L’association Un Pas Vers la Vie aide les familles à vivre avec un enfant porteur d’autisme. En mettant en place des maisons de répit, elle accueille des personnes exceptionnelles et offre un droit de souffler aux familles, et aux enfants. Le combat de l’association réside dans l’éveil des consciences, notamment celle de l’Etat, à propos de l’autisme en tant que particularité neurologique et dans sa prise en charge. Nous avons échangé avec Sandrine Coeur-Bizot, Directrice de Un Pas Vers la Vie.
Après Toulon, vous avez le projet de créer une deuxième maison de répit à Baillargues, près de Montpellier. Quel est le projet de ce deuxième centre ? Combien de personnes comptez-vous accueillir dans cet établissement ? Quelle est la durée moyenne d’un séjour en maison de répit ?
Ce second centre répond aux mêmes exigences que le premier puisque un an après l’ouverture de celui-ci, nous nous sommes aperçu que nous ne répondions pas à la demande tant elle est conséquente. Notre ambition est de créer un nouvel établissement de répit, offrant encore une prise en charge complète, pour donner les moyens aux familles de pouvoir se reposer. Celui-ci sera plus grand puisque nous passerons de 8 à 15 places, avec des équipements plus importants afin d’offrir un cadre encore plus accueillant.
Actuellement, la durée des séjours dans cette maison baptisée Belle Étoile varie de 2 à 9 jours. Chaque enfant revient avec le sourire et réclame l’encadrant qui l’a accompagné précédemment. Chaque éducateur a suivi, avant d’intégrer la maison de répit, une formation aux méthodes comportementales pour être en mesure d’accompagner les enfants le mieux possible. Bien évidemment, cette condition sera appliquée à la seconde maison.
À Baillargues, nous espérons pouvoir accueillir de 150 à 200 enfants par roulement des séjours.
Le Maire de Baillargues, Jean-Luc Meissonier, nous a réservé un terrain en centre-bourg, qui nous permet d’imaginer une maison de répit exceptionnelle. Forts de notre première expérience, nous installerons au rez de chaussée deux salons, une salle à manger avec quatre alcôves pour créer de petits espaces ronds, rassurants, douillets pour les enfants qui ont besoin de manger seuls ou de s’isoler lors d’une crise. Nous avons également prévu l’aménagement d’une médiathèque, d’une salle d’activité, d’une salle de sport, d’une salle Snoezelen et d’une balnéothérapie. L’étage supérieur sera l’espace nuit avec 15 chambres de 23 m2 environ, ayant chacune une salle d’eau, plus une salle de bain collective avec une immense baignoire puisque tous n’apprécient pas forcément les douches. Notre objectif consiste avant tout à rassurer les parents, à ce que les séjours se passent au mieux, que le cadre évoque un décor familial, coloré, vivant et surtout pas hospitalier ; pour que les enfants reçus s’y épanouissent le plus vite possible, trouvent leurs marques et un bien-être rapidement.
Nous espérons pouvoir commencer la construction en 2019 pour une ouverture en 2020. Cette construction sera réalisée via des fonds issus de fondations et de mécénats. Nous espérons que le budget de fonctionnement soit porté par l’État… affaire à suivre. Croisons les doigts pour avoir de bonnes nouvelles d’ici la fin de l’année.
>> A lire aussi : Les profils sensoriels et perceptifs d’Olga Bogdashina
Vous parlez d’une salle d’activité, d’une salle Snoezelen, d’une médiathèque, etc. Pouvez-vous préciser quels dispositifs psycho-éducatifs vous allez mettre en place au sein de ces salles ? Quels outils pédagogiques pour le développement des enfants exceptionnels ? Concrètement, quels aménagements et quels types de jouets ?
C’est un peu délicat, tout reste à faire. Les balancelles, les tentes et les trampolines sont une évidence tant ça leur plait et calment leurs crises émotionnelles. Idem pour la balnéothérapie. Parfois, il suffit simplement de leur mettre des brassards et de les balader dans l’eau pour leur offrir un moment de détente.
En ce qui concerne les outils pédagogiques, nous partons sur différentes méthodes comportementales et utilisons bon nombre de produits issus de votre catalogue pour les stimuler.
