Le Jeu des Trois Figures – également nommé J3F – est une activité théâtrale créée par Serge Tisseron en 2005. Il s’agit d’une recherche-action recommandée par l’Académie des sciences et la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO). Le but ? Développer l’empathie et prévenir la violence en permettant aux enfants d’incarner trois personnages : l’agresseur, la victime, et le tiers. Découvrez dans cet article tout ce que vous devez savoir sur le J3F.
Serge Tisseron est psychiatre et psychanalyste. Entre 2007 et 2008, il a réalisé une étude quant à l’efficacité du Jeu des Trois Figures en maternelle comme prévention de la violence. Cette étude a permis la mise en place de formations du Jeu des Trois Figures, à destination des enseignants de maternelle. L’activité est désormais présentée en élémentaire, mais également dans les collèges et hôpitaux de jour.
Jeu des Trois Figures : le principe
Le J3F amène les enfants à s’imaginer dans les trois postures qui constituent une situation d’agressivité et/ou de harcèlement. C’est une activité théâtrale permettant aux enfants de vivre et partager des expériences communes. Ils incarnent successivement trois personnages différents : l’agresseur, la victime et le témoin/le tiers.
Dans un premier temps, les élèves construisent ensemble une histoire à partir d’images vues sur les écrans. Ensuite, par groupe de trois, ils la jouent devant tout le monde, à la manière d’une pièce de théâtre. L’enseignant n’intervient généralement pas et laisse les enfants exprimer leur créativité autant que possible ; il participe seulement pour guider ses élèves et veiller au bon déroulement de la séance.
Le Jeu des Trois Figures favorise grandement la construction narrative, l’engagement corporel et la capacité à faire semblant. Par ailleurs, le jeu invite les enfants à prendre du recul vis-à-vis des images, mais leur permet aussi de comprendre qu’ils peuvent faire appel à un adulte pour résoudre des conflits. Surtout, le jeu rend présentes les sensations et les émotions par le biais du jeu théâtral, développe l’empathie des enfants entre eux – et avec eux-mêmes – et mène brillamment à la réduction des violences scolaires. Par ailleurs, le Jeu des Trois Figures a également pour but de développer une réflexion critique, mais aussi de lutter contre les effets délétères de la surconsommation d’écrans.
Selon Serge Tisseron, le Jeu des Trois Figures doit être exercé au plus tôt.
« Entre la naissance et cinq ans, ce sont tous les fondamentaux intellectuels et émotionnels de la personne en devenir qui se mettent en place. Le cerveau triple de taille et son réseautage est en expansion exponentielle. C’est aussi pendant cette période charnière que le futur adulte prend ses habitudes et fixe nombre de comportements et de préférences. »
Les règles du J3F
Tout d’abord, et avant que l’exercice ne commence, l’enseignant doit regrouper sa classe pour expliquer/rappeler le Jeu des Trois Figures et fixer les règles. Il est important d’effectuer ce rappel à chaque séance. La règle principale, c’est de jouer comme au théâtre : on fait semblant et on prend conscience que tout ça n’est qu’une mise en scène.
On fait comme au théâtre, c’est-à-dire qu’on fait semblant de se frapper, de s’embrasser ou de se battre. On évite de se toucher et on ne se fait pas mal. Si on est un garçon, on a le droit de jouer une fille ; si on est une fille, on a le droit de jouer un garçon.
Dans un second temps, on interroge les enfants quant aux images audiovisuelles qui les ont marqués dernièrement. Il est important que les situations jouées excluent toute allusion à la vie familiale de l’enfant. Ils peuvent bien évidemment partir de situations vécues, mais par « procuration », via les situations visuelles. Les charges émotionnelles et sensorielles sont semblables à la vraie vie, mais bénéficient de la protection de l’écran. Ensemble, les enfants peuvent alors construire une histoire à partir d’expériences d’images partagées.
Pour inventer l’histoire à jouer, l’enseignant peut guider ses élèves avec la traditionnelle suite de questions : « Où ? Quand ? Comment ? Pourquoi ? » Il doit absolument éviter d’influencer le choix du thème et des actions. Il doit néanmoins s’assurer que l’histoire ne soit pas trop longue et qu’elle soit cohérente.
Par la suite, il faut inventer et mettre en place des actions précises et des dialogues. Il est nécessaire qu’aucun rôle ne soit muet. En effet, dans ce jeu de rôle, les enfants doivent expérimenter l’oralité de la violence – pour pouvoir la connaître et la reconnaître.
Une fois l’histoire construite, l’enseignant doit demander quels enfants sont volontaires pour jouer, mais il ne devra, en aucun cas, inviter ou forcer l’un d’eux. La volonté doit venir d’eux-mêmes.
