Nous avons interviewé Line Perrin, orthophoniste spécialisée dans la Communication Alternative Augmentée (CAA). La CAA recouvre tous les moyens humains et outils permettant à une personne ayant des difficultés dans la communication, de communiquer en remplaçant le langage oral s’il est absent (alternative) ou en améliorant une communication insuffisante (augmentée). Apprenez-en plus sur cette pratique à travers l’interview de Line Perrin, son parcours, son point de vue et son expérience de la CAA en SESSAD.
Qui est Line Perrin ? Quel est son parcours ?
Je m’appelle Line, je suis orthophoniste depuis presque 17 ans et je tiens vraiment à dire que mon parcours ressemble à celui de beaucoup d’autres de mes collègues, qui ne se mettent pas en avant et qui font pourtant un travail formidable. Elles pourraient écrire à ma place ! Beaucoup d’orthophonistes de terrain avancent dans l’ombre en CAA, font bouger les lignes… mais ne répondent pas forcément à une interview !
Concernant mon parcours, j’ai travaillé longtemps en activité mixte (libérale et salariée), ai aussi été formatrice en LPC (langue parlée complétée), et lors de mes congés… je travaillais encore ! Adorant remplacer, découvrir de nouvelles façons de travailler et de nouvelles structures.
J’ai ainsi évolué en SESSAD autisme, en centre de rééducation fonctionnelle, en clinique, en hôpital, en clinique, mais aussi en centre de rééducation et en IME (IMP et IMPRO). C’est en IME que j’ai commencé à créer des groupes de communication avec des collègues très motivés. En 2018, j’ai pris une grande décision : abandonner totalement l’activité libérale pour me consacrer pleinement au salariat. Désormais, j’évolue en SESSAD, m’occupant de personnes présentant un polyhandicap ou une paralysie cérébrale.
En libéral, quelque chose m’a toujours manqué : une équipe, un projet commun, des interactions plus nombreuses et quotidiennes avec d’autres professions. Je m’ennuie aussi très vite et je l’avoue, je trouvais ma pratique trop routinière. J’y ai trouvé des limites aussi dès que je me suis formée à la CAA – Communication Alternative Augmentée. Car la CAA ne peut pas se mettre en place isolément. Il faut vraiment une équipe, soutenir les familles, et créer un réseau. Les partenaires de communication sont essentiels.
Lors de mon entrée dans mon premier SESSAD, j’ai été initiée au PECS et à l’éducation structurée (TEACCH). Je découvrais un milieu alors très porteur, car j’étais dans une équipe fédérée, avec la même culture, c’est-à-dire sur le même diapason au niveau des pratiques. Mais quelque chose me manquait encore : la VRAIE communication authentique. Pas des situations provoquées en séance pour attendre que l’enfant « demande ». Mais celles où nous utilisons toutes les fonctions de communication ! Avec le dispositif de communication où nous restons naturels et proposons un bain de langage assisté.
La découverte du PODD a été un catalyseur. Cela m’a menée à découvrir d’autres dispositifs : Proloquo2Go, Avaz, Snap + Core First, mais aussi la communication multimodale (Makaton) et puis d’autres logiciels robustes. Curieuse de nature, j’adore me plonger dans un nouveau logiciel et explorer, et je me forme dès que je peux… en en fonction de mes moyens !
Qu’est-ce-que l’orthophonie pour vous ?
L’orthophonie pour moi est plurielle et croisée. Nous évoluons sur plusieurs tableaux : le bégaiement, la voix, la surdité, les troubles du langage écrit, mais aussi la rééducation logicomathématique…
Je me suis petit à petit spécialisée dans le domaine de la CAA, mais des croisements sont à faire avec d’autres prises en charge que j’ai pu effectuer.
« L’orthophonie en CAA », c’est pour moi la possibilité de créer du lien de multiples manières. Si le canal oral ne fonctionne pas, ou ne suffit pas, ce n’est pas un problème : il existe de multiples solutions, je dirais infinies. En fait, il y a des tas de routes pour permettre à une personne de transmettre un message autonome, fiable et efficace, et contribuer ainsi à son épanouissement et à sa qualité de présence. À nous, orthophonistes, en concertation avec une équipe, de trouver ce chemin.
Le métier est en évolution selon moi. Nous ne sommes plus dans notre bureau en rééducation individuelle comme on pouvait l’imaginer auparavant – en tout cas en salariat. Nous devons aller au-devant des équipes, des cadres, guider, transmettre, montrer, proposer, aider à faire des choix éclairés. De ce fait, nous tenir informés de l’évolution des outils, des dispositifs, des nouvelles technologies, et de la pérennité des dispositifs de communication déjà en place. J’espère que les orthophoniste auront plus de reconnaissance !
Pourquoi vous avez choisi ce métier ?
J’ai choisi ce métier à l’âge de 13 ans.
C’est la rencontre avec un enfant sourd pendant un apéritif dans un jardin qui a été déterminante : nous devions jouer à cache-cache, il fallait communiquer autrement. Il faisait des signes : mais je ne connaissais pas ce code. Je ne le savais pas, mais on avait utilisé la CAA no tech (sans technologie) pendant cette partie de cache-cache ! Il se trouvait que sa maman était orthophoniste : au cours de cette soirée, elle m’a expliqué son métier. C’est de là que tout est parti. Peu après, j’allais déjà au CIO (conseil information orientation) demander des renseignements sur le concours.
De plus, j’ai aussi bénéficié d’un contexte familial favorisant ma connaissance du métier. Le fait que mes parents sont respectivement pédiatre et professeur de chant, m’a permis de mieux connaître la profession, car ils côtoyaient des orthophonistes. Cela m’a donc aidée à en rencontrer, comprendre en profondeur le métier, parler de pathologies, de problèmes vocaux, de syndromes, etc.
