Morgane, alias @Aliceenulis sur Instagram, est enseignante spécialisée en dispositif Ulis. Elle travaille au sein d’une équipe qui donne tout son sens et toute sa place à l’école inclusive. Dans cet article, elle nous parle du dispositif Ulis et de comment cela contribue au vivre ensemble.
L’ULIS, un dispositif et non une classe !
Depuis 2015, les CLIS (classes localisées pour l’inclusion scolaire) ont laissé leur place aux ULIS-école (unités localisées pour l’inclusion scolaire). L’objectif ? Homogénéiser les parcours entre l’élémentaire et le secondaire en rejoignant, au niveau de la nomenclature, leurs grands frères, les ULIS-collège. Si, sur la forme, l’évolution peut paraître anecdotique, sur le fond, il s’agit d’un véritable changement de philosophie. L’ULIS n’est alors plus une classe, mais bien un dispositif (et j’insiste sur ce terme) qui aura vocation à s’effacer dès lors que l’élève n’en aura plus besoin.
Comment fonctionne le dispositif ULIS ?
Si chaque dispositif ULIS-école a un fonctionnement différent, certains aspects, encadrés par une circulaire datant d’août 2015, sont invariants. Dans les faits, cela se manifeste par une inscription de chaque élève dans sa classe de référence. Une classe correspondant à son âge ou classe directement inférieure à sa classe d’âge si l’élève a déjà bénéficié d’un maintien dans les années précédentes. Des scolarisations en classes n-2 sont possibles, mais dans des cas bien précis et différents selon les académies.
Ces considérations peuvent paraître très techniques et bien éloignées de vos préoccupations si vous êtes parents d’un enfant scolarisé ou bien affecté en dispositif ULIS. Soyons donc plus concrets ! Grâce au dispositif, votre enfant sera préférentiellement élève de sa classe avant d’être élève du dispositif. Autrement dit, il pourra bénéficier et prendre part à tous les projets de sa classe. Ces projets auront priorité sur les activités proposées dans le dispositif dans la mesure où ils seront en adéquation avec les besoins de votre enfant.
Si l’on veut pousser le raisonnement à l’extrême, le terme « inclusion » ne renvoie alors plus aux temps passés en classe de référence. L’inclusion se fait dans le dispositif ULIS. L’élève est inclus en lecture, en mathématiques ou en sciences dans le dispositif alors qu’il reste dans sa classe dans les autres matières.
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Qui enseigne en dispositif ULIS ?
Chaque dispositif est piloté par un enseignant qui se voit alors nommé « coordonnateur/trice ULIS ». Ce nom fait sens car il devra coordonner (ou jongler si vous préférez) entre :
- Les temps d’enseignements
- Les temps en classe de référence
- Le rôle de personne ressource pour aider les collègues à inclure au mieux les élèves en situation de handicap dans leur classe
- Les emplois du temps de chacun. Notamment avec les prises en charge extérieures ou les interventions des professionnels sur le temps scolaire
- Les co-interventions en classe ordinaire
Et comme un bon pilote n’œuvre jamais seul, le « coordo » est donc accompagné d’un AESHco (accompagnant d’élèves en situation de handicap collectif). L’AESHco intervient dans le dispositif ULIS. Mais il peut aussi accompagner un élève ou un groupe d’élèves dans sa classe de référence. Son travail est indispensable au bon fonctionnement des dispositifs et à la réussite de l’inclusion scolaire au sens large. Ces trois phrases sont un bien modeste hommage à leur travail déjà si peu reconnu et valorisé, mais tellement indispensable.
Les coordonnateurs sont préférentiellement des enseignants spécialisés, titulaires du CAPA-SH ou du CAPPEI. À défaut d’enseignants spécialisés, chaque enseignant titulaire peut postuler sur un poste de coordonnateur. Il sera alors nommé pour un an.
Qui sont les élèves accompagnés ?
Pour bénéficier de temps en dispositif ULIS-école, un élève doit être reconnu en situation de handicap par la MDPH (maison départementale pour les personnes handicapées).
« Pourquoi une demande MDPH ? Mon enfant n’est pas handicapé ! » Comment en vouloir à ces parents qui découvrent la lourdeur du système (et ce n’est qu’un début !) ! Parfois, entre collègues, nous imaginons un système où les adaptations scolaires ne dépendraient plus de la MDPH mais d’une structure sans ce « H » si choquant pour les familles, mais c’est un autre sujet (et « on s’quitte en y croyant, c’est vous dire si on rêve… »). Revenons à nos moutons !
