Depuis 2019, les violences éducatives ordinaires sont interdites par la loi. Pourtant, une étude menée par l’AFPA montre que 36 % des parents interrogés ignorent ce qu’est une violence ordinaire. De plus, 85 % des parents français disent encore la pratiquer1… Que sont les violences éducatives ordinaires ? Quelles sont leurs conséquences sur le développement de l’enfant ? Comment trouver des alternatives afin de modifier nos pratiques éducatives ? Des réponses à découvrir dans cet article à l’occasion de la Journée de la non-violence éducative.
Que sont les violences éducatives ordinaires (VEO) ?
La fondation pour l’enfance définit la VEO comme « toute forme de violence, qu’elle soit physique, psychologique ou verbale, aussi légère soit-elle, dans le but de modifier ou d’arrêter le comportement de l’enfant estimé incorrect ou indésirable ». Pour ceux qui la pratiquent, elle est considérée comme un moyen d’éduquer son enfant. De lui montrer que son comportement ou ses actions ne sont pas corrects. Par la société, ces violences sont souvent perçues comme acceptables, car elles relèvent de l’éducation. Or, c’est prouvé, elles ont des conséquences sur la santé physique et mentale de nos enfants.
Les VEO peuvent prendre différentes formes :
- Psychologique : le chantage, la minimisation ou le déni des émotions de l’enfant, la punition, la privation, les moqueries, l’humiliation, la culpabilisation, la menace, la honte, la comparaison des enfants entre eux, le rejet, l’émission d’un jugement de valeur…
- Verbale : hurlements, cris, injures, moqueries, condescendance…
- Physique : ensemble des châtiments corporels tels que les gifles, fessés, pincements, coups, morsures, gestes brusques envers l’enfant, insatisfaction de ses besoins physiologiques, etc.
Selon Vincent Dennery, directeur de la fondation, les dégâts causés par ces violences sont d’autant plus importants lorsqu’elles sont répétées et régulières.
La transmission intergénérationnelle du modèle éducatif
La première raison invoquée et qui « justifie » les violences éducatives ordinaires provient de schémas éducatifs hérités de notre propre éducation. En effet, nous avons peut-être un jour tous pensé, ou entendu : « Oh ça va, mon père me mettait des claques quand j’étais enfant, et ça ne m’a pas traumatisé ! » Pourtant, cette phrase est bien la preuve que les VEO ont un aspect héréditaire ! L’origine de la violence éducative provient de notre éducation et de notre tendance à reproduire un schéma vécu ou observé durant l’enfance. Nous avons « appris » que la violence était une réponse acceptable pour éduquer. Or, lorsqu’on le dit, lorsqu’on en prend conscience, on réalise que ce n’est pas du tout le cas !
Devenir parent est une grande étape. Un plongeon dans l’inconnu qui peut s’avérer difficile, inquiétant, voire douloureux. Malheureusement, aucun mode d’emploi n’est fourni. Il est donc normal de chercher des solutions dans ce que nous connaissons. Mais il est important également de se questionner sur la pertinence de ces pratiques et de les modifier afin de tendre vers une éducation positive et bienveillante.
D’après une enquête menée par l’Observatoire de la violence éducative ordinaire (OVEO), près de 80 % des personnes interrogées ont pris conscience de la VEO alors qu’ils avaient au moins un enfant ou le projet d’en avoir un. C’est donc en devenant parents qu’ils ont entamé une réflexion qui leur a permis de changer de regard sur ces violences. Grâce à la sensibilisation, des actes, qu’ils ne considéraient pas comme violents au départ, le sont devenus. Envisager d’y recourir sur son enfant devient alors inimaginable. Il est donc primordial de sensibiliser et d’informer le grand public pour voir évoluer les mentalités et espérer bannir complètement les violences éducatives ordinaires.
Campagne de sensibilisation 2024
Quelles sont les conséquences des VEO ?
Depuis plusieurs années, de nombreuses études ont été menées. Il s’agit de mettre en avant ces arguments pour convaincre et renforcer la prise de conscience des effets néfastes des VEO. Voici une liste des principales conséquences des VEO :
- Perte de l’estime de soi, de la confiance en soi.
- Risques accrus de devenir lui-même auteur de violence envers d’autres enfants, mais aussi en grandissant de violence conjugale. En effet, des violences ordinaires répétées pourraient être perçues par l’enfant comme un comportement « banal ». L’enfant comprend que l’on peut frapper une personne que l’on aime ou bien aimer une personne qui nous frappe.
- Troubles psychologiques : anxiété, dépression, comportements à risque…
- Effets nocifs sur l’état de santé. L’enfant a plus de risque de développer certaines maladies : asthme, eczéma, obésité, maladies cardio-vasculaires, voire cancers.
- Ralentissement du développement cognitif. Les neurosciences affectives ont permis de démontrer que l’empathie et la bienveillance étaient majeures pour le développement et les capacités d’apprentissage de l’enfant.
