À l’occasion de la Journée européenne de la psychomotricité 2017, nous avions avions demandé à Zara Lassalette, alors étudiante en 2e année à l’ISRP (Institut Supérieur de Rééducation Psychomotrice) de Marseille et vice-Présidente en charge de la solidarité à l’international à l’ANEP (Association Nationale des Etudiants en Psychomotricité) de nous parler de la formation et des projets fous dans lesquels s’investissent les 2500 étudiants français en psychomotricité.
Trois ans après, nous avons demandé à Zara de nous raconter la suite de son parcours, la vision de la psychomotricité qu’elle avait à présent. Voici donc, dans la première partie de cet article, des nouvelles de Zara, aujourd’hui diplômée et forte de nouvelles rencontres, pratiques et formations. Une jeune psychomotricienne passionnée et dont on adore la vision de son métier !
« J’ai eu l’opportunité de vivre des expériences aussi riches que passionnantes durant les trois années qui ont suivi la rédaction de cet article. Je suis à présent diplômée, depuis un an, et, si ce cursus est incroyable aussi bien humainement que professionnellement, la suite l’est tout autant !
Solidarité internationale : une expérience inter-écoles pour questionner son accompagnement
Lorsqu’on est étudiant en psychomotricité ou professionnel, il est possible de construire des projets ouverts à la solidarité internationale et de partir en mission pour une durée déterminée.
APOR (Association Pour les Orphelins Roumains) fait partie des associations étudiantes permettant à certains de s’engager dans ce type de missions ; 2 à 3 semaines en Roumanie, chaque été depuis déjà de nombreuses années. Sa particularité est d’être ouverte à plusieurs écoles à travers la France ; 6 peuvent aujourd’hui proposer des étudiants pour ces missions. Et la force de cette démarche réside précisément dans le fait que des approches différentes pourront être proposées sur place.
Les études en psychomotricité ne sont pas encore tout à fait uniformisées entre écoles et si le tronc des connaissances est évidemment commun, chacune propose des spécificités. En 2018, nous, étudiants de Marseille avons eu la chance de partir avec un étudiant toulousain et une étudiante rouennaise, ce qui a énormément nourri nos réflexions.
Nous sommes restés 3 semaines sur place. Nous travaillions chaque jour en partenariat avec deux orphelinats. L’un accueille des enfants de 2 à 13 ans, l’autre des adolescents de 12 à 18 ans, présentant des types de handicaps très différents. Chaque étudiant intervenait simultanément dans les deux. Nous étions organisés en binômes avec deux enfants, afin de favoriser une relation duelle. Nous les voyions en moyenne 4 heures par jour.
La mission était courte et aucun d’entre nous n’était diplômé ; les objectifs principaux n’étaient donc pas d’entamer une thérapie à proprement parler mais plutôt de proposer des temps de rencontres d’expressions et de partage autour d’nu axe psychomoteur spécifique à chaque enfant.
Ce voyage a nourri en chacun de nous un grand sentiment de solidarité et les échanges n’en étaient que plus riches. La barrière de la langue pouvait être difficile, mais le langage du corps est universel ! Ces difficultés de langue nous ont aussi poussés à toujours nous adapter dans notre communication, et il me semble que l’adaptation au moment présent est un savoir être essentiel dans le métier de psychomotricien.
Je crois que cette mission nous a permis d’appréhender notre futur métier dans une perspective différente et plus élargie, dans une culture où le rapport au corps et au handicap est si différent que ce que nous connaissions, nous obligeant ainsi à nous questionner d’autant plus sur notre accompagnement.
L’improvisation théâtrale : plus d’outils pour être là praticienne que j’aspire à devenir.
Après mon diplôme, j’ai pris la décision de m’expatrier en Angleterre pour 18 mois. Je n’exerce pas en tant que psychomotricienne mais je me forme actuellement à l’improvisation théâtrale, qui fait partie de ces médiations que l’on peut investir et utiliser dans notre accompagnement, soutenu par nos connaissances théoriques.
