Nous avions rencontré Marie-Laetitia de Pennart, une ergothérapeute qui exerce chez Ergosevrier (actuel Le Tremplin), un cabinet qui accompagne l’enfant dans son développement et dans le dépassement de ses difficultés avec deux outils : l’intégration neurosensorielle et l’intégration des réflexes primordiaux. Elle nous parle ici de son expérience et de la pratique de l’INS.
Pour quelle raison avez-vous décidé de vous former en intégration neurosensorielle (INS) ?
J’avais choisi d’effectuer mon mémoire de fin d’études sur le développement des interactions sociales chez les enfants atteints d’autisme et je suis allée observer différentes ergothérapeutes sur le terrain. J’ai été très marquée notamment par une journée d’observation auprès de Noellie Kowaloryk, une ergothérapeute qui travaille auprès d’enfants porteurs de troubles du spectre autistique à la Fondation Ensemble en Suisse.
Les séances avec les enfants étaient très ludiques et elle avait développé une très belle relation thérapeutique avec chacun, même avec ceux que leur handicap isolait le plus. Parce qu’elle comprenait mieux que les autres thérapeutes ce que les enfants vivaient au plan sensoriel, elle obtenait avec eux des résultats incomparables ! En plus des séances individuelles, elle intervenait pour faciliter différents moments compliqués de la journée (les repas notamment), les autres thérapeutes lui demandaient souvent des conseils… elle était devenue la pièce maîtresse de la structure !
Une autre visite dans un cabinet libéral en Suisse m’a permis de comprendre à quel point ce sujet de l’intégration sensorielle est en fait incontournable si l’on s’intéresse au développement sensori-moteur des enfants. C’est donc tout de suite après ma sortie d’école que j’ai décidé de me former, auprès de Steven Degriek au Centre de Communication Concrete à Gand en Belgique, puis auprès d’Isabelle Babington à la Maison des Enfants Extraordinaires (MEEX) à Sauve. Je me suis également formée aux réflexes archaïques avec Paul Landon et Ludivine Baudry au Centre de Formation le Plaisir d’Apprendre.
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Quelle est la contribution de l’approche de l’intégration sensorielle à votre pratique d’ergothérapeute ?
Une contribution essentielle ! D’abord théorique. Dans notre cabinet, nous sommes maintenant toutes formées ou en cours de formation. Nous avons toujours en tête la “maison des compétences” d’Isabelle Babington inspirée de la pyramide of Learning de Williams et Shellenberger (nous y avons ajouté une ligne pour les réflexes primordiaux et posturaux) : quel que soit le motif de consultation ou l’âge de l’enfant, nous cherchons d’abord à comprendre si les fondations de la maison, les deux piliers du développement sensori-moteur (intégration sensorielle et réflexes) sont bien en place.
C’est pour cela qu’on demande systématiquement aux parents de remplir le profil sensoriel de Winnie Dunn, et qu’on effectue toute une série de tests en lien notamment avec la mise en place du tonus postural ou de la coordination motrice bilatérale. Cela nous permet d’effectuer des bilans plus exhaustifs et de mieux comprendre ce qui se passe en amont des troubles. Par exemple, les difficultés en graphisme peuvent être en partie dues à une faiblesse du tonus postural consécutive à une immaturité vestibulaire ou à la persistance de réflexes archaïques comme le réflexe d’agrippement palmaire (mauvaise prise du stylo, hyperpression sur la feuille, manque de dissociation épaule/main…).
En ce qui concerne le suivi des enfants, c’est aussi une petite révolution ! Pour ma part, j’ai tout de suite commencé à travailler en installant les enfants sur des tapis ou des suspensions, mais mes collaboratrices ont radicalement changé leur manière de travailler en rejoignant le cabinet. Je crois qu’elles étaient à la fois étonnées et enthousiastes de voir le peu de temps que les enfants passaient assis derrière une table, ça a tout de suite fait sens pour elles… Au fond la plus grande différence c’est que l’on travaille en mouvement, ainsi on mise sur les expériences motrices et sensorielles que vit l’enfant en séance pour l’accompagner dans son développement.
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Quels signaux peuvent indiquer qu’un enfant a des difficultés d’intégration sensorielle ?
