En 2016, Caroline Boudet nous avait partagé son quotidien avec Louise, sa fille de 15 mois avec trisomie 21. À cette occasion, elle nous avait parlé de son livre, La vie réserve des surprises, qui raconte son histoire et celle de sa fille. Aujourd’hui, Caroline est de retour sur notre blog et nous donne des nouvelles de sa famille, pour notre plus grande joie !
Comment va Louise aujourd’hui ? Qu’aime-t-elle faire ?
Louise a 7 ans depuis janvier. Elle va très bien ! Elle grandit beaucoup… à son rythme. Elle est pour la deuxième année en grande section de maternelle, avec une AESH (accompagnant des élèves en situation de handicap) une partie de la semaine. C’est une enfant très joyeuse. Rien ne la rend plus heureuse que danser, que ce soit à la maison, où elle reproduit à sa manière des chorégraphies d’enfants qu’elle regarde sur YouTube, à l’école ou à son cours d’initiation à la danse qu’elle suit depuis deux ans.
>> À lire : Interview de « la maman de Louise »
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De quoi est-elle la plus fière ? Et vous, en tant que maman ?
Ces derniers temps, Louise explore beaucoup ses capacités de motricité et elle est très fière de grimper, même (surtout) là où il ne faut pas, sur les tables, les chaises, les échelles… Ce qui me rend fière, c’est de voir ses petits camarades l’accueillir chaque jour avec joie dans sa classe. Mais aussi et surtout quand elle se lance dans des progrès qu’on n’attendait plus, comme récemment commencer à manger des morceaux toute seule ou boire des jus de fruits ! Des petites choses en apparence, mais des événements pour nous ses parents.
Comment cela se passe à l’école ? Qu’aimerait-elle faire plus tard ? Et vous, à quoi aspirez-vous pour Louise ?
Louise est en grande section, pour la deuxième année. Nous avons demandé un maintien pour lui donner le temps de continuer à acquérir des savoirs plus scolaires. Louise a un grand sourire chaque matin quand on arrive à l’école. Elle adore être en compagnie des autres enfants et faire certaines activités comme les parcours de motricité (beaucoup moins les choses plus scolaires, qui lui demandent une concentration et de la motricité fine…).
Louise n’est pas encore verbale, je ne sais pas ce qu’elle aimerait faire plus tard mais je crois que je peux dire sans me tromper : danseuse ! C’est vraiment ce qui la met en joie et elle a un sens naturel de la musique et du rythme. Quant à moi, j’aspire à une seule chose : qu’elle puisse faire ce qu’elle a envie de faire et qu’elle soit libre de faire ses choix. Peu importe l’activité, tant que cela la rend heureuse et fière et qu’elle l’aura choisie.
En tant que maman, que faut-il mettre en place pour que l’école soit plus inclusive ?
Ce n’est pas très original, mais, pour moi, l’école manque de moyens pour être véritablement inclusive… et de volonté, un peu aussi. L’inclusion demanderait une petite révolution au sein de l’école : personnaliser les enseignements pour les adapter à chaque enfant, des classes à effectif beaucoup plus réduits qui profiteraient d’ailleurs à tout le monde, arrêter de penser en fonction des niveaux de connaissances qu’on doit avoir atteint à un certain âge… Basiquement, il faudrait déjà que les AESH aient une vraie reconnaissance de leur métier et de leur savoir-faire. Cela passerait par un statut stable, un meilleur salaire. Et pourquoi pas, surtout, s’inspirer de l’exemple italien où, dans chaque classe qui accueille un enfant avec handicap, un enseignant spécialisé exerce en plus de l’enseignant « ordinaire ». Tout cela demande de changer énormément. Je crois malheureusement qu’on manque de volonté pour le faire.
Vous avez écrit de nouveaux livres, pouvez-vous nous en parler ?
Après le premier livre sur les premiers mois de Louise, j’ai eu envie de passer à autre chose et je me suis fait plaisir en écrivant un roman (Juste un peu de temps) qui parle de la maternité, des difficultés de rester une femme tout en essayant de coller à nos exigences de mère… Je pensais ne plus écrire de récit autour de Louise ou de notre vie de famille, je me disais que je n’avais rien de spécial à raconter. Puis est arrivé le cap de l’inscription à l’école et des premiers mois, des demandes d’AESH, des lourdeurs administratives… Ce parcours que j’ai découvert m’a beaucoup choquée et je me suis dit « Quand on ne le vit pas on est loin d’imaginer ce que c’est, ce n’est pas possible, il faut que j’en parle ». C’est ainsi que j’ai décidé d’en faire un nouveau récit, L’Effet Louise.
Vous êtes très active sur les réseaux sociaux, que partagez-vous avec votre communauté ?
