À l’occasion du mois de l’autisme, Lali Dugelay, créatrice du site Aspie At Work, nous a fait le plaisir de partager son histoire le 7 avril 2022 lors d’un live sur nos réseaux sociaux. Adulte avec autisme diagnostiquée tardivement, Lali souhaite faire connaître l’autisme, et ainsi démontrer que toutes les personnes ont une place en entreprise ordinaire, malgré les préjugés. Elle nous partage son vécu, son parcours et ses astuces. 

Vivre l’autisme : parlons-en !

Comment expliquer le spectre de l’autisme?

Le trouble du spectre de l’autisme (TSA), regroupe un ensemble de troubles neurologiques. Ce trouble se caractérise notamment par des dysfonctionnements dans les interactions sociales, la communication (verbale et non-verbale), les comportements, et les activités.

Il existe autant de formes autistiques qu’il y a d’autistes.

Les deux principales sont celles avec déficience intellectuelle et celles sans déficience intellectuelle. Ces troubles affectent, selon les études de prévalence concordantes de différents pays, environ 1 enfant sur 150. Pour des raisons encore non élucidées, mais à probabilité génétique, l’autisme touche 3 fois plus de garçons que de filles.

Je n’ai aucun problème à dire que je suis autiste, ni mieux, ni moins bien qu’un autiste qui sera plus sévère. Je suis juste différente avec ma forme d’autisme. Le fait d’être neuro-extraordinaire, je le vis normalement. Je suis bien avec moi-même et mes proches. Ils connaissent mes besoins et sont à mon écoute. Ils savent aussi m’accompagner aussi lorsque je suis au bord du burn-out autistique.

De nombreuses idées reçues

Les gens ne sont pas sensibilisés à l’autisme. « Tu es trop normale pour être autiste ! » : cette phrase, je l’entends souvent.

Mon handicap ce n’est pas le fait d’être autiste, mais mon environnement qui n’est pas adapté à mes spécificités. Nous sommes dans un monde de neurotypiques qui n’est pas prêt d’accueillir la différence.

>> À lire : Infographie autisme : la vérité sur les idées reçues

Quel impact a eu le diagnostic ?

Globalement, un impact positif. Cela m’a permis de faire un tri dans mon carnet d’adresses. J’ai décidé aujourd’hui de mener ma vie et de ne plus me laisser mener par elle. Lorsque j’ai annoncé mon diagnostic, il y a des gens qui ont mis en doute ça, d’autres qui ne se sont jamais manifestés, ou encore qui n’ont jamais posé de questions. Je pense qu’ils ne savent pas ce que je vis et à quel point l’autisme est difficile. J’ai décidé de rester entourée de gens qui m’aime pour ma fantaisie. Mes copines sont assez fantaisistes, mon mari ne savait pas que j’étais autiste lorsqu’on s’est marié et qu’on s’est connus, il me trouve toujours aussi drôle. J’ai choisi aussi, par la suite, un travail qui m’accueillerait avec bienveillance.

Quelle prise en charge de l’autisme ?

Actuellement, il n’existe aucun traitement médicamenteux pour l’autisme. Le handicap est donc présent toute la vie, y compris à l’âge adulte. Mais il existe des approches éducatives, comportementales et développementales qui agissent sur les symptômes. Les interventions spécialisées et individualisées ont pour objectif de permettre à votre enfant de faire des progrès.

lali

Et dans votre vie professionnelle :

Comment se passent vos déplacements pour aller à votre bureau ?

Pour aller à mon travail, j’ai 3 heures de trajet aller et retour en métro, mais pas tous les jours, car je suis aussi en télétravail. Ce trajet pour aller au bureau, je le connais par cœur. Je connais le nombre exact de pas à faire, combien de marches  je dois monter ou descendre. Mais lorsqu’il y a des obstacles, (Par exemple : une poubelle), ça me rajoute des pas, et ça, il faut que je l’intègre dans mon cerveau. Les obstacles ça peut être des personnes qui obstruent mon chemin. Je n’aime pas la foule, je rase les murs. Tous les stimuli sont dérangeants pour moi, parfois, les motos, le camion poubelle, les voitures, tout est amplifié. Ça résonne. Il y a aussi les stimuli visuels qui peuvent me gêner, comme les lumières trop fortes.

Aujourd’hui, dans les transports par exemple, j’ose dire que je suis handicapée et que j’ai besoin d’une place assise.

