Sexualité et handicap… Un sujet très souvent tabou, qui soulève beaucoup de questions, mais que l’on n’ose pas aborder. Pourtant, aspirer à une relation affective et sexuelle est le droit et le souhait de toute personne. Grâce à son expérience, Laetitia Rebord est pair-aidante. Elle accompagne les personnes en situation de handicap à comprendre et se réapproprier leur vie affective et sexuelle. Laetitia est également coach en santé sexuelle des personnes en situation de handicap. Nous aurons la chance de recevoir son témoignage lors d’un Facebook Live le 27 janvier 2022 à 21 h. En attendant, nous vous proposons de la découvrir un peu plus à travers cette interview.
Pouvez-vous vous présenter ?
Née en 1982, à Albertville (Savoie), résidant à Grenoble (Isère) depuis 2011. En couple depuis 2017.
J’ai obtenu un Master 2 de traduction spécialisée multilingue, Anglais et Italien, spécialité technique et juridique, en 2007. Je suis traductrice pour le service marketing d’une grande entreprise internationale et j’exerce à domicile en télétravail, à mi-temps, depuis 2007.
J’ai également été formatrice pour futur·e·s auxiliaires de vie dans un organisme de formation pendant 5 ans. En 2020, j’ai obtenu le Diplôme Universitaire Personne Experte en Situation de Handicap dispensé par la Faculté de Médecine de l’Hôpital Bichat à Paris en partenariat avec la Chaire UNESCO Santé Sexuelle et Droits Humains, et je suis aujourd’hui pair-aidante en santé sexuelle et accompagnante vers l’autodétermination des personnes en situation de handicap.
Mon quotidien avec mon handicap
J’ai une maladie génétique de naissance, l’amyotrophie spinale. Je ne peux bouger qu’un pouce et qu’un orteil. J’ai une atteinte respiratoire importante qui m’oblige à avoir une trachéotomie et à être ventilée, principalement la nuit, sous respirateur. J’ai un besoin constant d’accompagnement par des aidant·e·s. Je conduis mon fauteuil avec un joystick au niveau de la bouche qui me sert aussi pour faire fonctionner mon ordinateur. J’écris principalement avec une dictée vocale et un logiciel de clavier à l’écran avec prédiction de mots.
Mon combat
Alors que depuis la plus tendre enfance et grâce à l’aide de mes parents qui m’a permis de grandir en milieu de vie ordinaire, hors institution, j’ai réussi dans de nombreux domaines, école, études supérieures, travail, et ce, en ayant une paralysie progressive et aujourd’hui quasi intégrale de mon corps, j’ai su très vite que j’aurais de grandes difficultés à parvenir à connaître une vie affective et sexuelle. Je me suis également rendu compte de la peur de mes parents quant à toute éventuelle rencontre, comme une totale méfiance envers tout intérêt pour moi. Je sentais bien que, même inconsciemment, mes parents ne croyaient pas que je puisse un jour connaître une vie affective et sexuelle.
J’étais très attristée par le fait que je ne pouvais en parler à personne.
Mes ami·e·s avaient un train d’avance ou en tout cas, de décalage avec ma situation, je ne souhaitais pas parler véritablement de cela avec mes propres parents, ou très peu et très superficiellement, et aucun espace n’était à l’époque prévu et organisé pour que je puisse en discuter. L’ensemble des grandes associations de défenses des droits des personnes en situation de handicap cherchent davantage à rendre tous les lieux accessibles ou à demander des fonds pour la recherche contre les maladies, plutôt que de s’intéresser au sujet sensible de la vie affective et sexuelle.
L’élément déclencheur : la rencontre avec mon compagnon !
J’ai rencontré par la suite mon compagnon avec qui je vis depuis 2017. Ma vie sexuelle s’est principalement construite avec lui. J’ai découvert ce qu’était la vie de couple, ce à quoi j’aspirais depuis si longtemps. Je construis ma vie aux côtés de cet homme qui grandit avec moi avec les difficultés et les grands bonheurs de tout un chacun, accompagnée de ce handicap avec lequel il faut composer. Mon compagnon m’a incroyablement donné la preuve de tous les avantages que pouvait comporter le handicap dans une vie de couple. Il peut d’ailleurs comparer, contrairement à moi, puisqu’il a vécu auparavant plusieurs relations avec des compagnes qui n’étaient pas en situation de handicap.
Mon besoin d’assistance, 24 heures sur 24, est probablement l’élément inconditionnel à une vie pérenne, mais également très perturbateur au sein de l’intimité d’un couple. Qu’il s’agisse d’intervention d’auxiliaires de vie, de présence quasi permanente, ou du choix que mon compagnon s’occupe de moi pour préserver une certaine intimité, nombreuses sont les difficultés où aucune solution parfaite n’existe.
Voyant aussi autour de moi la solitude et le désespoir de nombre de mes pairs, j’ai envie de partager mon expérience et de prouver que la vie en couple, même avec handicap considéré comme lourd dans la dépendance, est possible. J’ai envie d’exprimer et de faire comprendre que le handicap n’est qu’une particularité, auprès des personnes concernées, des parents et proches, mais également des professionnel·le·s de la santé et de l’accompagnement.
La vie en couple, même avec handicap considéré comme lourd, est possible.
Ma vision de pair-aidance en santé sexuelle
Je souhaite pouvoir faire émerger la parole, ce dont j’ai absolument manqué tout au long de ma vie. J’adopte aujourd’hui une posture professionnelle en me basant sur mon expérience, en gardant l’émotion qui m’anime pour être au plus près des ressentis des personnes que je souhaite accompagner.
Ma pratique de pair-aidante est évidemment conditionnée par l’ensemble de mon vécu. J’effectue un détachement de moi-même pour parvenir à être efficiente sans imposer de vision, sans juger. Mes expériences m’ont permis de mesurer l’importance de développer une approche globale centrée sur l’écoute et l’expression.
Inspirée par l’approche dite de « réduction des risques », la prévention et l’éducation consistent à favoriser l’accès à l’information et sa appropriation.
>> À lire aussi : handicap et empowerment
Mes conseils pour se réapproprier sa sexualité
D’abord apprendre à connaître son corps, ce qui nous fait du bien, ce que l’on n’aime pas. Alors seul quand c’est possible, ou avec l’aide des autres.
La communication est essentielle comme dans toutes les relations. Le handicap nécessite probablement encore plus de pouvoir exprimer ses désirs, ses besoins, ses limites à son ou sa partenaire.
Reconnaître une personne dans sa dimension affective et sexuelle, c’est la considérer avant tout comme un être humain !
Il faut être libre d’exprimer son identité sexuée. Ne pas avoir peur d’affirmer ouvertement :
- Je suis humain, humaine avant tout et j’ai des besoins affectifs et sexuels.
- J’existe, je ne suis pas invisible, aussi dans le champ de la vie affective et sexuelle.
- J’ai une sexualité.
- Je souffre ou non de ne pas en avoir.
- Je suis ou je tends à devenir indépendant·e dans mes choix pour accéder à une vie intime, affective et sexuelle.
Rencontre avec Laetitia Rebord
Le 27 janvier 2022 à 21 h, nous avons la chance de recevoir la très inspirante Laetitia Rebord. Elle partagera avec nous son parcours et son expérience. Elle répondra en direct à vos questions. L’atelier aura lieu en direct sur les pages Facebook, Instagram et Youtube de Hop’Toys de façon simultanée.
Si ce Live vous intéresse, alors inscrivez dès à présent via le bouton ci-dessous !
Publié le 29 juin 2021, mis à jour le 21 janvier 2022