Lorsque les difficultés persistantes d’un élève sont constatées, l’équipe éducative, composée des enseignants, mais aussi du psychologue, du médecin scolaire, des professionnels médico-sociaux qui accompagnent éventuellement l’élève, et bien sûr de la famille, se réunit pour trouver des solutions. Lors de cette réunion, la constitution d’un dossier MDPH en vue d’une prise en charge dans un dispositif ULIS-école peut être évoquée. Voici schématiquement la chronologie des événements qui mènent à une notification d’orientation en ULIS.
Les élèves accompagnés ont des profils très divers. En effet, il existe plusieurs types d’ULIS :
- Les ULIS TFC (troubles des fonctions cognitives), les plus nombreux
- Les ULIS TSLA (troubles spécifiques du langage et des apprentissages)
- Les ULIS TED (troubles envahissants du développement) parfois appelés ULIS TSA (troubles du spectre autistique)
- Les ULIS TFA (troubles des fonctions auditives)
- Les ULIS TFV (troubles des fonctions visuelles)
Bon à savoir : En raison du nombre très limité de places dans les différents dispositifs, le temps d’attente pour une affectation est parfois long. En fonction des départements, il peut s’écouler 4, 6 voire 9 mois entre l’envoi du dossier complet à la MDPH et la réception de la notification, auxquels s’ajoutent parfois de longs mois d’attente pour obtenir une affectation. A titre d’exemple, pour un dossier constitué pendant l’année de CP, il n’est pas rare de n’obtenir une prise en charge en dispositif ULIS qu’à la rentrée de CE2.
>> À lire aussi : « Inclusion : quels bénéfices pour les autres ? »
Quels aménagements avez-vous fait au sein de votre classe ?
Par où commencer ? Déjà par un principe de base : les aménagements sont décidés en fonction des élèves. Si les élèves bénéficient d’un accompagnement en dispositif ULIS, c’est bien parce qu’ils ont des besoins particuliers. Il serait donc totalement contradictoire de mettre en place des aménagements et de demander aux élèves de s’y adapter !
L’espace
Chaque année, voire plusieurs fois par an, l’aménagement spatial de la salle du dispositif est repensé pour répondre aux besoins de tous les élèves. Bien sûr, cet aménagement dépend beaucoup du matériel présent dans l’école et les dispositifs ULIS sont très inégalitaires sur ce point. Certaines municipalités sont très investies dans la scolarisation des élèves en situation de handicap et octroient un budget spécifique aux coordonnateurs pour équiper leur salle et acquérir du matériel spécialisé. Autre point important qui explique les différences : la stabilité des équipes. Rappelons que les enseignants coordonnateurs ULIS doivent réussir le CAPPEI pour être titulaires de leur poste en ULIS. À défaut de l’obtention de ce précieux sésame, un coordonnateur peut alors perdre son poste à la fin de l’année. Les dispositifs les plus équipés sont bien souvent ceux dont le « coordo » est là depuis plusieurs années et qui a donc accumulé du matériel au fil des ans.
Mon astuce pour les « coordo » ? Être conscient que Rome ne s’est pas faite en un jour et accepter de ne pas tout avoir tout de suite. S’équiper autour d’un besoin, chaque année, est une stratégie qui peut s’avérer payante. Vous accueillez à la rentrée plusieurs élèves avec d’importants besoins de mouvement ? Pourquoi ne pas utiliser votre budget pour acheter les assises flexibles de type coussins gonflables ou tabourets oscillants ?
Mon astuce pour les parents ? Prendre contact avec le dispositif de votre secteur le plus tôt possible :
- Avant d’envoyer la demande si vous voulez des informations précises sur le fonctionnement du dispositif (car comme évoqué au début de cet article, chaque dispositif a un fonctionnement différent)
- Avant la rentrée scolaire pour évoquer les besoins de votre enfant avec l’enseignant. Ce dernier sera sûrement ravi d’avoir des informations des personnes qui connaissent le mieux son futur élève, notamment pour préparer sa commande de matériel.
Quelques exemples d’aménagements au fil du temps…
L’aménagement de l’espace a plusieurs objectifs :
- Favoriser les apprentissages en répondant aux besoins des élèves : mouvement, calme, stimulations sensorielles, …
- Favoriser l’autonomie des élèves : accessibilité du matériel, variété du matériel
Septembre 2018Septembre 2020
Septembre 2021
Ci-dessous quelques exemples d’aménagements pour rendre le matériel accessible. L’étagère de droite contient le matériel de manipulation pour les mathématiques. Les élèves sont libres d’aller chercher le matériel qu’ils souhaitent.
Table lumineuse : Cette table lumineuse ultrafine s’illumine de manière homogène avec un éclairage variable selon l’intensité voulue. Elle s’utilise pour créer des situations d’apprentissage privilégiant l’expérimentation et la découverte sensorielle en accentuant les contrastes des objets posés dessus. Bouton tactile pour régler l’intensité.
