Sabrina est une maman presque comme les autres : tour à tour maman, écrivaine, éducatrice, psychologue, femme au foyer, orthophoniste et animatrice, elle se bat pour inclure sa fille, Mila, 9 ans, porteuse d’une trisomie 21, en école ordinaire. En cette nouvelle rentrée scolaire, qu’en est-il de ce droit fondamental à l’inclusion, à l’éducation pour tous les enfants, quel que soit leur handicap ? Quel progrès pour mettre en place les volontés du Ministère de l’Éducation Nationale, pour que 2022 soit l’année d’une école de la République pleinement inclusive ? Voici son témoignage. 

A quelques jours de la rentrée, comment va se passer celle de Mila ?

Mila va faire sa rentrée le jour J à son école, où elle va faire connaissance avec son enseignante, la 3ème en 3 ans. Puis dès l’après midi, elle sera avec moi où nous allons reprendre l’IEF (Instruction En Famille) toutes les 2. Elle sera présente à l’école 2 après midi par semaine pour maintenir le lien social. Le reste du temps, j’assure ses apprentissages et les allers et retours auprès de son orthophoniste et psychomotricienne (pas de SESSAD possible encore).

Quel problème avez-vous (et allez-vous) rencontrés en classe ULIS ? Pourquoi désormais l’IEF ?

Mila est scolarisée en Ulis école depuis septembre 2016. Elle voit défiler des enseignantes différentes, non formées au handicap (ou brièvement) et ce, chaque année. Notre problème c’est qu’une Ulis doit être encadrée par un coordinateur Ulis et ce n’est pas le cas chez nous. Notre fille se sent rejetée, l’enseignante a du mal à l’inclure et s’en rend compte. Elle ne sait pas comment faire avec Mila, faute de formation sur le sujet. Mila le ressent et développe des troubles en régressant de jour en jour (crayons à la bouche, tape, crache parfois sur ses camarades, ne veut pas participer…). Du coup, on nous explique que le problème vient d’elle, qu’elle n’a pas sa place en Ulis. Alors qu’elle n’est pas la seule élève dans ce cas, et qu’elle fait face à des personnes qui ne sont pas formées aux handicaps. Il y a des failles, sans doute dans le recrutement ou la formation pour ces classes où l’on demande aux enfants de régler le problème. Ce n’est pas à eux, enfants, qui plus est porteurs d’handicap, de gérer ces problèmes.

Les enseignantes sont démunies, ne savent pas comment travailler et Mila, avec sa pathologie à elle, le subit et voit son avenir compromis… La situation s’est tellement dégradée pour Mila que nous avons procédé à sa déscolarisation partielle: j’ai cessé toute vie professionnelle et me suis consacrée à 200% à ma fille, j’ai créé des supports pédagogiques, j’ai étudié les divers modes d’apprentissages et démarré tout en bas de l’échelle, niveau maternelle après avoir procédé à un bilan. En parallèle, elle va en classe 2 après midi par semaine pour y voir ses camarades, participer à des travaux de groupe quand il y en a et garder du lien social. Mila a progressé à vue d’œil (alphabet avec les Alphas, poésie, discrimination visuelle et spatiale..) en travaillant en dualité. Mais je ne suis pas enseignante. C’est très dur de baigner dans le handicap H24, de scinder la partie parentale et pédagogique. Avec plus qu’un seul salaire à la maison, nous avons dû la mettre en vente. Nous devons revoir toute notre vie finalement à cause de toute cette remise en question sur le côté scolaire. C’est révoltant.

>> À lire : Se former aux outils de l’école inclusive

Un temps calme à l'école pour l'inclusion de tous les élèves

Certains vous proposent l’IME. D’après-vous, Mila pourrait y régresser dans ses apprentissages ? Pourquoi ?

Depuis le début, la MDPH, les enseignants et certains proches nous disent de mettre Mila en IME. « C’est compliqué tous les jours. Elle devrait être en Ime, et pas en Ulis, vous savez… » « Pourquoi vous la mettez pas en IME ? Tu reprendrais une vie pro et des gens s’occuperaient d’elle ! Plus de problème ! » Bon sang…. Nous n’avons rien contre les IME, au contraire. Nous sommes allés en visiter pour nous faire une idée. Nous rejetons pour l’instant l’IME parce que Mila évolue, grandit et apprend auprès d’enfants ordinaires. Le mimétisme est un mode d’apprentissage essentiel pour elle. Et sa source d’apprentissage principale réside en la maintenant dans un monde ordinaire, à son rythme. Nous pensons qu’Apprendre parmi d’autres enfants handicapés, ne la poussera pas vers le haut, ne la poussera pas vers le bas non plus, mais la fera stagner. Oui, elle serait bien en IME; ce serait Noel tous les jours, en apprenant de façon ludique à être autonome. Mais l’IME est une maison de l’Autonomie chez nous. Il n’y a pas d’enseignants ici. Et nous voulons que Mila acquiert des bases. Écrire, lire ou compter un jour, minimum…. Pas simplement apprendre un métier, lasser ses chaussures, fermer son manteau. On estime pour le moment, qu’elle peut apprendre plus. Quand on verra que nos exigences pour elle seront hors sujet, plus en phase avec ce qu’elle peut apprendre, on avisera.

>> Téléchargement : L’école inclusive, l’histoire de Paul

Apprentissage et école : l'inclusion pour tous les enfants porteurs de handicap

Mila a les compétences pour être scolarisée à temps plein. Quel serait selon vous les moyens à mettre en oeuvre pour que celle-ci puisse continuer à être scolarisée en école ordinaire ?