Je ressentais le besoin de me nourrir encore et d’une manière différente afin de maîtriser encore plus d’outils pour être là praticienne que j’aspire à devenir. C’est une médiation qui résonne en moi. La vocation de l’école est de nous faire vivre dans nos corps le plus d’expériences possibles pour que l’on apprenne à connaître notre identité et ce qui résonne en nous, autant professionnellement qu’individuellement, en nous donnant l’opportunité de nous ouvrir à tout un panel d’expériences corporelles tout en y mettant le sens du psychomotricien. Mais il ne tient qu’à nous d’approfondir tel ou tel sujet pour l’intégrer à notre pratique. C’est un cheminement très personnel, propre à chacun. Cette liberté est très précieuse, liberté qui concerne d’ailleurs tant de professions du soin !
Aujourd’hui encore, je reste persuadée que nous avons le devoir de continuer à nous former et à enrichir autant nos connaissances que nos expériences.
Trois années sont le strict minimum pour avoir un socle solide de connaissances en psychomotricité, mais c’est un univers si vaste, si complexe, qu’il me semble nécessaire de toujours essayer d’élargir ses horizons et de se remettre en question afin de ne pas s’enfermer dans une seule perspective. Et d’être ainsi en mesure d’accompagner nos patients comme ils méritent de l’être.
La psychomotricité ce n’est pas simplement un métier
La psychomotricité ce n’est pas simplement un métier, c’est un certain regard sur l’environnement et sur l’autre, une philosophie de vie et un chemin que l’on fait, avec soi avant tout, pour ensuite mieux accompagner l’Autre.
Ça a quelque chose de très galvanisant de savoir que cette voie professionnelle offre un apprentissage perpétuel que viennent influencer toutes les sphères de la vie avec tant de justesse.
Faire front, toutes disciplines confondues
Ce qui résonne aussi énormément aujourd’hui c’est l’importance de la communication et du soutien entre professionnels. D’autant plus que les réalités du terrain sont parfois si difficiles et résonnent tellement pour les professionnels comme pour les patients, qu’il me semble vital de faire front, tous ensemble et toutes disciplines confondues.
La psychomotricité aujourd’hui pour moi, ce n’est pas seulement des connaissances théoriques et un savoir faire, mais avant tout de la bienveillance, de la solidarité et un savoir-être .
Pour ma part je vais essayer de continuer d’apprendre afin de nourrir quelques projets qui naissent en moi petit à petit, forte des ces expériences incroyables et désireuse d’être une professionnelle suffisamment présente à moi et aux autres.
Ce témoignage passionné est en train de susciter en vous une vocation ? Découvrez plus avant les études de psychomotricien·ne, toujours avec les mots de Zara Lassalette, alors qu’elle était étudiante en 2e année.
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous avez souhaité devenir psychomotricienne et nous présenter votre parcours ?
Le choix des études en psychomotricité a été comme une évidence. Je suis passionnée depuis toujours par le fait de « comprendre ». Comprendre le monde, les autres, les relations qui nous lient, ce qui nous fait grandir. J’ai besoin de sens dans mon quotidien, je voulais absolument exercer un métier qui servirait à quelque chose, qui servirait aux autres, tout en gardant cet aspect purement scientifique que je trouve passionnant. En classe de 1e, ma professeure de biologie, alors directrice d’une prépa aux concours de santé, nous a présenté la psychomotricité. Ça a été une révélation, je tenais ma vocation ! Un métier où la routine n’a pas sa place, un métier où on apprend mais aussi où l’on s’apprend. Une profession qui évolue, en pleine expansion.
Après mon baccalauréat, j’ai donc entamé une prépa aux concours de psychomotricité, passage quasi obligatoire pour toutes les écoles où l’entrée se fait sur concours. J’avais certaines craintes d’avoir un petit peu idéalisé le cursus, la psychomotricité est complexe à comprendre et à appréhender. Mais heureusement, je ne fais qu’aller de surprise en surprise depuis le début de cette aventure.