Il ne faut pas oublier non plus qu’il s’agit d’une maison de répit. Ces enfants sont majoritairement stimulés toute l’année pour les faire progresser et comme tout à chacun, ils ont aussi le droit d’être en vacances et se laisser porter. Nos encadrants ne sont pas là pour les stimuler mais les aider à s’épanouir à leur rythme, tranquillement et avec beaucoup de douceur.
>> A lire aussi : Autisme, les jardins sensoriels
Que pensez-vous de la nouvelle Stratégie nationale pour l’Autisme dévoilée le 6 avril 2018 ? Notamment, la volonté du gouvernement de créer une plate-forme par département, pour offrir un temps de répit aux parents (garde d’enfant, hébergement d’adulte). Quel rôle pour le gouvernement dans la mise en place de vos maisons de répit ?
Les volontés du gouvernement sont tout à leur honneur. Il semble enclin à vouloir aider et porter l’autisme. Mais entre le « Nous allons » et le « Nous faisons », il peut se passer des années. Comme toutes les associations concernées par un handicap, quel qu’il soit, nous attendons qu’ils passent à la pratique. Les finances publiques ne sont plus ce qu’elles étaient et nous le savons pertinemment ; cependant, je crois que les administrations comme les Agences Régionales de Santé ne mesurent pas, ou mal, le nombre croissant d’enfants touchés par ce handicap.
Aujourd’hui, nous nous sommes positionnés sur la ville de Baillargues, à proximité de Montpellier pour lancer une seconde maison de répit comme expliqué précédemment. Mais nous ne pourrons lancer la construction que lorsque nous serons certains d’obtenir un budget de fonctionnement des pouvoirs publics. Les mécènes et les fondations sont prêts à supporter la construction et l’équipement mais pas le budget de fonctionnement qui inclut les salaires des encadrants. Ce qui me semble normal. Aujourd’hui, nous avons poussé de nombreuses portes pour faire valider le projet et pourtant nous sommes dans l’attente que des budgets se débloquent et qu’on puisse pérenniser ce nouvel accueil. Affaire à suivre…
Pourquoi ce type de projet ne se démocratise-t-il pas plus en France ? Il semble qu’il y ait une forte demande, alors qu’est ce qui empêche cette démocratisation ?
C’est tout simple, les associations sont prêtes à se mobiliser, à réaliser un travail exceptionnel, elles ont à la fois la connaissance et l’expérience. Mais les budgets sont manquants et il est impossible à l’heure actuelle d’imaginer une maison de répit sans budget de fonctionnement d’État. C’est là où le bas blesse…
>> A lire aussi : Les activité sensorielles pour développer les sens
Quels sont vos souhaits pour l’avenir de l’association Un Pas Vers la Vie ? Pour l’avenir de la société ?
Les souhaits sont de voir des maisons de répit dans tous les départements tant la demande est conséquente. Mais ça ne suffit pas, le nombre d’IME devrait également doubler et les habitats partagés pour adultes aussi. Il existe encore moins de réponses sur le territoire pour les adultes autistes en manque d’autonomie, c’est une véritable catastrophe. C’est cela que nous souhaitons : davantage de places d’accueil de 1 an à plus et qui ne ressemblent pas à une service hospitalier. L’autisme n’est pas une maladie mais un trouble du comportement, il est très important de faire le distinguo même si l’autisme est également handicapant.
En ce qui concerne la société, nous partons du postulat que les autistes ont beaucoup à nous offrir. Ils développent, pour beaucoup d’entre-eux, de vraies capacités professionnelles que les entreprises auraient tort de ne pas cultiver. Il leur suffit simplement d’adapter leurs espaces de travail pour bénéficier d’une relation professionnelle de très grande qualité. Nous aimerions beaucoup créer une agence de ressources humaines spécialement dédiée aux profils avec troubles du comportement. La société a tout à gagner à s’investir auprès d’eux. Je puis vous l’assurer!
Sandrine COEUR-BIZOT, Directrice de l’association Un Pas Vers la Vie, www.unpasverslavie.fr / Page Facebook