>> À découvrir aussi : « La table lumineuse : des idées d’activités ludiques ».
Les autres aménagements
La salle du dispositif n’est pas le seul espace dont l’aménagement doit être pensé pour répondre aux besoins des élèves. Tous les espaces de vie et de travail doivent être adaptés : la classe de référence (c’est donc un avantage si les adaptations sont facilement transportables), les salles spécialisées (salle d’art, salle de motricité ou gymnase, salle d’eau, …). Accueillir un dispositif ULIS dans son école nécessite de penser, en équipe, l’aménagement de l’école !
Le temps
En ULIS, on a des supers pouvoirs : on ne peut pas allonger les journées mais on peut prendre notre temps ! Si les « coordo » se réfèrent aux mêmes programmes que leurs collègues en classe ordinaire, ils n’ont pas la pression des « attendus de fin de cycle ».
Notre objectif ? Amener les élèves aussi loin que possible pendant les années où ils bénéficieront du dispositif.
Quels bénéfices/bienfaits observés chez vos élèves ?
Progrès scolaires en fonction des objectifs établis pour chaque élève
Bien sûr, le principal objectif du dispositif ULIS est d’aider les élèves à développer leurs compétences scolaires. Devant cette lapalissade, il convient alors d’apporter quelques précisions sur l’organisation des apprentissages dans le dispositif.
Malheureusement (ou plutôt heureusement), les « coordo » ne disposent pas de « livres de recettes clé en main » avec la liste des compétences à atteindre en fonction du profil de l’élève. Les objectifs poursuivis dans le dispositif sont établis en fonction de nos observations/évaluations et donc définis au plus près des besoins de chacun. Ces objectifs seront ensuite inscrits noir sur blanc dans le PPC (projet pédagogique complémentaire, ou PPI selon les académies). Le PPC est rédigé chaque année et sert à l’enseignant pour programmer les apprentissages. C’est un guide en perpétuelle évolution : les objectifs pourront être revus à la baisse ou à la hausse en fonction des progrès.
En bref, le dispositif ULIS, c’est plus de temps, plus d’aménagements, plus d’adaptations pour… plus de progrès et plus de temps en classe de référence !
Meilleure estime de soi et confiance en soi des élèves
Mais les progrès scolaires ne sont pas les seuls bénéfices de l’ULIS. L’estime de soi et la confiance en soi sont donc des aspects non-négligeables du développement de l’enfant. Force est de constater que les difficultés rencontrées dans l’ordinaire sont souvent source d’un profond mal-être pour les élèves, et ce, malgré tous les efforts déployés par les enseignants de classe ordinaire. Loin d’être anecdotique, ce mal-être est un indicateur qu’il ne faut pas prendre à la légère : comment apprendre quand on ne se sent pas en confiance ? Le travail du « coordo » sera alors de transformer le cercle vicieux « difficultés scolaires- mésestime de soi » en un cercle vertueux « confiance/estime de soi – progrès scolaires ».
>> À lire aussi : » Construire la confiance et l’estime de soi à tout âge ».
Quelques témoignages de familles
Les témoignages de familles sont nombreux et sans appel. En voici quelques extraits (Vous pouvez les retrouver en totalité sur le blog Alice en ULIS)
Ma fille est en ULIS-collège depuis l’année dernière. Je ne voulais pas l’y mettre de peur des préjugés mais depuis, je ne la reconnais plus. Elle a évolué. Elle est aussi en inclusion dans certaines matières. Jamais elle n’a eu des encouragements comme elle en a en ULIS. Les profs sont tops. Ils s’adaptent aux élèves et surtout, ils sont 14 avec une AESH. Maman de T. en 4ème ULIS-collège
Vanessa, maman de 4 enfants à besoins particuliers témoigne également :
Je dirais aux familles qu’il ne faut pas attendre. Si l’école vous annonce que votre enfant a des besoins particuliers, alors il faut le faire [demander une orientation ULIS], pour leur bien.
Isabelle, maman de Mia :
L’acceptation de l’orientation n’a pas été difficile pour moi, mais très difficile pour son papa. Du coup, ça a donné lieu à de grandes discussions avant l’ESS. Je voulais demander une orientation en ULIS pour le CP, lui voulait qu’elle fasse un CP ordinaire. Moi, je savais que ça serait compliqué en milieu ordinaire puisque l’enseignante serait non spécialisée, lui était persuadée que Mia allait révéler toutes ses compétences. Il voyait l’ULIS comme un IME, je pense, pour lui, elle n’avait pas sa place en ULIS parmi des « handicapés ». Le compromis a été de demander l’ULIS quand même, vu que de toutes façons il n’y avait pas de place, de fait elle irait en CP ordinaire et se retrouverait sur liste d’attente pour l’ULIS.