Tout est compté, hiérarchisé, trié. J’ai plein de dossiers dans ma tête. Les autistes ont beaucoup de tocs. Pour moi, c’est normal de compter mes pas !

Quelle est votre expérience du monde du travail ?

J’ai commencé à travailler à mon compte dans l’édition, depuis chez moi. Je n’avais jamais été confrontée aux difficultés et aux adaptations en entreprise. En 2007, j’ai mis un pied en entreprise. C’est là que mes problèmes ont commencé. J’ai découvert les collègues, j’observe beaucoup.

Je ne comprends pas quand les gens font du second degré, ni des sous-entendus. Je ne parviens pas à décrypter les intentions. Cela a été difficile pour moi et cela m’a mise dans des situations compliquées et parfois dangereuses (harcèlement moral et sexuel), notamment avec des déclarations inattendues. Je ne peux pas imaginer un autre sens au mot dit.

Si un collègue de travail me dit : « Tu veux boire un verre ? « . Je pense juste qu’il a envie de boire un verre, je ne m’imagine pas que ça puisse être une technique de drague !

J’ai toujours été étonnée que les nouveaux employés finissent par adoptés les « codes » de l’entreprise. Les codes vestimentaires, le vocabulaire, etc. Je ne trouve pas l’intérêt de ressembler aux autres. J’ai essayé de copier mais, sans succès. Cependant, j’ai toujours été consciencieuse au travail, une bonne employée, assidue et sérieuse.

C’est aussi en 2007 que j’ai rencontré une stagiaire de mon service qui m’a ouvert les yeux sur mon autisme. Elle me ressemblait beaucoup, ça m’a fait un effet boomerang assez fort !

Elle était en processus de diagnostic. C’est elle qui m’a amenée à me faire diagnostiquer par la suite, car tout avec elle tout était fluide !

J’ai changé de travail en 2020 à la suite d’un licenciement économique. A partir de là, je ne me suis, plus jamais cachée. Dans ma lettre de motivation, j’ai parlé ouvertement de mon autisme, avec fierté. Aujourd’hui, je suis épanouie, je travaille pour l’association le Club des Six. Elle propose, sur l’ensemble du territoire français, des lieux de vie adaptés à des personnes en situation de handicap, sous forme de logements partagés.

Parlez-nous de « Aspie at work» 

Aspie at work, c’est mon site. Lorsque je me suis retrouvée sans emploi, je me suis dit que c’était le bon moment pour rendre visibles mes compétences tout en faisant connaître le syndrome d’Asperger (ou l’inverse), et ainsi démontrer que nous avons notre place en entreprise ordinaire, malgré les préjugés qui ont la vie dure. Ayant connu des difficultés professionnelles avant qu’un diagnostic tardif ne soit enfin posé, mon « coming-out d’autiste » me permet depuis lors, de vivre une vie professionnelle bien plus épanouie. J’ai choisi de porter un message positif auprès des entreprises et des établissements d’études supérieures qui me sollicitent pour des conférences, afin de démontrer que vivre et travailler auprès d’une personne autiste est un atout et l’occasion de revoir ses idées reçues !

>> À lire aussi : Aspie at Work : Lali Dugelay, adulte avec autisme 

Embaucher une personne en situation de handicap invisible par Lali

 

Avez-vous un conseil ?

Il faut être accompagné d’un bon praticien. Entre la théorie et la pratique, il y a souvent un écart. Il existe une formidable communauté autisme sur les réseaux sociaux. Il faut savoir communiquer entre nous et avec son enfant. Les réseaux sociaux aident pour mettre en relation les gens, trouver des spécialistes, et du soutien.

Je dirais aussi que votre enfant n’est pas une honte, ce n’est pas un secret. C’est sa normalité à lui. Plus de bienveillance et moins de jugements de la part des autres, ce serait bien !

(Re)visionnez l’intégralité du live avec Lali Dugelay

Lali Dugelay est autiste. Diagnostiquée sur le tard, elle prône à travers ses conférences en entreprise et interventions dans les médias la neurodiversité et l’inclusion.
Elle est maman de 2 garçons eux-mêmes avec des besoins spécifiques. Elle travaille en tant que responsable communication au sein d’une association qui crée et gère des habitats inclusifs pour personnes en situation de handicap. Le reste de son temps est consacré à donner des conférences et des formations, à faire de la sensibilisation pour arrêter les idées reçues et faire avancer l’inclusion. Retrouvez-la sur son site AspieAtWork.

Chargée de projet digital

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