Pour nous (car mon mari Rémy s’implique aussi énormément, voire plus que moi dans les réseaux sociaux), les réseaux sociaux sont un moyen de partager notre quotidien pour démystifier un peu ce que c’est de vivre avec un enfant porteur de handicap. Nous n’essayons pas d’embellir les choses ni au contraire de faire pleurer dans les chaumières. Nous partageons nos joies et nos peines, petites et grandes, nos coups de gueule.
Surtout, les réponses et commentaires nous aident aussi à nous sentir moins seuls à vivre ce que nous vivons. C’est un vrai « échange » d’énergie ! Il se trouve que nos publications en donnent aux autres, qui, en retour, nous en donnent par leurs commentaires et leurs likes. Concernant l’inclusion, c’est dur à lire car la plupart des parents font le même constat que nous : il y a un fossé entre la théorie et la réalité. L’expression d’un « parcours du combattant » revient bien souvent. Mais il est bon aussi de lire les retours de certains parents d’enfants plus grands qui racontent leur parcours et de très belles histoires. Ça donne du courage.
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Quels sont vos projets pour les prochaines années ?
Je viens de terminer un manuscrit de roman qui n’a rien à voir avec mes précédents livres ! Mais je ne sais pas encore s’il sera publié, je suis en train de démarcher les éditeurs. Il s’agit d’une histoire fantastique, teintée d’horreur, autour de la maternité. Je me suis fait plaisir car c’est un genre que j’aime beaucoup en littérature. Professionnellement, je continue de travailler en tant que journaliste indépendante et en communication éditoriale, même si ce n’est pas toujours évident (avis aux entreprises, je recherche de nouvelles collaborations !). Nous sommes installés depuis presque trois ans maintenant près de Nantes, nous avons changé de vie, alors, mes projets dans l’immédiat, c’est d’en profiter !
Qu’est ce qui selon vous pourrait améliorer significativement la vie et l’inclusion de votre enfant et des personnes en situation de handicap ?
Je crois sincèrement que plus les enfants seront à l’école avec d’autres enfants en situation de handicap, plus l’inclusion sociale deviendra possible. Car les barrières de la peur et des préjugés tomberont. J’essaie de voir le bon côté en me disant que les choses avancent, même si c’est difficile car, en France, on n’est pas franchement en avance sur l’accessibilité à l’emploi, aux loisirs, aux services publics…
Je rêve que tout le monde comprenne que l’accessibilité universelle ne profite pas qu’aux personnes en situation de handicap mais à tout le monde. Prenez l’exemple des hypermarchés qui se mettent à proposer des « horaires calmes » pour les personnes avec TSA ; en fait c’est beaucoup plus agréable aussi pour les neurotypiques. Quant aux rampes, ascenseurs, audiodescription, c’est bien utile aussi pour les personnes qui vieillissent. J’aimerais, plus globalement, qu’on arrive tous à considérer la personne avant son handicap, quel qu’il soit. Et ça, c’est encore très compliqué. On aime bien penser dans des cases…
Êtes-vous confrontée à des idées reçues sur la trisomie 21 ? Lesquelles ?
Celle qui revient le plus souvent c’est « ils sont toujours joyeux ». Alors que c’est faux ! Louise ronchonne, fait des colères, boude comme n’importe qui. Certes, les personne avec T21 ont souvent une plus grande sensibilité aux émotions des autres et aux « bonnes ondes », on va dire. Mais cela ne veut pas dire qu’ils sont heureux quoi qu’il arrive. Il faut donc faire attention.
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Y-a-t-il des initiatives qui vous ont inspirée dernièrement ?
Plein ! Je pourrais citer, dans le domaine de l’image, la campagne d’une marque sportive (Adidas ou Nike) dont l’une des personnes mises en scène était une sportive avec T21. Bien sûr aussi, je suis impressionnée depuis le début par le restaurant Le Reflet, sa philosophie et le succès que cela rencontre juste parce que c’est un restaurant délicieux et pas par charité. Je suis très rassurée aussi de voir se multiplier les colocations ou habitats inclusifs, cela me permet d’imaginer autrement l’avenir de Louise. Enfin, à une échelle plus personnelle, je reçois de plus en plus souvent des messages d’amis qui me disent « Tiens, j’ai été servie par une super jeune femme avec T21 dans une sandwicherie » ou « Dans cet hôtel, il y avait un membre du personnel avec trisomie qui travaillait très bien ». Ça fait du bien !
Le mot de la fin…
Souvent, les lectrices et lecteurs de mes livres me disent qu’ils ont « hâte » de lire la suite des « aventures » de Louise. Je ne sais pas si je le ferais. À vrai dire, si on vivait dans un monde idéal, je n’aurais peut-être rien à raconter de spécial et pas besoin d’écrire un livre ! Mais on en est loin. En tout cas, à chaque fois qu’on me dit qu’un de mes livres a changé la façon de voir les personnes avec trisomie, leur famille, ou bien plus largement la question de l’inclusion, je suis comblée. Je me dis que tout cela sert à quelque chose, même s’il s’agit de changer les mentalités une à la fois !
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