Je ne regrette absolument pas l’orientation en ULIS et le papa non plus d’ailleurs ! Ce que je regrette, c’est clairement de ne pas avoir eu de place plus tôt ! Le CP en ordinaire a été un cauchemar. Rien n’était adapté et Mia a développé de gros troubles du comportement puisqu’elle était en échec et se sentait rejetée. Les dégâts de cette année en milieu ordinaire, on les paye encore.
L’orientation en ULIS a tout changé pour Mia. Elle réclame ses deux maîtresses tous les jours, même le mercredi et le week-end. Mia court pour aller à l’école, elle progresse au niveau scolaire, mais aussi dans tous les autres domaines : attention, comportement, coopération, langage… Elle est tellement soutenue et encouragée qu’elle se sent en réussite et s’épanouit. Elle va vers ses camarades (ce qui n’était jamais arrivé jusqu’à cette année), réclame les « copains », elle participe aux temps de regroupement. Aussi, Mia veut nous montrer tout ce qu’elle apprend (dessins, écriture, chants…). En fait, toutes ses compétences émergent parce qu’elle est accompagnée correctement, les enseignements sont adaptés et elle est acceptée dans sa différence.
Bref, l’ULIS c’est juste le paradis pour Mia.
Mais tout n’est pas rose non plus et loin de moi l’idée de faire de l’angélisme. L’inclusion est un parcours long et bien trop souvent semé d’embûches.
Du mal à l’accepter [l’orientation ULIS] au début, mais j’ai beaucoup relativisé, car je ne voulais pas d’IME. Des bénéfices ? Ça dépend des ULIS. Il a fallu que je change dès que ça n’allait pas. Aux parents qui hésitent ? Ça dépend de leurs enfants, mais il faut encourager les inclusions au maximum. Par exemple, pendant 2 ans, mon fils a été dans une ULIS où il y a eu zéro intégration, où on l’a rabaissé et où il était en échec scolaire total. Après un changement d’école, il s’est retrouvé dans une école qui favorisait les inclusions (1h en ULIS par semaine). Il est alors passé d’un niveau GS à un niveau CE1 en à peine un an. Il adorait l’école et a repris confiance en lui. En 6ème-ULIS, mon fils était premier de sa classe. Malgré une mauvaise expérience après un déménagement, et un nouveau changement de collège, mon fils a retrouvé le bonheur d’aller au collège, il a même, malgré son handicap moteur, découvert l’escalade. Maintenant, on nous parle d’ULIS-lycée pro et peut-être d’un bac pro. Pour un enfant qui devait aller en IME, c’est un vrai miracle. Maman de E., en ULIS-collège après avoir bénéficié d’un dispositif ULIS-école.
J’espère que cet article a répondu aux questions que vous vous posiez sur les dispositifs ULIS. Parents, j’espère que le dispositif ULIS ne vous effraie plus. Collègues, enseignants ou AESH, et futurs collègues, j’espère vous avoir donné envie de découvrir nos dispositifs, si peu mis en valeur en formation initiale, de vous former à la prise en charge des élèves différents et de faire un bout de chemin auprès de ces élèves extraordinaires.
Si la blogosphère me connaît sous le nom d’Alice, je suis « maîtresse Morgane » pour mes élèves. Que dire de plus ? J’ai 34 ans (même si mes élèves m’en donnent régulièrement 80) et suis maman de 3 enfants. Je me suis reconvertie dans l’enseignement il y a six ans alors que je finissais mon doctorat en Sciences de la vie et de la santé.
Ce parcours universitaire atypique est sûrement à l’origine de mon intérêt pour les neurosciences, les pédagogies alternatives et mon choix de m’orienter vers l’enseignement spécialisé. Titulaire depuis juin 2019 du CAPPEI, le Saint-Graal des enseignants spécialisés, je viens de faire ma cinquième rentrée dans ce que j’appelle affectueusement « mon » ULIS, au sein d’une équipe qui donne tout son sens et toute sa place à l’école inclusive.
Depuis 5 ans, je partage mon quotidien de PE en ULIS et mes créations d’ateliers sur mon blog Alice en ULIS ainsi que sur les pages associées sur les réseaux sociaux.
Vous trouverez plus d’informations sur son site web : www.aliceenulis.eklablog.com.
Son Instagram : @aliceenulis / Sa page Facebook : Alice en ULIS
Super article qui montre bien la réalité et notre quotidien de coordonnateur de dispositif. Petit détail, il existe aussi l’Ulis TFM (troubles des fonctions motrices et maladies invalidantes) dont je suis coordonnateur (il en existe 2 en Moselle).
En espérant que cet article soit diffusé au maximum pour que l’on ai plus à entendre « classe ulis »