Jeudi 27 mai 2021, Hop’Toys a eu la chance de recevoir en Live deux psychomotriciennes, membres de l’association Calliopé : Elodie Lemoine et Kerya Gaillan Sun. L’association Calliopé est née du souhait d’un groupe d’amis et collègues de créer un espace ressource pour les psychomotriciens et le grand public. Pendant une heure, Kerya et Elodie ont partagé avec nous leurs connaissances et leurs conseils pour l’accompagnement des enfants TDC. Découvrez le récapitulatif de ce live et le replay en fin d’article.
C’est quoi le TDC ?
Le Trouble Développemental de la Coordination, appelé aussi dyspraxie, est assez méconnu en France. Le DSM-5, le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, pose le cadre référentiel du TDC. Il est défini par une coordination motrice significativement inférieure à la normale compte tenu de l’âge de l’enfant. Ces difficultés impactent sa vie quotidienne et scolaire.
Le TDC ne doit pas être mieux expliqué par un retard mental, une pathologie neurologique ou psychiatrique. C’est un trouble neurodéveloppemental qui débute dès les premières étapes du développement, mais dont on détecte les manifestations cliniques souvent lorsque l’enfant atteint l’âge scolaire. On le diagnostique le plus souvent à partir de 5 ans.
La dyspraxie interfère de manière significative et persistante avec les habiletés de l’enfant. Apprendre des tâches motrices s’avère donc beaucoup plus complexe pour lui. Le plaisir moteur, le jeu, les activités de la vie quotidienne ou encore les activités scolaires sont par conséquent impactés.
La cause de ce trouble moteur est encore inconnue bien que des pistes soient envisagées : origine génétique, lésionnelle (prématurité et souffrance fœtale…) et structurelle/fonctionnelle, avec un développement cérébral atypique.
Classification DSM 5
Le TDC fait partie des troubles neurodéveloppementaux dans la classification du DSM 5, parmi lesquels on retrouve :
- les troubles de la communication (TLO : Trouble du Langage Oral, troubles de la parole, trouble de la fluence, trouble de la pragmatique).
- Les troubles du développement intellectuel comme la Déficience Intellectuelle (DI).
- les Troubles des Apprentissages Scolaires (dyslexie, dysorthographie, dyscalculie…).
- Le TDA/H (Trouble Déficitaire de l’Attention avec ou sans Hyperactivité).
- Le TSA (Trouble du Spectre de l’Autisme).
- et enfin les troubles moteurs avec le TDC ou les TIC.
Le TDC touche de façon plus prépondérante les garçons (ratio de 1,8 pour 1 fille), et en général, il impacte 5 à 8 % de la population française. Le TDC peut toucher la motricité fine, la motricité globale ou les deux. Il n’y a pas réellement de consensus à ce sujet. Il peut également parfois y avoir une dysgraphie, mais, contrairement à ce qu’on pourrait supposer, ce n’est pas toujours le cas.
Le TDC peut également avoir un impact psychologique. En effet, il peut être source de manque d’estime de soi, d’anxiété ou de fragilité sur le plan des relations sociales et physiologiques. Il est aussi important de noter qu’il peut y avoir des comorbidité avec : TSA, TDAH, DI.
Quels sont les signaux d’alerte du TDC ?
L’association Calliopé a créé trois infographies à destination des parents afin de présenter les différents signaux d’alerte selon l’âge de l’enfant. Si votre enfant présente certaines des difficultés évoquées, les membres de l’association vous encouragent à consulter un·e psychomotricien·ne. Souvent, chez les enfants présentant un TDC, on retrouve :
- de la maladresse dans leur corps, notamment en sport, dans les activités de motricité fine, pour s’habiller ou lors des repas.
- Des difficultés d’écriture (bien que cela ne soit pas systématique).
- Un manque d’organisation : l’enfant a du mal à gérer ses affaires ou son temps, il est désordonné…
- Des difficultés dans les apprentissages scolaires notamment en numération, géométrie, etc.
- Des difficultés à intégrer les notions spatiales et temporelles.
En conséquence de ces difficultés, l’enfant peut également être impacté au niveau comportemental et sensoriel. En effet, sa maladresse peut empêcher l’enfant d’être à l’aise avec ses pairs. Il peut alors se montrer particulièrement timide, en retrait. Les efforts qu’il déploie pour apprendre sont la source d’une grande frustration. En effet, les résultats sont rarement à la hauteur de l’effort et l’enfant se sent donc en échec. Dans cette situation, ses émotions peuvent prendre le dessus et il ne parviendra pas à gérer sa colère ou sa tristesse.
Chaque enfant est unique et les signaux d’alerte peuvent être multiples. Il est donc essentiel d’établir un diagnostic différentiel et un bilan pluridisciplinaire.
