L’école inclusive peut-elle profiter à tous les élèves ? C’est la question, centrale, à laquelle Caroline Desombre, Professeure de psychologie sociale à l’Université de Lille apporte des éléments de réponse dans un article de The Conversation*. Question centrale en effet car répondant aux inquiétudes de certains parents d’enfants « ordinaires » craignant que l’inclusion d’enfants extraordinaires à l’école ne « tire leurs enfants vers le bas », question centrale aussi si l’on interroge la finalité de l’inclusion des élèves à besoins éducatifs particuliers : leur mieux être ou un idéal d’équité et de justice sociale ?
Un article qui permet de mettre en lumière les bénéfices de l’inclusion pour les élèves à besoins particuliers et pour les élèves ordinaires. Et qui dessine aussi les raisons pour lesquelles l’inclusion ne permet par encore d’apporter tous les bénéfices qu’elle pourrait.
L’école inclusive a pour objectif de permettre à tous les élèves « quels que soient leurs handicaps et leurs difficultés » d’apprendre et d’avoir « une chance égale » de réussir (Unesco). Depuis plusieurs années, on peut constater une forte volonté politique pour la mise en place de cette école à la fois à l’échelle internationale et nationale.
En France, certaines circulaires, notamment celle de 2016, soutiennent ces mesures législatives en réaffirmant que « le droit à l’éducation pour tous les enfants, quel que soit leur handicap, est un droit fondamental » et que « chaque école a vocation à accueillir tous les enfants, quels que soient leurs besoins ». Elle précise par ailleurs que :
«L ‘élève en situation de handicap est un élève comme les autres. Avec les aménagements et adaptations nécessaires, il doit avoir accès aux mêmes savoirs et être soumis aux mêmes exigences. »
Malgré cette forte volonté politique, force est de constater que de nombreux obstacles persistent. La difficulté de mise en place de l’éducation inclusive s’explique par de nombreuses variables comme, par exemple, le faible sentiment de compétence des enseignants, leur manque de formation ou encore le manque de soutien perçu du l’institution.
L’inclusion des élèves à besoins éducatifs particuliers peut légitimement être questionnée dans ses finalités. En effet, l’éducation inclusive met l’accent, dans ses principes fondamentaux, sur les valeurs d’équité et de justice sociale.
Mais est-ce que l’éducation inclusive atteint son objectif ? En d’autres termes, permet-elle vraiment aux élèves à besoins particuliers d’apprendre comme les autres ? Permet-elle aussi aux élèves ordinaires d’apprendre dans les meilleures conditions ?
Variété des pédagogies
Une méta-analyse, c’est-à-dire une synthèse exhaustive des résultats de la littérature scientifique, réalisée par Ruijs et Peetsma en 2009, tend à montrer que, de manière générale, l’inclusion a des effets soit positifs (dans la plupart des études), soit neutres sur le développement cognitif des élèves à besoins éducatifs particuliers. En d’autres termes, leur inclusion en classe ordinaire leur permet, dans la majorité des cas, de développer davantage leurs apprentissages. Parfois, cet effet positif ne se retrouve pas, mais l’inclusion ne nuit pas à leurs apprentissages.
Cette méta-analyse s’intéressait également aux effets de l’inclusion sur le développement socio-affectif des élèves souffrant de handicap, comme la confiance en soi ou la qualité des relations sociales. Sur ce point, l’analyse n’a pas permis de tirer des conclusions. Pour expliquer le manque de consensus des études, les auteurs pointent l’inégale efficience des pédagogies inclusives dans les classes.
En effet, les enseignants et les enseignantes ne sont pas tous préparés à l’inclusion et certaines pratiques, peu adaptées, peuvent amener les élèves à besoins éducatifs particuliers à se sentir marginalisés : manque d’interaction avec les autres élèves, support non adapté et donc difficulté face aux tâches, évaluation négatives… D’autres pratiques, plus adaptées, peuvent au contraire favoriser le développement socio-affectif.
Des progrès en lecture et en écriture
Une étude de Sermier et ses collaborateurs montre des effets contrastés en fonction des compétences travaillées. Ces auteurs se sont intéressés aux effets de l’inclusion en classe ordinaire sur les progrès d’élèves suisses présentant une déficience intellectuelle. Pour ce faire, deux groupes d’enfants – similaires en termes d’âge, de QI, de statut socio-économique et de performances scolaires avant l’étude – étaient comparés :
- un groupe d’enfants inclus dans des classes ordinaires à plein temps et bénéficiant de quelques heures par semaine avec un enseignant spécialisé
- un groupe d’enfants scolarisés en classe spécialisée.
Ces élèves ont été suivis pendant deux ans, et leurs performances scolaires ont été évaluées à trois reprises sur cette période. Les résultats indiquent que les élèves inclus en classe ordinaire ont plus progressé en lecture, expression écrite, vocabulaire, orthographe et grammaire que les élèves en classe spécialisée. En revanche, les deux groupes présentaient une progression similaire en mathématiques.
D’autres études ont également montré que le nombre d’heures d’inclusion en classe ordinaire a un effet sur les apprentissages : plus les élèves sont scolarisés en classe ordinaire, plus leurs scores aux évaluations de langue et de mathématiques sont élevés.
Moins de préjugés
Si l’inclusion ne peut être que bénéfique pour les élèves à besoins éducatifs particuliers, qu’en est-il pour les élèves ordinaires ? Une méta-analyse autour de 47 études réalisées en Europe, aux États-Unis, et au Canada montre que l’inclusion a un effet faible, mais globalement positif sur les apprentissages des élèves ordinaires. Elle indique également que l’effet positif est plus prononcé aux États-Unis et au Canada qu’en Europe.
Selon les auteurs, ce résultat peut s’expliquer d’une part, par la mise en place de l’éducation inclusive plus récente de l’Europe, et d’autre part, par des conceptions différentes de la notion d’inclusion. En effet, en Europe, l’inclusion est plutôt perçue comme une forme d’instruction adaptée aux élèves à besoins éducatifs particuliers, alors qu’aux États-Unis et au Canada, elle est vue comme une manière de transformer l’école.
L’effet de l’inclusion sur les compétences socio-affectives des élèves ordinaires a fait l’objet d’une investigation très limitée. Il semblerait cependant que les élèves ordinaires scolarisés dans une classe inclusive présentent moins de préjugés à l’égard des élèves souffrant de handicap, soient plus enclins à jouer avec eux, et aient des attitudes plus positives à leur encontre.
Ces différentes études tendent à montrer que l’inclusion est au mieux bénéfique pour les élèves, au pire ne nuit pas à leurs acquisitions. La poursuite de l’éducation inclusive dans notre pays semble donc être une bonne chose pour les élèves à besoins éducatifs particuliers mais aussi pour les élèves ordinaires. Elle permet d’offrir un véritable service public de l’éducation à tous les élèves.
Caroline Desombre, Professeure de psychologie sociale, Université de Lille
* Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original
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