Lali Dugelay, sur le spectre de l’autisme, est spécialiste de l’inclusion du handicap en entreprise. Nous l’avons interrogé sur le burnout autistique. Quelles en sont les caractéristiques ? Comment peut-il être vécu par une personne TSA ? Dans cet article, Lali nous éclaire sur ce sujet.
Burnout autistique : un état émotionnel autistique
Le burnout autistique est un terme utilisé pour décrire l’état d’épuisement émotionnel et physique, qui peut se produire chez certaines personnes ayant un trouble du spectre de l’autisme (TSA). Il se caractérise par un état d’incapacité, d’épuisement et de détresse dans tous les domaines de la vie. Une perte de motivation, des difficultés de concentration et de mémoire, une augmentation de la sensibilité sensorielle, une irritabilité. De plus, une diminution de la tolérance aux stimulations sensorielles et/ou une dépression peuvent également être la manifestation d’un burnout autistique.
Son origine
Le burnout autistique est souvent une conséquence du camouflage social (masking) dans lequel vivent en permanence les personnes autistes. Sans soutien de la part de l’entourage personnel et/ou professionnel, la personne TSA finit par se retrouver dans un état de surcharge mentale qui peut mener à cet effondrement. Effectivement, le stress élevé et l’anxiété ressentis à force de tenter de s’adapter à un environnement conçu selon des normes neurotypiques fait partie de cette charge.
Il se distingue du burnout professionnel en ceci qu’il n’est pas exclusivement lié aux conditions de travail. Lors d’un burnout professionnel, le simple fait de ne pas aller au bureau pendant le temps de votre arrêt de travail contribue à améliorer votre état. Le terrain professionnel peut cependant largement contribuer à conduire le salarié TSA à un burnout autistique. Les efforts consentis et la suradaptation représentent un challenge de longues heures par jour. Surtout dans un environnement inadapté aux spécificités de la personne.
Lali et son burnout autistique
Le burnout autistique que j’ai connu en 2018 était consécutif à un burnout professionnel. L’un a entraîné l’autre, et inversement, sans que je sache dans quel ordre. Être un salarié autiste dans le monde du travail ordinaire est une véritable gageure. Transports en commun, réunions à la chaîne et sans fin, repas avec les collègues, bavardages, odeurs, agitation, lumière électrique, sonnerie de téléphone… Ce sont autant de situations sociales et de surstimulations sensorielles ressenties comme de véritables agressions physiques presque palpables.
À cela, s’ajoute une énergie phénoménale. On doit la mobiliser à chaque instant pour tenir des conversations à répétition. Où encore, pour réagir à telle ou telle situation sociale comme on pense que ce doit être le cas. Il faut le temps d’analyser l’image que l’on renvoie dans notre attitude physique et dans nos réponses un peu trop directes aux yeux de beaucoup…
Les neurotypiques ne peuvent pas imaginer le bouillonnement interne permanent qui nous habite.
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Le ressenti des personnes TSA
La personne autiste victime d’un burnout autistique ressent une fatigue chronique qui lui semble insurmontable, couplée à la sensation que ses compétences sont mises à mal, voire totalement occultées. La tolérance face aux stimuli extérieurs peut être réduite à néant et « tout devient trop ». Cette surcharge sensorielle peut classiquement se manifester sous forme de shutdown (fermeture) ou de meltdown (effondrement émotionnel).
Le phénomène du shutdown
Dans le cas du shutdown, les personnes concernées se replient sur elles-mêmes, se renferment. Elles ne parlent plus, ferment les yeux, se bouchent les oreilles, se balancent. L’objectif étant de s’extraire à tout prix de leur environnement vécu comme une explosion interne. Si ce renfermement sur soi-même ne suffit pas à canaliser l’explosion interne, la personne vit un meltdown : véritable explosion de cris, pleurs, agression envers autrui ou envers soi-même pour expulser le trop-plein de sensations.
Des vécus différents
Les personnes TSA vivant un burnout autistique vont très souvent passer par un meltdown. Mais toutes ne passeront pas par le shutdown.