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Pouvez-vous nous expliquer votre pratique au sein du SESSAD ? Quelles sont les particularités par rapport à la pratique en cabinet ?
Je travaille en SESSAD dans une association qui s’appelle ODYNEO, pour les personnes en situation de handicap neuromoteur.
En SESSAD, nous accueillons des enfants, d’une part en groupe d’accueil (polyhandicap) le temps qu’ils trouvent une structure, et d’autre part, nous intervenons à l’extérieur (équipe mobile) pour des enfants qui sont scolarisés.
Pour la partie unité d’accueil, je travaille avec une ergothérapeute, 2 kinésithérapeutes, une AMP, une psychomotricienne, une aide-soignante, une infirmière coordinatrice et une éducatrice coordinatrice. Les enfants sont accueillis quelques jours dans la semaine, sinon ils sont scolarisés. Dernièrement, l’ARS nous a attribué 15 places supplémentaires.
J’interviens aussi en équipe mobile, dans les écoles : je côtoie une éducatrice coordinatrice, une ergothérapeute, un kinésithérapeute, une psychomotricienne, une psychologue.
Nous sommes aussi en lien, bien sûr, avec la cheffe de service, le directeur, et le médecin. Et surtout les partenaires extérieurs !
Travailler en équipe diffère totalement de mon activité libérale. Nous avons un projet de service, avons des réunions fréquentes, évoluons en concertation. L’essentiel, je trouve, c’est la transmission d’informations et le consensus. En libéral, il m’arrivait de vivre une journée de séances individuelles seule dans mon bureau, sans avoir de retour régulier sur l’enfant, sur son quotidien, ou sans contacts fréquents avec des partenaires extérieurs. Cela devenait pour moi très frustrant, même si des réseaux existent. J’avais besoin de plus de connexion et de plus lien, de projets communs. La seule chose qui me manque aujourd’hui c’est mon propre bureau.
Quel est votre domaine d’intervention ? Pourquoi la CAA ?
Mon domaine d’intervention est désormais essentiellement la mise en place de la CAA, car la plupart des enfants que nous accueillons présentent des besoins complexes de communication.
Ensuite, pour les rééducations en école, j’ai également des rééducations en langage oral et en langage écrit. Également : la déglutition.
Par exemple, on peut recevoir des enfants qui utilisent la commande oculaire, ou bien un autre qui va utiliser le PODD, encore un autre qui utilise l’application SNAP + CORE FIRST, un autre, récemment, SUPERCORE… Nous utilisons aussi les signes du Makaton dans notre quotidien.
Ainsi , différents moyens d’accès et différents dispositifs. Mon activité est variée et passionnante ! Dans mon métier, au-delà de la rééducation, nous avons un rôle d’éclairage auprès des parents, nous devons nous concerter avec l’équipe, nous apprenons de chacun, c’est aussi très vivant.
Et pourquoi la CAA ? Parce que communiquer est un droit humain fondamental. C’est crucial, vital, c’est EXISTER. Il y a une citation que j’aime beaucoup du film Into the Wild : « le bonheur ne vaut que s’il est partagé ». Eh bien, je dis que la CAA, c’est pareil : c’est comme le bonheur, elle ne vaut que si elle est partagée.
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Une anecdote à partager peut-être.. ou un message à passer..
La première fois que je me suis interrogée sur la façon d’exercer mon métier, c’était avec Kevin, en Impro. Il n’avait aucune consonne lorsqu’il parlait, et j’avais pris la suite d’une consœur qui lui faisait « travailler l’articulation ».
Pour le comprendre, je lisais le cahier de liaison et participais au « quoi de neuf » du matin. Un jour, il n’a pas arrêté de dire « an i o a ». On a regardé dans le cahier de liaison : pas de pistes… J’ai interprété qu’il voulait du chocolat.
J’ai passé la séance entière à lui poser des questions, à essayer de deviner, et aussi à interroger les collègues. Il paraissait frustré de ne pas pouvoir expliciter ! La semaine d’après, mes collègues m’ont dit que Jean Nicolas, un des éducateurs, partait… Kevin avait dû être tellement frustré : quelles émotions avait-il pu ressentir à ce moment-là ?
Ne pas pouvoir produire un message fiable, ne pas pouvoir se faire comprendre, c’est dur ! Et je me suis aperçue que le seul schéma de communication que je lui avais proposé était celui de poser des questions, ou de ne faire que des interprétations. Après coup (c’est-à-dire après mes formations CAA), je me suis dit que s’il avait simplement eu un PODD, il aurait pu montrer la page « personnes », puis « éducateur » ou « Jean Nicolas »… Et on aurait pu parler d’autre chose plutôt que de le questionner sans arrêt, et lui, de cesser de ressentir cette frustration.
Et un message à passer : savoir s’adapter, ne jamais abandonner, innover et partager : des tas de solutions existent pour communiquer. J’espère vraiment une démocratisation de la CAA. On communique, c’est tout, peu importe le canal !
Article publié le 5 mars 2021. Mis à jour le 26 octobre 2021.
Line Perrin est orthophoniste depuis plus de 17 ans. Au fil des expériences, elle s’est spécialisée en Communication Alternative et Augmentée (CAA). Après plusieurs années de pratique en activité libérale et salariée, elle travaille aujourd’hui en SESSAD. Son but est de partager plus largement la CAA, notamment à travers son site CAAPRATIK.
Bonjour j’ai besoin orthophoniste pour ma fille qu’elle a une épilepsie serveur et elle pas elle parle pas et la de te plaît autistique et après accès et l’a besoin en orthophonie ça porras euh travailler sur les orages merci beaucoup