Alicia Rémy est enseignante en REP depuis 11 ans. Sensible à la problématique du bien-être comme élément indispensable pour entrer dans les apprentissages, elle nous parle aujourd’hui du refus scolaire anxieux et de comment y apporter des solutions en tant que parents ou qu’enseignant·e.

Je suis là, assise au fond de la classe, à regarder autour de moi. Jarrive pas à mettre des mots sur ce que je ressens. Je me sens crispée, j’ai envie de crier, de m’enfuir, les larmes montent sans que je puisse les retenir. J’ai honte, j’ai pas envie qu’on me voit comme ça et je comprends pas ce qui m’arrive. Tous les jours, c’est la même histoire. Chaque fois que je pense à l’école, chaque fois que je passe la grille, chaque fois que je dois changer de classe, à chaque pas dans le couloir... Je baisse la tête, je serre les dents, je me mets dans une bulle. Jai qu’une envie : rentrer chez moi et m’enfermer dans ma chambre pour me sentir bien et en sécurité. Je vois bien que ma mère commence à s’inquiéter. Mais je sais pas quoi lui dire. Parce que je comprends pas. Je comprends pas ce qui m’arrive. Je comprends pas cette boule au ventre, ce nœud à la gorge , ces mains tremblantes, ces larmes aux yeux et ce cœur qui s’emballe. J’arrive pas à expliquer. Alors, souvent, on me force, on me dit d’y aller, que ça passera. Et pourtant chaque matin, le réveil sonne. Je dois me lever. C’est dur, trop dur. Parfois, j’y arrive. Et parfois, je me sens écrasée par un poids qui me paralyse dans mon lit. Alors je pleure, je supplie. Je n’en peux plus. Je ne veux plus y retourner. Plus jamais.

  • 1 à 5 % de nos enfants scolarisés sont en souffrance à la simple idée de se rendre à l’école. Cela semble peu et pourtant c’est déjà trop.
  • 1 à 5 % de nos écoliers, collégiens, lycéens se retrouvent en détresse face à l’institution scolaire et, avec eux, leurs parents, premiers aidants.
  • 1 à 5 % de nos enfants scolarisés souffrent de refus scolaire anxieux, plus connu sous le terme de phobie scolaire.

Souffrir de Refus Scolaire Anxieux, c’est risquer, sans prise en charge, le décrochage scolaire, la dépression (et les risques associés), la claustration, l’évitement social… Et pourtant, c’est un mal dont on parle peu, qui est absent de la formation des enseignants malgré un discours du ministère affirmant sensibiliser le corps professoral au décrochage scolaire.

Le refus scolaire anxieux, c’est quoi ?

Débutons par un point lexical : même si l’expression phobie scolaire est la plus répandue et la plus connue, celle-ci est inexacte. À sa place, on parle de Refus Scolaire Anxieux.

La Classification Française des Troubles Mentaux de l’Enfant et de l’Adolescent R-2012 donne cette définition : « manifestation d’angoisse majeure avec souvent phénomène de panique liée à la fréquentation scolaire et interdisant sa poursuite sous les formes habituelles ».

Le milieu scolaire suscite chez l’enfant une souffrance telle que, malgré l’envie de s’y rendre, il en est incapable. La notion d’incapacité est ici essentielle : ce n’est pas que l’enfant ne veut pas, c’est que, pour diverses raisons, il n’en est pas capable. Ce n’est d’ailleurs pas spécialement l’école en elle-même qui pose problème. Le Refus Scolaire Anxieux est souvent le symptôme d’une anxiété plus profonde et dont la cause doit être identifiée par un professionnel. C’est pour cela que l’on s’éloigne de l’expression « phobie scolaire ».

Définition du refus scolaire anxieux

>> À lire aussi : « Lutter contre le harcèlement scolaire en Europe ».

Quelles sont les causes d’un refus scolaire anxieux ?