« Ne jamais inviter personnellement aucun enfant à jouer » et « Ne jamais inviter personnellement aucun enfant à parler de ce qu’il a ressenti en jouant » constituent d’ailleurs deux consignes fondamentales du Jeu des Trois Figures.
Les volontaires devront cependant obligatoirement incarner chacun des trois rôles. Avant de commencer, chaque joueur doit énoncer son rôle à voix-haute et, ce, à chaque changement de rôle.
Lorsqu’on les oblige à jouer successivement tous les rôles, c’est finalement un peu comme si on leur disait : « Allons, c’est possible d’imaginer qu’on puisse être agressé, humilié, ou contraint à faire ce qu’on n’a pas envie de faire. C’est possible de l’imaginer, on n’en meurt pas ! ».
Dès lors, le jeu peut commencer. L’enseignant peut aider les enfants à s’investir et les guider dans leur interprétation du rôle. Les enfants doivent jouer avec leur corps, avec leurs expressions, avec leurs intonations.
Une fois la scène entièrement jouée, l’enseignant doit alors offrir un instant de gratification aux enfants. Il les félicite et invite les élèves spectateurs à applaudir leurs camarades, mais également les élèves acteurs à s’applaudir eux-mêmes.
Les bienfaits du Jeu des Trois Figures
Le langage et la socialisation sont les deux premières notions exploitées dans le cadre du J3F. En effet, l’enfant pratique le langage et est amené à utiliser la parole publiquement – comme outil d’expression avec les autres enfants, mais aussi comme outil de jeu. La socialisation est évidente, puisque les enfants sont amenés à communiquer et à jouer ensemble.
Agir et s’exprimer, que ce soit en temps d’explications et de créations d’histoires qu’en temps de jeu pur, est l’un des autres apprentissages favorisés par le Jeu des Trois Figures. Et cela permet alors de développer l’imagination et la notion de « bien vivre ensemble », deux choses que tout enfant doit développer au cours de ses années à l’école.
Au-delà d’apports scolaires, le J3F mène à l’apprentissage de la gestion des émotions et de compétences relationnelles. Il permet ensuite aux enfants de savoir distinguer ce qui est vrai et ce qui est faux. Tout cela est alors essentiel à leur construction identitaire.
L’enfant est invité à imaginer une situation – c’est la symbolisation imagée – à la jouer – c’est la symbolisation sensorimotrice – et à parler les situations – c’est la symbolisation verbale. Et pour réaliser ce triple objectif, il doit mobiliser à la fois des éléments cognitifs, relationnels et affectifs.
Développer l’empathie, l’objectif premier du J3F
Aussi et surtout, le Jeu des Trois Figures permet de développer l’empathie de l’enfant. Par ailleurs, l’empathie est un sujet que Sergie Tisseron évoque bien souvent. Il a mené à sa représentation sous la forme d’un bateau comportant trois niveaux. Ces trois niveaux permettent de décrire les différentes composantes de l’empathie.
L’empathie directe : la coque du bateau
Spontanément, l’humain a la capacité de développer les trois formes d’empathies directes : l’empathie affective, l’empathie cognitive et l’empathie mature. Respectivement, ces formes d’empathie sont la reconnaissance de l’émotion de l’autre, la compréhension que l’autre est différent de soi, de se mettre à la place de l’autre et de changer sa perspective émotionnelle. L’empathie directe comporte également l’auto-empathie, à savoir l’identification de ses propres émotions et leur acceptation. L’auto-empathie, c’est avoir de l’empathie affective, cognitive et mature envers soi-même.
L’empathie réciproque : le pont et les cabines des passagers
L’empathie réciproque est la capacité à développer le sens moral. Elle permet à l’être humain de reconnaître à une autre personne ce qu’il reconnaît pour lui-même que ce soit dans le domaine de l’estime de soi, dans le droit d’aimer et d’être aimé et au sujet des droits citoyens.
L’empathie intersubjective : la cheminée
Quand la fumée fume, le bateau avance. L’empathie intersubjective, c’est la capacité à accepter qu’une autre personne puisse nous découvrir et, ainsi, nous éclairer sur nous-même. C’est la capacité à se dévoiler à autrui, à accepter que les autres puissent voir en nous des choses que nous ignorons nous-mêmes.
>> À lire : 10 jeux pour développer l’empathie
En savoir plus sur le J3F
Pour en savoir plus sur le Jeu des Trois Figures, vous pouvez visionner cette vidéo présentant le sujet.
Le Jeu des Trois Figures permet de développer l’imaginaire, la créativité et de nombreuses capacités cognitives et sociales. En développant l’empathie des élèves, cette activité est une lutte préventive très efficace contre le harcèlement scolaire.
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Sources :
Le Jeu des Trois Figures en classes maternelles, Serge Tisseron, 2011
Article publié le 05 juillet 2019, mis à jour le 10 mars 2021.