Difficile de répondre en peu de mots ! Les signaux les plus faciles à repérer sont ceux des troubles de la modulation (par exemple l’hypersensibilité) avec réaction de fuite ou de combat : l’enfant se retire quand vous passez la main dans ses cheveux, il ne supporte pas les étiquettes de ses vêtements, il se bouche les oreille lors d’un bruit soudain, il ne supporte que certaines textures d’aliment, il s’agrippe à vous en descendant l’escalier… Ces signes là commencent à être connus. Mais ce qui est délicat, c’est que l’organisation des systèmes sensoriels est complexe et souvent mal comprise (il y a d’ailleurs différentes théories).
Par exemple l’hypersensibilité tactile est très souvent corrélée à une hypo sensibilité proprioceptive qui vient brouiller les pistes : l’ enfant va être dérangé par les stimulations tactiles superficielles mais être toujours en demande de stimulations sensorielles profondes : il vous serre fort, mâchouille ses manches de pull, aime se mettre sous une couverture lourde… Cela peut sembler paradoxal, alors que c’est tout à fait logique d’un point du vue sensoriel.
Ensuite, on peut mentionner les signes plus discrets en lien avec des difficultés d’auto-régulation sensorielle (par exemple, l’enfant est trop excitable pendant les jeux en mouvement ou au contraire trop sédentaire, trop difficile à mobiliser).
Enfin, il y a aussi des enfants dont le mal-être sensoriel est encore plus difficile à décrypter : ils prennent sur eux toute la journée, à l’école, à la cantine, les enseignants ne remarquent rien de particulier… mais ils explosent le soir à la maison. Ce genre de comportement est souvent le signe d’un phénomène de surcharge sensorielle.
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Existe-il une interrelation entre l’INS et les réflexes archaïques ?
Oui très forte ! Comme vous le savez peut-être, les réflexes archaïques sont des mouvements automatiques involontaires qui se manifestent chez les bébés, avant, pendant ou dans les mois qui suivent la naissance en réponse à certains stimuli.
Ces réflexes doivent émerger, s’épanouir puis “s’intégrer” en quelques mois pour laisser place à une motricité contrôlée ou “corticalisée”.
Des études scientifiques ont montré que ce sont les mouvements réflexes et les stimulations sensorielles vécues par le bébé qui permettent aux connexions neuronales de se multiplier et de se myéliniser. C’est au fond ce qui permet au jeune enfant de se développer, de poser les bases de ses futures compétences motrices, cognitives et émotionnelles.
Or la maturation des systèmes sensoriels et l’intégration des réflexes sont deux processus interdépendants. Par exemple, de nombreux réflexes vont avoir un rôle déterminant dans le développement de l’oreille interne et de la proprioception (deux systèmes fondamentaux pour la maturation sensorielle).
À l’inverse, un trouble de la modulation sensorielle aura un impact sur l’intégration de certains réflexes. Par exemple, une hypersensibilité vestibulaire qui gêne l’enfant pour explorer toutes sortes de mouvements et de positions entravera sûrement l’intégration de ses réflexes et donc son développement global.
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Marie-Laetitia de Pennart et le cabinet Ergosevrier
Reconvertie à l’ergothérapie après cinq années de journalisme de terrain, Marie-Laetitia de Pennart a obtenu son diplôme en 2013 à l’IFE de Créteil. Elle a découvert le potentiel immense de l’approche de l’intégration sensorielle à la fin de son cursus. Après-quoi, convaincue par cette approche, elle a décidé de se former pour monter un cabinet spécialisé en INS et en réflexes primordiaux et posturaux. C’est comme ça que le cabinet Ergosevrier a vu le jour. Il est situé non loin d’Annecy en Haute-Savoie et a récemment changé de nom pour refléter son évolution : Cabinet Le Tremplin.
>> En savoir plus sur le cabinet Le Tremplin
Souhaitez-vous en savoir plus sur l’Intégration neurosensorielle?
Notre livre blanc est préfacé par Isabelle Babington, ergothérapeute et formatrice en INS, co-fondatrice de la Meex et auteure de l’ouvrage L’enfant extraordinaire, comprendre et accompagner les troubles des apprentissages et du comportement grâce à l’intégration neurosensorielle, éditions Eyrolles.