Le refus scolaire anxieux se caractérise par sa dimension multifactorielle. Il peut trouver ses sources dans (liste non exhaustive) :

  • L’anxiété de séparation, souvent présente chez les jeunes enfants
  • Une anxiété sociale
  • L’anxiété de performance
  • Des troubles d’apprentissage et/ou un haut potentiel intellectuel non pris en compte dans les apprentissages
  • Un harcèlement qu’il vienne des pairs ou d’un adulte de l’établissement lui-même

Ce que n’est pas le refus scolaire anxieux…

Ce n’est pas un caprice. L’enfant est dans une réelle souffrance psychologique qui dépasse ses capacités de gestion.

Ce n’est pas anodin. Sans prise en charge, les conséquences à court et long terme peuvent être importantes.

Ce n’est pas honteux. Enfants, adolescents, parents peuvent ressentir une honte face aux diverses réactions devant les manifestations somatiques du Refus Scolaire Anxieux.

Ce n’est pas si rare. Même si l’on parle de 1 à 5% d’enfants et adolescents concernés, une étude américaine suggère qu’il y aurait en réalité environ 25% de jeunes en âge scolaire touchés par ce mal être.

Adulte parlant avec fille triste et anxieuse

Comment reconnaître un refus scolaire anxieux ?

  • Peur, anxiété, attaque de panique, idées noires à l’idée d’aller à l’école.
  • Maux de ventre, de tête, nausées, vertiges, pleurs, supplications au moment de partir à l’école.
  • Appels réguliers de l’établissement pour que l’enfant reparte.
  • Refus catégorique de se lever (parfois on pourra retrouver l’enfant en position fœtale dans son lit) ou agitation inhabituelle, troubles alimentaires, idées noires…
  • Autant de signes psychiques, somatiques et comportementaux disparaissant pendant les vacances scolaires qui doivent alerter parents et équipe éducative s’ils s’inscrivent dans la durée.

>> À lire aussi : Le harcèlement scolaire sous le prisme du handicap

De la suspicion à l’action…

Dès lors qu’aller à l’école devient problématique pour l’enfant ou l’adolescent, les maîtres mots des parents comme de l’équipe pédagogique doivent être OBSERVER et ANALYSER :

  • Observer et analyser les symptômes : leur durée (on parlera de Refus Scolaire Anxieux s’ils s’inscrivent dans le temps), les moments d’apparition
  • Analyser le contexte scolaire : chute des résultats, ambiance de classe…
  • Analyser le contexte social : harcèlement, exclusion par les pairs, difficultés d’intégration

Il est alors essentiel que parents comme enseignants se montrent bienveillants et disponibles : l’enfant doit savoir qu’il peut se confier, que son mal être est pris en compte et non minimisé.

Si le Refus Scolaire Anxieux se confirme, il est important d’agir vite. La prise en charge sera multiple : psychologique, scolaire et familiale. L’objectif sera toujours de permettre un retour, plus ou moins rapide, à l’école.

Que faire du côté des parents ?

  • Prendre rendez-vous avec le médecin traitant qui initiera la prise en charge 
  • Arrêter l’école quelques temps pour apaiser la souffrance et sécuriser 
  • Prévenir l’école de la situation 
  • Prendre rendez-vous avec un pédopsychiatre, seul professionnel capable de poser le diagnostic  
  • Choisir un thérapeute qui déterminera l’origine de l’anxiété et établira les modalités du suivi (on oriente souvent vers une thérapie cognitivo-comportementale ou TCC) 
  • Avoir recours au service du SAPAD afin d’éviter une rupture dans la scolarité 
  • Montrer sa disponibilité, faire preuve d’écoute bienveillante, poser un regard positif sur l’enfant 

Le site https://phobie-scolaire.org/  met à disposition des parents une fiche d’action complète pour les guider. 