>> Découvrir le métier de psychomotricien en une infographie !
Quelle définition donneriez-vous de la psychomotricité ?
Je vous proposerais une définition issue d’une réflexion commune de ma classe :
La psychomotricité est une discipline visant à rétablir une harmonie entre le corps et l’esprit, par l’intermédiaire de différentes médiations, en prenant l’individu dans sa globalité.
Elle considère que les fonctions motrices et l’état psychique, affectif et relationnel sont en lien et ont des effets mutuels.
Le psychomotricien passe par une médiation pour remédier à la difficulté ou au trouble. Il agit sur le corps pour harmoniser les fonctions motrices, intellectuelles et affectives. Une médiation peut être un objet, un jeu, une technique corporelle de stimulation, d’expression ou de relaxation, une activité artistique ou sportive…
Quelle qu’elle soit, la médiation met en jeu le corps. Le choix de la médiation corporelle se fait en fonction de la personne, de ses affinités et de ses difficultés.
Le psychomotricien aide son patient à trouver ou retrouver un équilibre psycho-corporel, à mieux prendre conscience de son corps, à le maîtriser, à en faire un instrument capable de s’exprimer et de communiquer. Ce qu’il y a de passionnant à mes yeux, c’est qu’un psychomotricien peut exercer dans n’importe quelle structure et dans n’importe quelle équipe. Ce qui est primordial, c’est de savoir s’adapter. L’apport théorique de notre formation vise à ce que nous puissions travailler aussi bien avec les personnes âgées, qu’avec les enfants présentant des troubles du spectre autistique ou psychotiques, ou encore un public polyhandicapé.
Le psychomotricien peut aussi travailler sur tout ce qui est trouble de l’apprentissage de l’écriture chez les jeunes enfants.
Il y a autant de psychomotriciens qu’il y a d’individus.
Où exercent les psychomotriciens ?
Après notre diplôme, nous pouvons exercer en structure : IME (Institut médico-éducatif), CMPP (Centres Médico Psycho Pédagogiques), EHPAD (Etablissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), ITEP (Institut Thérapeutique Éducatif & Pédagogique), MAS (Maison d’accueil spécialisée), FAM (Foyer d’accueil médicalisé) ou en libéral. Au fil de nos études nous avons l’obligation d’effectuer des stages dans le plus de structures possibles, afin d’avoir une expérience plus riche. Nous avons énormément de cours pratiques afin d’expérimenter d’abord sur nous pour mieux transmettre les diverses médiations que nous serons amenés à faire.
De mon point de vue d’étudiante, j’ai l’impression que la profession est très controversée, et qu’il y a encore beaucoup d’a priori. J’entends souvent « la psycho-quoi ? » ou encore « Ah mais vous ne faîtes que jouer avec les patients !».
Du fait de sa jeunesse, la psychomotricité n’est pas encore très reconnue. Chaque professionnel de santé a pour moi sa place dans une équipe et un regard différent, mais très important, sur les différents troubles que nous pouvons rencontrer. Nous avons tous à apprendre les uns des autres car nous sommes tous formés de manière différente. Toutes les professions paramédicales œuvrent pour le même but : que les patients vivent au mieux. Chacun à notre manière, nous pouvons y contribuer. Le « travailler ensemble » me semble presque vital pour une prise en charge optimale. C’est cette richesse qui m’apparaît comme notre plus grande force dans le monde médical.
J’aime à croire que le psychomotricien fait du lien entre toutes les spécialités, sans toutefois empiéter sur ces dernières.
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Comment se déroulent les études de psychomotricité ?
Notre cursus se déroule en 3 ans. Étant donné la jeunesse de la profession, les cursus ne sont pas encore uniformisés. Selon les écoles, les modalités d’entrée sont très différentes (concours, 1e année de médecine, STAPS ou biologie ou encore licence en STAPS ou en psychologie). Les prix aussi varient ; de 450 à 10 000 € l’année. Nous sommes 2500 étudiants chaque année en France. Marseille, en termes d’effectifs, est la 3e école de France, avec à peu près 120 élèves par promotion. Mais généralement les classes sont beaucoup plus restreintes, allant de 20 à 70 élèves.
