bien à la création d’un espace de relaxation et d’autorégulation. Ces solutions ont l’avantage d’être adaptables et mobiles. Elles permettent de proposer un coin refuge qui peut procurer une sensation de protection, même dans un petit espace. 

Grâce à la mise en place de salle d’attente sensorielle, on favorise l’autorégulation, mais on favorise aussi la participation active d’une personne à son parcours de soin et à sa santé. On créait un cadre calme et sécurisant, avec une ambiance relaxante, sûre et enveloppante. 

>> Pour lire l’étude de cas précédenteLe multi-accueil Messier de Montrouge

Coordinatrice communication omnicanale chez Hop'Toys.

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