Noël est sans doute l’un des moments de l’année que je redoute le plus. Il n’en a pas toujours été ainsi. Avec l’avancée en âge, les difficultés liées à mon trouble du spectre de l’autisme (TSA) ont augmenté, ce qui a fait évoluer ma perception des fêtes de Noël. Voici mon témoignage en tant que personne autiste à propos de Noël.
Mon témoignage en tant que personne autiste : comment ma façon de voir Noël a évolué
Je suis une personne autiste avec le syndrome d’Asperger. Comme de nombreuses, personnes de sexe féminin, j’ai été diagnostiquée sur le tard, à vingt-sept ans.
Pendant mon enfance, je ne crois pas avoir développé une relation à Noël différente des enfants neurotypiques de mon entourage.
Noël, pour moi, c’était surtout plusieurs repas avec la famille proche ainsi que les cadeaux apportés par le Père Noël la nuit du 24 décembre. J’étais très enthousiaste à l’idée de fêter Noël, malgré les longs repas qui me paraissaient durer une éternité… un peu comme tous les enfants, n’est-ce pas ?
À l’âge adulte, les difficultés liées à l’autisme sont devenues plus pesantes sur mon quotidien. Je n’arrivais plus à m’adapter aussi facilement à mon environnement.
Rajoutez à cela les déplacements, car j’habite désormais à 500 kilomètres de ma famille et de ma belle-famille, et vous transformez une semaine festive en marathon. Une vraie épreuve pour les nerfs.
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Les difficultés que je rencontre en tant qu’adulte autiste à Noël
Bien que je sois autonome et indépendante au quotidien, cela ne m’empêche pas de rencontrer des difficultés en lien avec mon handicap.
C’est pour cette raison qu’on dit souvent que l’autisme fait partie des handicaps invisibles : il n’est pas immédiatement perceptible si on ne me connaît pas, mais je dois tout de même adapter mon environnement pour pallier mes difficultés.
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La routine à plat et une augmentation des interactions sociales
Les fêtes de fin d’année s’apparentent à une semaine intense où rien ne se passe comme le reste de l’année.
La routine est bousculée, or la routine, pour une personne autiste, c’est sacré ! Faire les choses de la même manière procure de l’apaisement. C’est aussi un moyen de se préserver, d’éviter de se fatiguer inutilement. Nous avons tous nos petits rituels et sommes plus ou moins capables de les faire évoluer rapidement. Si on les chamboule, cela peut nous contrarier. Je ressens du stress lorsque les plans changent à la dernière minute et parfois de la colère !
L’autisme implique des difficultés en matière de communication et d’interactions sociales. Or Noël est justement une fête de famille où les gens passent beaucoup de temps ensemble à discuter. Il faut échanger avec des gens qu’on ne voit parfois pas forcément le reste de l’année. Cela peut créer de l’anxiété et des difficultés, notamment quand on a du mal à comprendre l’implicite, le second degré et l’humour.
Je n’ai pas ce problème, parce que ma famille est petite, mais je sens la différence lorsque je suis dans ma belle-famille. Je déteste dormir hors de chez moi. Cela me demande une véritable adaptation.
Les cadeaux de Noël, ce casse-tête annuel
Il y a aussi toute la période avant Noël où il faut trouver les cadeaux de Noël. Cette tradition peut paraître triviale, mais elle apporte son lot de questionnements.
Savoir quoi acheter, à qui, selon quel budget, n’est pas une mince affaire ! On a peur de mal faire, de créer des tensions, de ne pas savoir faire plaisir.
Je sais d’avance que je vais passer plusieurs week-end à chercher les cadeaux, à les rassembler, sans être à l’abri qu’ils finissent dans un tiroir quelques heures après le déballage.
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Les magasins et la surcharge sensorielle
Qui dit cadeaux dit magasins. Même si je triche en effectuant une partie de mes achats en ligne lorsque je le peux, je suis aussi soucieuse de l’écologie. Je cherche donc à faire marcher les commerces de proximité et les artisans de ma région. Cela demande d’aller sur place pour acheter les cadeaux.
Cela n’empêche que ces sorties shopping sont fatigantes, surtout à une semaine de la date fatidique : les magasins sont noirs de monde, il y a du bruit partout et beaucoup de pollution visuelle. On ne parle pas non plus assez des odeurs, lorsque plusieurs odeurs se mélangent ensemble et me donnent la migraine ou la nausée.
En tant que personne autiste, j’ai des hypersensibilités. Certains stimuli sont trop intenses pour moi, ils me procurent du stress et de la gêne. Je suis ainsi très sensible au bruit et aux lumières vives.
Au bout de quelques heures, j’atteins un point de saturation. Je peux entrer en crise d’angoisse si je n’arrive pas à trouver un endroit calme, neutre, avec peu d’objets dans mon champ de vision. Voilà pourquoi la course aux cadeaux n’est pas mon moment préféré !
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Ces petites choses qui m’aident à passer un meilleur Noël
Heureusement, avec le temps, j’ai appris à comprendre mes difficultés, à mieux les accepter et à trouver des solutions pour faciliter le quotidien. Il est temps de les partager avec vous, afin, je l’espère, d’aider d’autres personnes autistes :
- Je suis plus à l’aise quand je sais que les personnes autour de moi savent que je suis autiste. Même s’ils ne savent pas ce qu’est le TSA en détail, cela m’évite de faire attention à mes moindres faits et gestes de peur d’être jugée négativement. Je n’ai plus peur d’être la « bizarre », je me sens donc plus détendue ;
- Pour les repas, je demande à mes proches d’avoir de la nourriture adaptée à mon régime alimentaire en stock. Comme ça, même si le repas proposé ne me convient pas, nous trouvons toujours une solution à la dernière minute ;
- Je m’isole lorsque j’en ressens le besoin. Je me lève de table, je vais m’asseoir sur le canapé ou je change de pièce pour me sentir au calme. Entre deux longs repas, je m’autorise une sieste dans une pièce sombre et silencieuse. Cela me permet d’éviter la surcharge sensorielle. Les boules quiès et le casque antibruit sont mes meilleurs alliés ;
- J’ose me réguler au niveau sensoriel grâce à mes stéréotypies, des mouvements répétitifs que font les personnes autistes. Je n’ai pas honte de m’agiter en public, même face à des inconnus. C’est un moyen très agréable de me calmer.
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Ce qu’il me reste à améliorer pour un Noël plus serein en tant que personne autiste
Il me reste de nombreux défis à relever pour retrouver la paix (et sans doute aussi la magie) de Noël.
Je rêve de pouvoir mettre en place une organisation différente liée à Noël qui implique moins de trajets. Peut-être qu’un jour nous passerons à un an sur deux de déplacement. Je sais que pour l’instant, ce serait mal perçu, donc impossible à mettre en œuvre.
Instaurer des règles pour les cadeaux, voire les supprimer, serait aussi une solution. J’ai l’impression que ces histoires de cadeaux entre adultes créent davantage de stress que de plaisir.
Publié le 19/12/2022 mis à jour le 23/11/2023.
Je m’appelle Clémence Guiot et je suis rédactrice web, mais aussi autiste. Je fais de la communication pour les entreprises et sensibilise aux questions de handicap sur les réseaux sociaux.