Une mère console et aide sa fille faisant du refus scolaire anxieux

>> À lire aussi : Construire la confiance et l’estime de soi à tout âge 

Soulignons également qu’un Refus Scolaire Anxieux touche de plein fouet toute une famille. La souffrance de l’enfant est parfois telle qu’elle irradie et déstabilise la structure familiale. Les parents se remettent en question et se retrouvent souvent démunis face aux manifestations comportementales. Père et/ou mère prennent là le rôle d’aidant, et, à ce titre, doivent également se faire soutenir psychologiquement par des professionnels. Faire face aux supplications, voir les scarifications sur le bras ou entendre les idées noires de son enfant est extrêmement éprouvant. De même, il est important d’expliquer la situation à la fratrie.  

Que faire du côté des enseignants ?

  • Rester ouvert au dialogue avec la famille 
  • Solliciter le RASED pour une observation et conseils d’adaptation 
  • Solliciter le/la psy scolaire pour un entretien avec l’enfant et la famille 
  • Mettre en place un Projet d’Accueil Individualisé (PAI) permettant une adaptation du temps scolaire et fixant les aménagements pouvant favoriser un retour progressif à l’école. Ces aménagements sont décidés en commun avec l’école, le thérapeute, la famille et bien sûr l’enfant en fonction des éléments anxiogènes qui génèrent le Refus Scolaire Anxieux.  
  • Porter un regard bienveillant et positif sur l’enfant.  

Comment aménager la classe, sa pratique pour favoriser le retour à l’école ?

Pour soutenir le travail thérapeutique, l’équipe éducative se doit de sécuriser l’élève au maximum pour recréer un lien positif avec l’école. Pour cela, on peut prévoir des aménagements simples : 

  • Mettre en place une « personne refuge » (enfant comme adulte) dans l’école en qui l’élève a confiance, qui l’accompagne dans les moments de passage dès que besoin (passage de la grille, passage d’une classe à l’autre), qui est présente en cas de crise.
  • Eviter les évaluations sommatives et notées en cas de stress de performance ou de difficultés scolaires.
  • Si l’enfant a du mal à communiquer (phobie sociale, dysphasie…), on peut se tourner vers la communication non verbale. Le porte clé de communication peut être ici un outil intéressant : peu encombrant et donc discret, il permet de passer des messages de l’enfant à l’enseignant sans avoir besoin de lever la main, ni de parler. On peut envisager de le personnaliser en fonction de la situation de l’enfant. La roue des émotions est également un outil intéressant : non seulement l’enfant peut exprimer son état émotionnel sans parler mais en plus la roue identifie le besoin correspondant.  

refus scolaire anxieux

Porte-clés de communication : Ce porte-clés en plastique rigide propose 16 pictogrammes Mayer Johnson qui servent de support de communication pour exprimer des besoins, des sentiments, des sensations, mais aussi le souhait de s’exprimer. Sa taille peu encombrante permet de l’avoir toujours sur soi, à la maison comme à l’extérieur.

La roue des émotions : Il a été démontré que plus nous sommes à même d’identifier facilement nos émotions, mieux nous sommes armés pour gérer la situation ! Cette roue permet d’aider enfants et adultes à prendre conscience de ce qu’ils ressentent (météo intérieure, sensations physiques…), à mettre des mots sur les émotions qui y correspondent et à exprimer leurs besoins

Aménager un lieu refuge pour que l’enfant puisse s’isoler en cas de besoin 

Dans ce lieu, on met à disposition un casque anti-bruit, un timer qui permet à l’enfant de rejoindre le groupe à un moment donné, un ou des objets anti-stress comme les balles, du matériel de dessin voire même une petite cabane ou un tipi. 

Créer un lieu refuge

Time Timer plus : Mêmes principes de base des Time Timer, mais avec des fonctionnalités supplémentaires ! Le Time Timer Plus est un minuteur visuel durable et portable de 60 min. Il est conçu avec une grande poignée de transport, permettant aux enfants et aux adultes de le déplacer en toute autonomie lorsqu’ils passent d’une activité à l’autre.

Balle anti-stress NeeDoh : Une balle anti-stress au toucher ultra doux à malaxer pour s’autoréguler. Offre une résistance modérée. Fidget totalement silencieux.