>> Pour en savoir plus, téléchargez l’infographie de l’association Calliopé
Quels sont les impacts sur la vie de l’enfant ?
Dans la vie de l’enfant, on peut observer une réduction de l’intérêt pour les activités physiques. Ses difficultés motrices le conduisent à éviter les activités sportives. C’est pourquoi, on constate notamment une proportion plus importante de surpoids et d’obésité chez les enfants avec TDC. De la même manière, on remarque un évitement des situations sociales. En effet, les troubles moteurs peuvent être un frein à la participation sociale. Par exemple, un enfant avec TDC ira plus difficilement jouer au foot avec ses camarades, même s’il en a envie, car ces derniers auront pu, par le passé, l’exclure de différents jeux à plusieurs reprises.
Le TDC impacte l’autonomie dans les actes de la vie quotidienne. Se laver ou s’habiller peut être particulièrement difficile. Ainsi, l’enfant ne pourra pas mettre tous les habits qu’il souhaiterait, car cela représente une trop grande difficulté pour lui. Se changer en collectivité, comme cela peut être le cas à la piscine ou en sport, crée donc un sentiment de gêne, voire de honte chez l’enfant.
Les déplacements peuvent être lents ou atypiques. Dans la cour ou dans l’école, ils peuvent donc être encore une fois source de honte et de stigmatisation, car l’enfant va chuter, se heurter à d’autres personnes…
Du point de vue des apprentissages, l’enfant ayant un TDC rencontre des difficultés, notamment pour écrire vite et bien ou faire des tracés géométriques. Des actes qui semblent simples pour les autres, s’avèrent très complexes pour lui. Il sera donc plus lent, moins habile et, par conséquent, il se percevra souvent comme moins compétent que les autres. On peut observer des fluctuations des compétences et un défaut d’automatisation du geste. L’entourage a alors tendance à employer l’adage “quand il veut, il peut” alors que ce n’est pas réellement le cas. Toutes ces conséquences sont la source d’une faible estime de soi, d’une grande anxiété, voire d’un isolement.
Spécificités du bilan psychomoteur : comment le psychomotricien participe au diagnostic ?
Le diagnostic repose sur des bilans pluridisciplinaires (psychologie, orthophonie, ergothérapie, psychomotricité). Il n’existe pas de bilan psychomoteur “spécifique” TDC dans le sens où on évalue toutes les sphères. On met en évidence les capacités, les compétences de l’enfant qui serviront de points d’appui pour les séances de psychomotricité.
Le bilan contient une anamnèse, des observations cliniques ainsi que des tests et questionnaires standardisés qui renseignent les critères de mesure, d’impact, d‘apparition et d’exclusion du DSM 5 (critères A, B, C, D). Parmi les tests et questionnaires standardisés, on retrouve :
- MABC-2
- NP-Mot
- NEPSY II
- BHK
- Questionnaire du MABC-2
- DCDQ FE.
L’enfant vient en bilan le plus souvent suite à des troubles visibles, observables. Les psychomotricien·nes évaluent la tâche et les processus sous-jacents (aspects praxiques, perceptifs, neuromoteurs, attentionnels, mais aussi les fonctions exécutives, l’intégration sensorielle, la motivation et les émotions). Pour en savoir plus, découvrez l’iceberg des TDC d’Aurélien d’Ignazio dans l’article suivant :
>> Psychomotricité : TDC et dyspraxie développementale
Quelles sont les pistes d’intervention en psychomotricité ?
L’objectif est d’améliorer les capacités de l’enfant sur le plan fonctionnel, mais aussi dans ses interactions avec les autres et sur le plan psychologique (meilleure estime de lui, baisse de l’anxiété). Il existe des recommandations officielles qui ont une efficacité reconnue :
- top/down (centré sur la tâche) et bottom-up (centre sur les processus)
- travail de métacognition avec des outils comme PI-Fam ou Reflecto
- Programmes d’auto-instruction
- méthode CO-OP
- l’Approche NTT
- Imagerie motrice
D’autre part, le rapport de l’Inserm recommande également divers outils :
- travail autour de séquences de gestes (chorégraphies, manipulation d’objets).
- Jeux qui demandent de l’anticipation comme le jonglage ou tous les jeux d’adresse.
- Travail proprioceptif, ou en s’appuyant sur le sens du toucher avec les yeux fermés par exemple.
- Situations de doubles tâches (cognitif + moteur).
- Proposer un travail faisant appel à deux composantes motrices (posture et motricité fine).
- Parcours psychomoteurs (équilibre, espace).