La psychomotricité reste malheureusement une discipline très féminine. Mais, ce qui fait notre force, à mon sens, c’est la variété des profils.
Si majoritairement nous avons 21 ans et avons réalisé un parcours « classique », de lycée-prépa-concours, il y a des étudiants de 19 à 46 ans, des reconversions professionnelles, des gens qui étaient déjà dans la santé ou pas du tout. C’est une réelle richesse, les échanges n’en sont que plus intéressants. À Marseille nous avons la chance d’avoir énormément de pratiques par groupe de 25. J’ai l’impression que nous sommes plus à l’aise avec nous-mêmes et le reste du monde, ça a quelque chose de très galvanisant. D’une manière générale, je pense que notre formation ne s’arrête pas après l’obtention de notre diplôme d’état et que nous ne cessons d’apprendre. Nous avons à apprendre de tout patient et de toute personne, quelle qu’elle soit. Notre devoir est de nous former continuellement.
La réalisation de projets concrets est également un aspect important de votre formation. Pouvez-vous nous expliquer ce que sont les PEA ?
Chaque année à Marseille, nous devons faire partie d’un PEA (Projet Extra Académique) afin de promouvoir la psychomotricité et de faire connaître notre métier. Il s’agit aussi d’apprendre à travailler en équipe, à résoudre des problématiques… De nombreuses actions ont déjà vu le jour. Chaque année un PEA récolte des fonds pour le Téléthon, un autre sensibilise au don du sang. Certains étudiants s’impliquent dans des projets musicaux avec une association, ou encore dans une grande course annuelle réunissant des personnes en situation de handicap et des personnes valides. Une équipe fait partie de la 4L Trophy, une autre organise des rencontres avec des enfants à haut potentiel, ou encore organise un week end ski avec des enfants déficients visuels… et j’en passe ! Le plus gros projet reste néanmoins celui organisé avec l’association Psychotrot, qui organise des voyages en solidarité à l’étranger (projet au Pérou, au Guatemala ..). Ces PEA insufflent un réel dynamisme aux étudiants.
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Vous faîtes partie de l’Association Nationale des Étudiants en Psychomotricité, l’ANEP. Pouvez-vous nous éclairer sur les missions de cette association ?
Ce bureau national, qui change chaque année, a pour vocation de traiter tout ce qui touche aux problématiques étudiantes actuelles. J’en fais partie en qualité de Vice-Présidente en charge de la Solidarité à l’International. Mon rôle consiste à être présente pour les étudiants souhaitant monter des projets de solidarité, mais aussi à me tenir informée de ce qui se fait en France.
Cette année, l’ANEP et deux psychomotriciennes ont mis en place une carte interactive sur laquelle on peut trouver toute les informations concernant la psychomotricité à l’international.
Plus généralement, l’ANEP est présente pour les étudiants, mais, surtout, elle leur donne une voix. Nous sommes 12 en France, dans des écoles différentes, et organisons plusieurs week end aux thèmes différents pour informer les étudiants des nouveautés et pour les réunir.
Comment voyez-vous votre avenir de praticienne ?
J’aimerais, après mon diplôme, partir un an ou deux autour du monde pour faire de la solidarité. Après quoi je pense travailler deux trois ans en France avant de possiblement faire un master en Amérique latine. Mon projet, sur le long terme et après quelques années en institution, serait de créer une compagnie de plusieurs psychomotriciens où l’on retrouverait toute les formes d’art. L’improvisation théâtrale a toujours fait partie de ma vie et j’aimerais l’associer à la psychomotricité.
Et vous, pourquoi avez-vous choisi des études en psychomotricité ? Qu’est-ce qui, chaque jour dans votre métier, vous donne encore ce plaisir à l’exercer ?