C’est par exemple mon cas. Je ne sais pas extérioriser mes sensations et émotions. Nous avons une nette tendance à nous replier sur nous-mêmes, fuir encore plus les interactions sociales, à beaucoup culpabiliser, car nous sommes peu comprises de notre entourage neurotypique.
« Prendre soin de soi et se reposer ». C’est un concept qui nous échappe souvent, nous personnes autistes . Par exemple, mes pensées sont constamment envahies de questionnements, de doutes, de recherches de logique, d’observations, d’imitations… Je suis incapable de ne pas cogiter, analyser, réfléchir.
Une charge non négligeable
La culpabilité peut être immense, liée au sentiment de ne pas être à la hauteur, de faire aveu de faiblesse, alors que l’on attend de la femme qu’elle soit une parfaite épouse, mère, amie, salariée, collègue… Une surcharge mentale implicitement imposée par notre société. Elle se cumule aux spécificités autistiques induisant naturellement un état d’anxiété chronique.
Beaucoup de personnes TSA ont le sentiment d’être « au bord du gouffre » à chaque instant. Un simple événement qui pourrait sembler anodin aux neurotypiques peut faire basculer votre belle énergie positive. Il est alors indispensable de savoir retourner dans sa bulle et d’être respecté.e dans l’isolement et le silence dont nous pouvons avoir besoin.
En ce qui me concerne, une pratique sportive régulière se révèle très bénéfique lorsque je sens que mon anxiété pourrait mener à un nouveau burnout autistique. Mais c’est à peu près le seul moment où je ne pense à rien d’autre que l’effort physique que je suis en train de fournir.
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L’impact sur la vie des personnes avec autisme
Le burnout autistique a des impacts importants dans la vie des personnes autistes. Cela agit sur la santé (mentale et physique), sur les actes de vie courante et conséquemment sur la qualité de vie générale, et sur les relations sociales.
Plus que tout, le burnout autistique impacte négativement l’image que la personne a d’elle-même. Mais souvent doté d’un ego sous-dimensionné, cet état finit de nous donner le sentiment d’être inadaptés à la société en général et à l’entreprise en particulier. S’ensuit une profonde remise en question de notre utilité et de l’intérêt de poursuivre nos efforts qui sont mal récompensés. Peu de neurotypiques ont conscience de ce fait. On recense dans la population concernée une tendance accrue au suicide.
Retrouver un plein épanouissement après un burnout
Le parfait bien-être de tout être humain tient au fait que son environnement lui semble bienveillant, adapté à ses besoins, épanouissant, positif, valorisant… Une fois les causes du burnout identifiées et réglées, il peut aspirer à retrouver un plein épanouissement. Pensez en revanche que la personne autiste vit rarement dans un tel environnement, puisque par définition, elle se trouve dans l’incapacité de rentrer dans la « norme neurotypique ». Se relever d’un burnout sans dommages s’avérera donc quasi-impossible, mais on apprend à vivre avec ces stigmates à l’âme et à faire preuve de résilience pour avancer vers une vie somme toute épanouissante pour peu que l’on soit bien entouré, et c’est bien là tout le challenge !
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Et vous, avez vous déjà vécu un burn out autistique ? N’hésitez pas à nous partager votre expérience et à nous donner vos conseils !
Forte d’une expérience professionnelle de 25 années, Lali est elle-même concernée par le handicap (autiste Asperger, TDAH, HPI, multi-dys) et connaît parfaitement les arcanes de la mise en place d’aménagements et d’actions de communication au handicap en entreprise. Elle distille dans ses interventions une hymne à la joie de l’inclusion. Convaincue que le monde du travail peut s’avérer un formidable lieu d’épanouissement pour toutes les diversités. Pour peu que l’on y soit correctement sensibilisé.
Régulièrement sollicitée par les médias, Lali vient par ailleurs de publier un ouvrage aux éditions Jouvence. « L’autisme est mon super-pouvoir », un livre feel-good. Il est destiné à démontrer que l’on peut vivre son unicité de façon optimiste et joyeuse.
Son site internet : Aspie at work. La retrouver sur LinkedIn.