Deux approches distinctes et complémentaires
Travail en SESSAD
Un SESSAD est un Service Educatif de Soins Spécialisés à Domicile. Pour être pris en charge, il y a une reconnaissance MDPH ou MDA, qui amène à une notification en SESSAD. On ne peut pas aller spontanément inscrire son enfant en SESSAD, cela doit obligatoirement passer par la notification. Bien souvent, il y a une liste d’attente.
La journée, le « domicile » des enfants, c’est l’école. Une équipe mobile se déplace donc dans les écoles et les collèges. C’est une équipe pluridisciplinaire composée de différents auxiliaires de la médecine (psychomotriciens, ergothérapeutes, orthophonistes, orthoptistes), mais aussi de psychologues, d’éducateurs spécialisés, d’une assistante sociale et d’un médecin, dirigés par un chef de service.
Quand il arrive, l’enfant est évalué en bilan par les différents professionnels. Ces bilans sont prescrits par le médecin du service. Le recueil des besoins, de la motivation et du consentement éclairé est fait à l’aide de différents outils. Après concertation, l’équipe décide des modalités de suivi pour l’enfant. À la lumière des informations croisées par les différents professionnels, il sera alors préconisé les priorités de soin. Par exemple, un enfant TDC peut avoir 2 séances de psychomotricité, 2 séances d’ergothérapie, 1 séance d’orthophonie par semaine et un suivi psy tous les quinze jours dans un premier temps.
Le projet est réajusté selon l’évolution du patient et sa disponibilité. L’accent étant globalement mis sur la rééducation des fonctions psychomotrices avant 12 ans, puis sur la compensation du handicap tout en veillant à adapter au maximum le milieu dans lequel il évolue, en fonction de ses désirs et de ses potentialités. L’objectif est de rendre l’enfant et sa famille acteurs du projet de soin au maximum et de travailler en partenariat avec l’Éducation Nationale.
Travail en libéral
Comme en SESSAD, la prescription médicale est obligatoire. Ce sont principalement les neuropédiatres, pédopsychiatres ou pédiatres qui vont orienter le patient vers un·e psychomotricien·ne. Bien plus rarement, les médecins généralistes.
Le repérage des difficultés est souvent effectué par les enseignants, les orthophonistes, psychologues, psychologues scolaires, orthoptistes, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, etc. Ils encouragent les familles à en parler à leur médecin afin d’avoir une prescription pour venir en psychomotricité ou à nous contacter directement. Mais la prescription médicale reste indispensable.
En libéral, le travail en réseau est important. Il n’y a pas “d’équipe” au sens littéral du terme, mais les relations avec tous les partenaires sont indispensables et tout à fait possibles ! Nous n’avons pas de réunions comme en institution, mais nous échangeons régulièrement avec tous les professionnels qui entourent l’enfant. Nous pouvons aussi nous rendre disponibles pour les équipes éducatives au sein de l’école.
Contrairement au SESSAD où les enfants arrivent avec un diagnostic déjà posé ou en cours (car qui dit SESSAD, dit dossier MDPH et donc reconnaissance de handicap), en libéral, on se retrouve régulièrement en première ligne. On oriente alors les familles pour investiguer de façon plus poussée, en les redirigeant vers des professionnels compétents qui seront à même de poser un diagnostic. On peut proposer une guidance familiale si nécessaire, les échanges sont réguliers avec les familles. L’exercice libéral n’est pas “mieux” ou “moins bien” pour l’enfant, c’est juste une autre manière de travailler.
Quels conseils donnez-vous aux parents ?
Le premier conseil est de mettre un point d’honneur à la sensibilisation : de l’enfant lui-même, de sa famille, du personnel de l’école, toutes les personnes qui font partie de son environnement social. Il est également important de prendre le temps d’évaluer les besoins de chaque membre de la famille et d’essayer de tendre vers la division idéale de temps que l’on peut offrir aux différents enfants. Essayez de choisir des tâches en fonction des aptitudes de chacun.
N’hésitez pas à vous rapprocher de parents qui vivent des situations similaires (associations, cafés des parents, groupes de parole). Ils sont parfois mieux placés pour apporter du réconfort et de la ressource que la famille étendue, qui peut se montrer de bonne volonté mais qui ne comprend pas toujours les besoins et le quotidien de l’enfant avec TDC.
L’enfant ayant un TDC peut être irritable et peut se fâcher facilement. Ceci est souvent à mettre en lien avec l’incompréhension du monde qui l’entoure. Il est donc important d’établir des règles familiales pour que les situations frustrantes soient le moins présentes possible à la maison. C’est pourquoi il est primordial d’éduquer les autres enfants à la problématique de leur frère/sœur. Évidemment, les railleries et moqueries sont à proscrire le plus possible, car l’impact sur l’estime de soi peut être très fort.