Mila a des compétences. Néanmoins, depuis 3 ans, nous voyons défiler des enseignants volontaires pour assurer en Ulis, mais sans doute pas pour de bonnes raisons…
Pour qu’une enfant comme Mila puisse être scolarisée comme il se doit, L’Education Nationale devrait se doter d’un vrai service RH pour déterminer les motivations et compétences des personnes qui se présentent devant eux. Il s’agit d’enfants!!! De leur avenir!!!

Ensuite, il faudrait un service Formation compétent qui oblige tous les enseignants en fonction d’avoir une formation au handicap, car ils peuvent tous avoir un jour, une enfant différente dans leurs effectifs. Ou en inclusion. Et aujourd’hui, dans la région où nous sommes, certains enseignants sont mal à l’aise. Ne savent pas comment faire. Pour certains, ça les saoule, c’est du travail en plus, un investissement professionnel, un challenge dont ils n’ont pas envie!! Clairement. Selon le contexte, on pourrait presque les comprendre.

Enfin, il y aussi une question de volonté!! De tolérance. Enseigner est un beau métier. Noble. Humble. Mais l’éducation a changé, les parents ont changé… Des classes ULIS sont constitués d’enfants handicapés, dotés pour certains, d’un taux d’invalidité. Mais il y a aussi des enfants en échec scolaire, pour d’autres raisons qu’un quelconque handicap, prenant la place d’un enfant autiste, dyspraxique, ou trisomique, dotés de compétences relégués au second plan.

>> École inclusive, conseil n°1 : sensibiliser à la diversité

Un jardin sensoriel avec des sables magiques pour les enfants

Maman, éducatrice, psychologue, femme au foyer, orthophoniste et animatrice… Beaucoup de rôles pour une seule personne ! Quelles sont les ressources dont vous faites preuve au quotidien ? Quels conseils donneriez-vous aux mamans qui se retrouvent dans le même cas que vous ?

Je n’ai pas de ressources en fait. Mon quotidien est difficile. Il y a pire, il y a mieux. J’ai des exutoires qui m’aident à tenir comme écrire et tenir à jour un blog sur le quotidien des femmes d’aujourd’hui. J’ai même créé un jeu dans le but de nous aider à sortir de notre zone de confort, à nous les femmes ! On est nombreuses à devoir se battre contre un enseignant, un patron, un système ou un ado, même !!! Je pense qu’il faut savoir jouer de pragmatisme en fait. Avancer un pas après l’autre et surtout pas gérer l’ensemble des problèmes de front. On va droit dans le mur sinon…Et dans le même cas que moi, user de créativité, savoir s’entourer des bonnes personnes qui vous portent vers le haut, piocher autour de soi pour dénicher des astuces, des idées qui m’aident à prendre des bonnes décisions, avec mon mari.

Pas simple tous les jours. Très difficile même. Je pense souvent tout lâcher, péter un plomb, dire clairement ce que je pense. A la place, je défonce des œufs dans un mur, pas loin de chez moi : ça soulage!!!

Najat Vallaud-Belkacem, ancienne Ministre de l’Éducation Nationale :

Je défends le thème de l’école inclusive. Ce n’est pas à l’élève de s’adapter au système mais au système de s’adapter aux spécificités des élèves.

L’inclusion, une utopie en France ? Quelles sont les actions qui vous semblerait nécessaire pour que ce droit fondamental à l’éducation pour tous les enfants, quel que soit leur handicap, soit respecté ?

Il faudrait faire peau neuve au gouvernement pour faire place à des projets novateurs en terme de recrutement, de formation et ensuite, donc d’inclusion. Le sytème est pourri, les actions sont mises en place par intérêt. 6 mois que je demande une « audience » au Ministère. Pas de réponses. Nous sommes un grain de sable sur une plage immense.
À ce jour, j’ai la sensation que nous devons bouger en Belgique ou au Canada pour accéder à une inclusion digne de ce nom.

Nous allons tenter de migrer dans un autre département pour commencer, et délocaliser la famille dans le but d’inclure Mila dans une Ulis privée qui semble bienveillante et prône l’inclusion. C’est peut être le début d’une vraie vie pour elle : camarades, maîtresse, devoirs… Une scolarité quoi ! Il faut en arriver à ces extrémités là pour assurer un avenir à notre fille. Ne doit-on pas tout essayer pour son enfant quand le système est tel qu’il est ? Ça fait trop longtemps que Mila subit les conséquences de toutes ces années d’écoles catastrophiques. Il est temps d’arrêter les frais.

Rendez-vous dans un an pour vous dire comment ça se passe… !

>> École inclusive, conseil n°3 : la classe flexible

L'inclusion pour tous

Il reste encore de nombreux progrès à faire pour que 2022 soit l’année d’une école de la République pleinement inclusive. D’après vous, que devrait-on faire et réaliser pour arriver à l’inclusion pour tous les enfants ? 


Sabrina, du blog Les Blogueries d'Anna

Sabrina est l’auteure du blog et du livre « Les Blogueries d’Anna » aux éditions Saint Honoré. Elle a deux tourbillons : Lola et la petite dernière Mila, porteuse d’une trisomie 21 et avec qui elle mène un combat de tous les instants. C’est une touche-à-tout : de nature expansive et passionnée, elle peint, a travaillé au sein de plusieurs groupes et a créé une association pour sa fille, l’Association MILA.

Pour la retrouver : 
La page Facebook « Les blogueries d’Anna »
La page Facebook de l’Association MILA
Le groupe Facebook IEF avec Mila, où elle y partage les travaux et apprentissages de Mila


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Taper la réponse pour valider votre commentaire * Time limit is exhausted. Please reload the CAPTCHA.