Depuis toujours, Hop’Toys est avide de belles histoires humaines à partager. Aujourd’hui, nous vous invitons à plonger dans l’univers captivant de Françoise, une musicienne non-voyante depuis sa naissance, dont l’histoire est narrée par sa collègue, elle-même membre du même orchestre.
La musique et les non-voyants
La musique transcende les barrières visuelles et trouve un écho puissant dans le monde des non-voyants. Pour ceux qui ne peuvent pas voir, la musique devient un moyen de communication profondément sensoriel et émotionnel. Les notes se transforment en couleurs vibrantes, les mélodies tissent des histoires visuelles et les rythmes créent des paysages sonores qui transportent l’esprit. Les non-voyants ont une sensibilité particulière pour ressentir les nuances et les subtilités musicales, car ils appréhendent la musique à travers l’ouïe et le toucher. Leur relation intime avec la musique est empreinte de passion et d’une profonde connexion avec les émotions qu’elle éveille. En effet, pour eux, la musique devient un véritable langage universel qui les guide, les console et les inspire tout au long de leur voyage sonore.
Françoise, une musicienne non-voyante passionnée
Françoise est aveugle de naissance. C’est vrai qu’on dit plutôt « non-voyante ». « Aveugle », c’est un terme dur, violent, « non-voyante », c’est plus doux, comme « non-violent ». Il n’empêche que le résultat est le même : Françoise n’y voit rien, et ses yeux, ces fenêtres qui ouvrent sur le monde, ne lui servent à rien, sauf peut-être à pleurer. Encore que je n’ai jamais vu Françoise pleurer, ni même être triste ou en colère. Françoise est toujours souriante, bien mise et impeccable sur elle.
Nous sommes toutes les deux instrumentistes dans le même petit orchestre, moi aux percussions, elle, au hautbois. Elle a choisi cet instrument un jour que ses parents l’avaient emmenée au concert. Françoise a été captivée en écoutant jouer le hautboïste et a décidé que ce serait son instrument. Elle a pris des cours, a appris le solfège, et maintenant, elle joue dans deux orchestres.
Quelles adaptations ont été mises en place dans l’orchestre ?
Pour qu’elle puisse apprendre les morceaux, ses chefs d’orchestre les lui enregistrent, et elle les apprend par cœur. Elle repère ses interventions grâce aux autres instruments, et elle a un logiciel qui transcrit en Braille les partitions. Un jour qu’elle n’avait pas eu le temps de bien travailler sa partie, elle a apporté une feuille blanche constellée de petits points en relief : c’était sa partition ! Il est vrai que nous avions l’air un peu idiots avec nos propres partitions noircies de notes et de silences !
Votre rencontre
J’ai vraiment rencontré Françoise le jour où nous avons visité l’aven d’Orgnac. L’orchestre avait joué le soir sur l’esplanade devant la grotte, et le responsable du site nous a gentiment proposé une visite privée de l’aven. J’ai spontanément pris le bras de Françoise pour la guider car le sol était glissant et inégal. Je pense que c’était la première fois qu’elle visitait ce genre d’endroit. Elle était fascinée par la résonance des sons, l’atmosphère, l’ambiance…
Évidemment, moi, j’étais fascinée par elle, par tout ce qu’elle devinait sans rien toucher. Là, elle sentait que l’on rentrait dans un boyau plus étroit, là elle percevait une immense salle… À un moment donné, elle m’a murmuré : « Tu crois que je peux toucher la paroi ? ». On nous avait recommandé de ne rien toucher. « Bien sûr ! lui ai-je dit. J’en prends la responsabilité ». Elle a effleuré une stalagmite… elle était aux anges !
Le partage de compétence
Grâce à Françoise, j’ai eu envie d’aller au-delà, dans la découverte de l’univers troublant des non-voyants. Lors d’une visite au Futuroscope, je me suis inscrite à l’attraction « Les yeux grands fermés ». Un guide non-voyant demande aux visiteurs de se tenir par les épaules et les emmène dans un parcours plongé totalement dans l’obscurité. Grâce aux différences de température, à des senteurs particulières, à des ambiances sonores, on se trouve tantôt dans l’univers moite de la jungle, tantôt au cœur d’une ville bruyante, tantôt au sommet d’un glacier.
J’avais effectivement la chance d’être la première du groupe : le guide me tenait fermement par la main. J’ai ressenti son assurance pour me guider à travers cet univers complètement obscur. J’ai pu imaginer sa fierté : pour une fois, c’était lui, non-voyant, qui nous montrait le chemin…
Les nouvelles technologies et leurs bénéfices pour le monde des non-voyants
Les outils technologiques ont révolutionné l’accès à la musique pour les non-voyants. Des avancées telles que les synthétiseurs et les logiciels de production musicale accessibles ont permis aux non-voyants de créer et de composer leur propre musique avec une facilité sans précédent. Les claviers et les contrôleurs spécialement conçus offrent des repères tactiles et des fonctionnalités adaptées, permettant aux musiciens non-voyants de naviguer dans l’espace musical avec confiance et précision. De plus, les lecteurs d’écran et les applications de reconnaissance vocale rendent la navigation et l’organisation des bibliothèques musicales plus accessibles, permettant aux non-voyants de découvrir de nouveaux artistes, de rechercher des paroles et de s’immerger pleinement dans l’univers sonore. Grâce à ces outils, la musique devient un véritable moyen d’expression pour les non-voyants, les encourageant à partager leur talent, à se connecter avec d’autres musiciens et à toucher le cœur de tous ceux qui écoutent leurs créations.
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L’histoire de Françoise, musicienne non-voyante, vous parle ? Vous avez, vous aussi, de belles histoires à partager ? N’hésitez pas à nous le dire en commentaires !
Madame Christine DIONNET, orthophoniste, auteur d’ouvrages spécialisés chez Longue Vue, éditeur de matériel pour orthoptistes www.longue-vue.net