À l’occasion de la journée des aidants, le 6 octobre, nous souhaitions mettre en avant cet article. Accompagner au quotidien une personne dépendante peut être épuisant pour les familles, tant d’un point de vue émotionnel que d’un point de vue physique. Par la mise en place de gestes et de techniques, l’ergothérapie peut faciliter la vie quotidienne des aidants et des patients. Marcel Camilleri est ergothérapeute, formateur, et co-fondateur de l’organisme de formation Ekam formation. Il partage aujourd’hui avec nous ses conseils d’expert.
Comment l’ergothérapie peut-elle aider les familles à accompagner une personne en perte d’autonomie à domicile ?
Le premier conseil que je donnerai est de s’entourer. On connaît l’isolement des aidants familiaux. Il est possible de se rapprocher d’équipes spécialisées, de professionnels de terrain, ou d’associations. Des situations qui apparaissent insolubles quand on les vit au quotidien trouvent souvent des solutions grâce à un regard extérieur.
Après, pour donner une méthode plus « ergothérapique », je propose aux aidants de prendre un peu de hauteur par rapport à la situation, de repérer les différents moments clés de la journée (comme le levé, les soins d’hygiène, etc.) et de pointer ce qui fonctionne bien et ce qui fonctionne moins bien. Ensuite, je leur demande de se poser la question suivante : « Quelle est la plus petite chose qui peut être améliorée ? ». Il faut toujours aller du simple au plus complexe. Mon expérience en ergothérapie m’a permis l’analyse qui suit : beaucoup de difficultés au domicile viennent du fait que les personnes ou les équipes sont coincées dans leurs habitudes. Il y a alors, un temps de retard entre le besoin et la solution. Cette démarche est valable avec l’aide aux déplacements qui fait appel à des techniques « sensibles ». Elles doivent évoluer avec le besoin.
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Quelles sont les particularités pour les personnes atteintes d’Alzheimer ?
Le contexte d’un accompagnement pour une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer est particulier. D’abord, car il s’agit d’une maladie évolutive qui fait émerger, en fonction du stade où se situe la personne, des problématiques spécifiques et par conséquent des solutions spécifiques.
Il est d’autant plus important, en tant qu’accompagnant, de ne pas s’isoler, de garder ce recul nécessaire pour anticiper l’évolution de la maladie. Ensuite, la particularité vient de la manière dont évolue cette maladie par l’atteinte successive « des différentes mémoires ». Ce qui finit souvent par donner un tableau clinique où la personne conserve des capacités motrices, alors que sa capacité à reconnaitre ses proches et les objets s’évanouit. Je commencerai par introduire deux notions qui peuvent parfois être en conflit. La notion de sécurité et celle d’autonomie. Il n’y a pas d’autonomie sans prise de risque, mais cette dernière doit être mesurée, maîtrisée, tout comme la sécurité qui ne doit pas se transformer en entrave contre-productive.
Pour faciliter les mobilisations des personnes, il faut avoir conscience d’une notion fondamentale qui est celle des déplacements naturels automatiques. L’étude de ces déplacements a mis en évidence, ce que j’appelle, les modes d’emploi des déplacements humains. Cela fait près de 15 ans que je les étudie à travers ma pratique d’ergothérapeute et de formateur en manutention et je ne cesse d’en découvrir les subtilités. En ergothérapie, l’objectif dans les mobilisations est de se rapprocher le plus possible de ces schémas.
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Quels sont les bons gestes pour que le quotidien soit plus fluide pour les familles ?
Je ne suis pas fan de l’expression « bons ou mauvais gestes ». Dans un contexte technique comme celui de l’aide à la mobilisation, j’ai constaté qu’il existe deux types de gestuelle. Il y a « l’instinctive » qui répond instantanément aux stimuli. Un objet tombe, je le ramasse directement sans stratégie ni réflexion. Pour le dire de façon familière « comme ça vient ». L’autre, « l’analytique », nécessite réflexion et contrôle. Cette dernière relève de l’ergothérapie. Elle implique un apprentissage et une vigilance de notre part lors de son exécution.
Trois conseils simples de gestuelle stratégique pour protéger son dos.
- Ne jamais regarder ce que vous déplacez, sinon il y a de fortes chances que votre dos ne soit pas droit.
- Ne jamais déplacer vos mains sans déplacer votre bassin.
- Limiter les mouvements de flexion des coudes.
Je vais également revenir sur la notion de mode d’emploi des déplacements humains. Il existe énormément de maladresses qui pourraient être évitées, si cette notion était plus connue et intégrée. Les aides techniques ont une grande importance, elles doivent cependant être choisies et mises en place de manière judicieuse. Je conseille de se poser systématiquement 3 questions : Qu’est-ce qu’elle fait gagner ? Qu’est-ce qu’elle fait perdre ? Que vient-elle compenser exactement ? Ne jamais oublier que nous avons tous des limites et que les situations ont aussi des limites. Les aides techniques permettent de repousser ces limites en toute sécurité.
En ce contexte compliqué de crise sanitaire, quels sont vos conseils pour les accompagnateurs ?
Le contexte COVID nous met dans une situation de vigilance sanitaire accrue avec les personnes fragiles. Le masque ne facilite pas la communication avec les patients atteints de la maladie d’Alzheimer.
Il est d’autant plus important de prendre le temps d’établir un contact visuel de qualité. Il faut éviter d’aborder une personne alitée en se penchant au-dessus d’elle de toute sa hauteur, c’est très impressionnant. Faites-en l’expérience, vous comprendrez, je la propose souvent en formation. Ce que je conseille, c’est de vous mettre au niveau de la personne. Pour cela, vous pouvez vous assoir sur une chaise ou vous positionner en chevalier servant (un genou à terre). De bien capter le regard de la personne, lui offrir un regard doux, profond, et souriant.
Je conseille de bannir tous les termes négatifs de votre vocabulaire. Je fais juste une petite parenthèse à ce sujet, ma pratique de l’hypnose m’a appris combien nous sommes suggestifs. Dans la langue française, nous avons cette habitude de dire quelque chose de positif avec des mots négatifs par exemple nous disons : « Hum, il n’est pas mauvais ton gâteau » pourquoi ne pas dire directement : « Hum, il est bon ton gâteau ! ». J’entends souvent le personnel soignant demander : « Vous n’avez pas trop froid ? ». Pourquoi attirer l’attention sur le côté négatif, nous pouvons dire : « Vous avez assez chaud ? ». Amusez-vous à transformer votre discours en positif, vous verrez, c’est très bénéfique.
Et enfin, un dernier conseil : avoir une gestuelle qui invite aux déplacements et non qui les dirige.
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Marcel Camilleri
Qui suis-je ? Pour faire court, je dirais que je suis un passeur… de compétences, de conseils, de passions.
J’ai une formation d’ergothérapeute, j’ai travaillé en maison de retraite, en traumatologie, en rhumatologie, en cardiologie et en neurologie. J’ai démarré ma carrière dans une association spécialisée dans le conseil et l’essai de matériel pour le maintien à domicile. Cette expérience m’a permis de mettre un pied dans la formation. C’est donc très vite que j’ai pris conscience de mon intérêt pour la transmission.
Cette passion m’a conduit tout naturellement à créer en 2013 l’organisme de formation Ekam Formation. J’ai embarqué avec moi dans cette aventure Sylvie Camilleri qui apporte sa vision et ses compétences de qualiticienne. La mission que s’est donnée Ekam Formation est de fournir la meilleure et la plus performante expérience de formation.
Publié le : 21 avril 2021 – Mis à jour le 31 janvier 2022