Casque antibruit – enfant : Léger, résistant et réglable, ce casque antibruit permet une réduction sonore de 26 dB bénéfique pour les personnes hypersensibles aux bruits. Il peut être replié pour tenir dans le creux de la main : c’est pratique pour le rangement et le transport !

Travailler sur les émotions

Mettre en place un travail pour comprendre et échanger sur les émotions afin de mieux les appréhender

  • En cas de harcèlement, un travail de sensibilisation est essentiel. On s’appuiera sur les différentes ressources disponibles (vidéos, documentaires écrits, jeux, outils de résolutions de conflits…).  
  • Aménager la classe pour en faire un lieu accueillant. On peut s’intéresser ici à la classe flexible, à l’importance de l’aménagement d’une classe pour le bien être des élèves. On peut mettre des coussins, un pouf, des plantes… Il faut également réfléchir  à la circulation dans la classe qui doit être un espace aéré mais aussi aux couleurs.  

Ces pistes peuvent également être prises comme outils de prévention.  

Mettre en place un travail pour comprendre et échanger sur les émotions

Feelings V2 : Le jeu Feelings permet de travailler autour des émotions et de l’empathie. Les émotions sont représentées par des animaux drôles et attendrissants, ce qui assure une approche inclusive (genres, origines). À la lecture d’une situation donnée, chaque joueur se positionne sur l’une des émotions proposées et dont il se sent le plus proche. Il échange ensuite avec son partenaire et mise sur l’émotion qu’il pense choisie par celui-ci. L’objectif est donc de deviner l’émotion de l’autre.

Planète des émotions : Dans ce jeu de plateau, on doit aider les extraterrestres à comprendre les émotions des terriens ! Au fur et à mesure que l’on avance sur le plateau de jeu, on pioche des cartes et devine les émotions ressenties par les personnages illustrés dans un contexte particulier.

Et si le retour en classe était impossible ?

Parfois, un retour à l’école est difficultueux voire impossible malgré les différents dispositifs mis en place. Le mal être de l’enfant est trop enraciné pour lui permettre un retour dans de bonnes conditions et en toute sécurité.  

On peut alors opter, dans la mesure des moyens et possibilités, pour le CNED réglementé qui permet de poursuivre sa scolarité à domicile. Ou encore, on peut aussi opter pour le CNED partagé dans lequel l’enfant passe quelques heures de cours dans l’établissement tout en étant scolarisé à domicile.  

Déscolariser un enfant est un choix difficile qui demande un temps de réflexion et de concertation entre la famille, l’équipe médicale et l’équipe pédagogique. Il est également essentiel que l’enfant prenne part à cette décision.  

 Le refus scolaire anxieux est souvent la manifestation d’un trouble anxieux plus important, impacte la vie de l’enfant et de sa famille et demande une prise en charge thérapeutique. Il peut être passager ou s’installer dans le temps mais n’est pas une fatalité. Une personne souffrant de refus scolaire anxieux parviendra à surmonter ces épreuves avec des adaptations, un suivi et du soutien.  

Elle n’est pas condamnée à l’échec et pourra trouver sa voie que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du système scolaire. 


Je m’appelle Alicia Rémy, j’enseigne dans l’académie de Lille en REP depuis 11 ans dont une année en tant qu’enseignante en Classe pour l’Inclusion Scolaire (CLIS). 
Étant confrontée au refus scolaire anxieux mais également aux différents troubles d’apprentissage et au haut potentiel intellectuel, je suis sensible à la problématique du bien être comme élément indispensable pour entrer dans les apprentissages et, a fortiori, s’épanouir en tant qu’individu. Je suis ainsi intéressée par toutes les formes de pédagogie où le développement personnel, l’empathie et la coopération sont des éléments moteurs pour favoriser les apprentissages.   

 Blog : http://dezecolle.eklablog.com/
Instagram : @farfa.dezecolle 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Taper la réponse pour valider votre commentaire * Time limit is exhausted. Please reload the CAPTCHA.