Dans cette vidéo, Catherine Gueguen, pédiatre spécialiste dans l’éducation non violente, explique très clairement les conséquences des violences ordinaires sur la construction du cerveau et la construction identitaire de l’enfant.
Quelles sont les alternatives aux VEO ?
En tant que parents, nous souhaitons bien évidemment le meilleur pour nos enfants. Nous souhaitons les voir grandir et devenir heureux. Mais l’éducation n’est pas un long fleuve tranquille. Des moments de bonheur intense peuvent faire place à des doutes, des situations complexes où l’on ne se sent pas forcément armé. Les violences éducatives se justifient par la nécessité de poser une limite à l’enfant afin qu’il obéisse, soit bien élevé et respectueux. Mais comme le dit Olivier Maurel, fondateur de l’OVEO, pour aider l’enfant à grandir, il ne s’agit pas d’imposer une limite, mais plutôt de lui donner des repères. Ainsi, c’est lui permettre de comprendre pourquoi il ne peut pas faire certaines choses ou pourquoi il doit modifier son comportement.
« Un coup ce n’est pas une limite. C’est une agression. » Olivier Maurel
Sur son site, la fondation pour l’enfance partage plusieurs conseils pour accompagner les parents vers une éducation positive et bienveillante.
Être à l’écoute et accompagner
Il est important d’être à l’écoute des émotions de l’enfant. Avant 8 ans, il n’est pas encore en mesure de les gérer ou de les comprendre. En étant à l’écoute, vous l’accompagnez dans son développement.
Parler autrement
En lui parlant de manière positive, sa confiance en lui grandira. Tourner ses phrases de manière positive est un exercice de l’esprit. Cela demande un peu d’entraînement au début, mais les effets positifs sont bien réels ! Pour vous aider, téléchargez notre infographie : les 10 phrases alternatives et positives.
Gérer sa propre colère
Selon l’enquête de l’OVEO, c’est en premier lieu le contexte de vie des parents qui joue sur leur recours aux violences éducatives. Lorsque l’on se sent stressé, ou en colère, il est plus difficile de rester calme face aux émotions de son enfant. N’hésitez pas à vous entourer ou à faire appel à quelqu’un si vous vous sentez submergé afin de ne pas réagir à chaud. En prenant du recul et un peu de temps, vous serez plus à même d’apporter une réponse à votre enfant.
Énoncer les règles de vie
Ces règles permettent de poser des repères à l’enfant. Ces repères seront sûrement franchis ou non respectés parfois. Il est alors important d’y revenir, d’en expliquer l’intérêt et les conséquences. C’est par l’expérience et aussi l’erreur que l’enfant apprend. Cela fait partie intégrante de son développement.
Accepter les petits « incidents » de la vie
Encore une fois, l’enfance est faite de découvertes, d’essais et d’erreurs. Forcément, ces erreurs apportent son lot de contretemps (être en retard) ou de désagréments (il faut nettoyer). Et cela peut jouer sur votre patience. Pourtant, c’est un passage obligé de son développement. Sautez sur cette occasion pour en faire un apprentissage.
« Tu as voulu te servir ce verre d’eau tout seul, c’est bien, tu as essayé d’être autonome. Malheureusement, aujourd’hui, cela n’a pas fonctionné. Comment tu pourrais faire la prochaine fois pour que cela fonctionne et ne pas renverser l’eau par terre ? Il y a de l’eau par terre, ce n’est pas très grave, nous allons le nettoyer ensemble. Comme ça, la prochaine fois, tu pourras le faire tout seul si cela t’arrive. » Ce n’est pas toujours facile lorsqu’on est pris par le quotidien. Mais en changeant son comportement d’adulte, en prenant le temps d’expliquer, de montrer plutôt que de crier, on en gagnera à un autre moment, car alors l’enfant sera plus autonome.
>> À télécharger : Infographie : les 9 alternatives aux violences éducatives
Aujourd’hui, les violences éducatives ordinaires ne peuvent plus être banalisées, minimisées ou justifiées. Crier, humilier ou frapper un enfant ce n’est pas éduquer. Informons-nous et partageons massivement les actions contre les VEO afin qu’elles disparaissent complètement.
Sources :
1. Source : Fondation pour l’enfance, dossier de presse Campagne violences éducatives ordinaires, janvier 2018.
Enfance : 36 % des parents ignorent ce qu’est une « violence ordinaire ». Le Point, 23 juin 2021.
E. Benarousse. Violences ordinaires : 33 % des parents ignorent qu’elles sont interdites. Le Journal des Femmes. 23 juin 2021.
J. Mickiewicz. Pourquoi la « violence éducative ordinaire » est désormais interdite ? Le Figaro. 22 décembre 2016.
Enquête relative à la prise de conscience de la violence éducative ordinaire. Observatoire de la violence éducative ordinaire (OVEO). Avril 2019.
Article publié le 25 juin 2021 Mis à jour le 30 avril 2024.