En partant de la motivation de l’enfant, il peut être intéressant de favoriser des activités extrascolaires différentes de celles des frères et sœurs, afin d’éviter toute possibilité de comparaison. De cette façon, il ne sera comparable à aucun autre et pourra lui aussi être le meilleur de la famille dans quelque chose. D’une façon générale, s’il y a un TDC qui touche les coordinations globales, un sport individuel est plus conseillé. Pour l’aspect collectif et les relations sociales, on peut aussi penser à toutes les activités artistiques comme le théâtre.
Pourquoi pas établir des tours de parole, pour que chacun puisse raconter sa journée à l’école ? En effet, il peut être difficile pour l’enfant avec TDC de savoir quand il peut prendre la parole. Du fait de ses difficultés, il peut avoir tendance à se retirer d’une conversation et s’isoler. Il peut avoir peur d’oublier s’il est interrompu, car il aura du mal à reprendre le fil de sa pensée.
Quels conseils donnez-vous aux enseignants ?
Les enseignants jouent également un rôle dans l’accompagnement des enfants ayant un TDC. Le formulaire du PAP, disponible sur le site du Ministère de l’éducation nationale, est une bonne base. Il est aussi important de discuter des aménagements possibles avec les parents et les professionnels de santé qui suivent l’enfant. Voici une liste non-exhaustive de conseils qui seront à choisir selon les besoins de chaque enfant :
- privilégier l’agenda au cahier de texte.
- Aider l’enfant à s’organiser dans son travail (étapes à respecter).
- Mettre en place un tutorat par un autre élève.
- Suivant l’âge et la problématique de l’enfant : aménagements pour le graphisme (photocopies, exercices à trou, réduction du nombre d’exercice pour les évaluations, QCM, schéma à légender uniquement et non à produire).
- Ne pas sanctionner le soin et la présentation, surtout quand l’utilisation d’outils scolaires est nécessaire.
- Proposer du matériel adapté (compas autobloquant, règle avec poignée, ciseaux avec ressort par exemple).
- Proposer des supports épurés, augmenter les contrastes et la taille si besoin, notamment en géométrie et géographie.
- Présenter les calculs avec des repères de couleur.
- Séquencer et décrire verbalement la tâche à accomplir plutôt que passer par la simple répétition (pour l’écriture par exemple ou le sport).
- Tenir compte de sa fatigabilité et de sa lenteur, possibilité d’alléger certaines activités (exercices en moins) ou de donner du temps supplémentaire.
- Encourager et valoriser le fait d’essayer.
- Privilégier l’oral pour les évaluations.
- Proposer, dans la journée, des activités pour lesquelles l’enfant se trouvera en réussite.
Il y a souvent plusieurs élèves par classe ayant besoin d’aménagements spécifiques. Nous sommes bien conscients que cela demande un investissement conséquent pour les enseignants en termes de temps. Mais certains aménagements peuvent être étendus et profiter à toute la classe.
Quel matériel conseillez-vous ?
Le matériel utilisé peut être très varié mais les psychomotricien·nes de l’association Calliopé ont listé du matériel coup de cœur qu’ils partagent avec vous.
Exercer la motricité fine et le tonus
Atelier vissage : Ce très beau jeu de vissage en bois permet de développer la motricité fine tout en abordant l’apprentissage et la reconnaissance des couleurs. On s’amuse à reproduire les modèles en enfilant, puis en tournant les vis dans le bon ordre.
Suspend : Arriverez-vous à accrocher l’ensemble des pièces sur le jeu Suspend ? Le but est de mettre l’ensemble des tiges sur la base du jeu, sans le faire tomber ! Le premier qui n’a plus de tiges a gagné ! Un vrai défi d’habileté qui en fera rire plus d’un !
Tricky Finger : Reproduisez du bout des doigts la position des billes de couleurs sur les cartes modèles. Un jeu tout simple pour faire travailler de manière efficace et ludique la dextérité fine, et plus particulièrement la souplesse des doigts.
Équilibre et motricité globale
Air board : Un outil parfait pour travailler l’équilibre. Il est doté d’une surface dure reposant sur une base gonflable douce, idéale pour exercer un contrôle moteur et renforcer les muscles des chevilles, des jambes et du haut du corps.
Toupie géante : Fou rire assuré dans la toupie géante ! Les enfants s’assoient dedans seuls ou à deux et font tourner la toupie en utilisant le poids de leur corps. Du coup, ils développent leur équilibre, leur coordination et leur force de manière ludique.
Ballon poids plume : Le ballon poids plume ressemble à un ballon de plage mais en beaucoup plus léger! Si léger qu’on peut le soulever d’un seul doigt sans effort ! Demandant peu d’effort lors de la préhension, il est idéal pour apprendre aux enfants à attraper.
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