L’écriture a de nombreux intérêts sensoriels, psychiques et moteurs. En effet, écrire permet de travailler la motricité fine, mais également la motricité globale, la coordination visuomotrice, la mémoire et l’attention. Par ailleurs, se perfectionner dans l’écriture permet de développer de nombreuses habiletés langagières – comme l’orthographe et la grammaire par exemple. Néanmoins, la production d’écrits peut être particulièrement difficile pour les élèves ayant des besoins particuliers. Comment les aider à développer cette compétence ? Quels outils utiliser ? Dans cet article, Morgane, maîtresse en dispositif ULIS-école (que vous connaissez sans doute mieux sous le nom d’Alice en ULIS), vous propose de découvrir comment elle utilise les pictogrammes en production d’écrits.
La production d’écrits en dispositif ULIS-école
La production d’écrits est une activité très difficile pour les élèves à besoins particuliers. Difficultés d’encodage, segmentation, syntaxe sont autant de difficultés que les élèves doivent surmonter pour produire des écrits. Il n’est donc pas rare que les séances de production d’écrits virent au cauchemar pédagogique pour l’enseignant, qui ne sait plus par quel bout prendre le problème, et pour l’élève qui se décourage devant l’ampleur de la tâche. Je dois bien avouer que j’ai souvent, lors de mes premières années en dispositif ULIS-école, relégué la production d’écrits au second plan.
Depuis quelques années, j’ai commencé à travailler dans de nombreux domaines à partir de pictogrammes. Ce virage pédagogique m’a réconcilié avec la production d’écrits. Dans cet article, je vous propose un retour sur les activités liant pictogrammes (« picto » pour les intimes) et écriture que j’ai mises en place dans le dispositif à destination des élèves à besoins particuliers.
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À chaque problème, une « picto-solution » !
Le refus d’écrire
Lorsqu’on pense écriture, on pense tout naturellement au geste graphique. Or, ce geste est souvent très coûteux pour les élèves à besoins particuliers. La tenue du stylo, à elle seule, suffit parfois pour déclencher de violentes réactions de rejet. Toutefois, le geste graphique n’est qu’une composante de la production d’écrits et l’introduction des pictogrammes peut permettre de contourner cette difficulté.
Voici un exemple de production d’écrit autour de la description des « Monsieur Madame ». Pour décrire ces personnages, l’élève utilise des pictogrammes comme les vêtements, les couleurs, les parties du corps ou quelques adjectifs courants (petit, grand, gros, mince…).
En fonction des élèves, vous pouvez choisir de proposer l’encodage de la phrase. Ici, l’élève encode directement sur la table, qui est recouverte d’un revêtement adhésif de type « tableau blanc ».
La segmentation
Segmenter correctement une phrase en mots est un exercice très difficile. Il m’aura fallu du temps pour trouver une parade. Ce sont, une nouvelle fois, les pictogrammes qui se sont imposés comme la solution idéale pour contourner cette difficulté. En effet, dans la grande majorité des cas, 1 pictogramme = 1 mot. Passer de la phrase en pictogrammes à la phrase écrite devient donc (presque) un jeu d’enfant ! Les élèves comprennent rapidement qu’à chaque pictogramme correspond un mot. Quand ils passent au pictogramme suivant, ils doivent donc commencer un nouveau mot.
Un apprentissage progressif
Bien sûr, les phrases se complexifient progressivement. Nous commençons par des groupes nominaux, avec les pictogrammes déplaçables. L’élève écrit les mots en dessous des images correspondantes.
Puis, nous passons à de courtes phrases. Ici, il s’agit de décrire un monstre à partir d’une image. Ces phrases, segmentées correctement en mots, peuvent alors servir de support pour travailler des notions de grammaire et d’orthographe. Par exemple, les pictogrammes aident à discriminer les homophones grammaticaux comme « est » et « et ».
Ici, voici un exemple de production d’écrit, en CP, à partir de l’album « Splat agent secret » :
Qui a pris mes canards ?
Après plusieurs séances, les élèves deviennent plus autonomes et peuvent commencer à encoder de courtes phrases, puis en produire de nouvelles en mixant les pictogrammes. Ici, je ne recherche pas forcément le sens et nous nous amusons à produire des phrases biscornues en recombinant les pictogrammes : « Le taxi coule », « La vache chante. » Comme souvent, le rire est la meilleure des motivations !
Et après plusieurs mois, les phrases produites se complexifient. Je les plastifie pour garder une trace et après quelques années, je me suis constitué une « banque » de phrases que j’utilise régulièrement pour travailler l’encodage, l’orthographe ou la grammaire.
Les pictogrammes « abstraits »
Quid des petits mots-outils ? Cette question revient souvent. Voici donc quelques pistes concernant les pictogrammes « abstraits ».
Par pictogrammes « abstraits », il faut comprendre « pictogrammes associés aux mots-outils, très fréquents à l’écrit, mais impossibles à représenter concrètement ». Comme c’est très long à écrire, ils sont donc couramment qualifiés de « pictogrammes abstraits ». Ils sont très nombreux et constituent un langage à part. Si les pictogrammes « devant », « derrière », « sur », « sous » sont faciles à comprendre, d’autres, comme « les », « des », « avec », nécessiteront un petit temps de familiarisation pour les enseignants comme pour les élèves. Comme toujours, j’emprunte ceux de l’ARASAAC, car je trouve qu’il facilite l’entrée progressive dans l’orthographe grammaticale.
Voici, par exemple, les pictogrammes associés aux déterminants « le » et « les ». Le triangle pointe vers le nom qu’il accompagne et le « + » ajouté pour symboliser « les » permet une compréhension facilitée de la notion de pluriel. Les élèves intègrent donc beaucoup plus facilement la règle d’accord du nom.
Petite astuce : au niveau des pictogrammes « concrets », le pluriel est symbolisé par le signe « + » en haut à droite. Cependant, il n’est pas utile d’imprimer chaque pictogramme en double, singulier et pluriel, sauf pour un atelier dédié à la notion. Il vous suffira d’ajouter ce symbole au feutre effaçable.
Le matériel
Les activités de production d’écrits avec des pictogrammes ne nécessitent que très peu de matériel. Vous pouvez opter pour une fabrication maison, avec des pictogrammes imprimés et plastifiés en fonction des activités et des thématiques que vous travaillez avec vos élèves ou choisir d’acheter des jeux prêts à l’emploi.
Les jeux prêts à l’emploi
Pour gagner du temps de préparation, voici des exemples de jeux que vous retrouverez dans le catalogue Hoptoys. Ces jeux vous permettront de travail la lecture-compréhension, la production orale et écrite de phrases courtes et l’encodage de ces phrases. Pour les élèves qui ne lisent pas les mots-outils irréguliers, vous pourrez ajouter les pictogrammes abstraits correspondant à ces mots (les, des, avec, mais…).
Petit + : L’image finale qui servira, au choix, de point de départ pour la production d’écrits ou de conclusion pour la lecture-compréhension.
Petit + : Le code couleur qui permettra de travailler la grammaire.
Formation de phrases : Cette mallette est composée de 175 cartes d’images et de mots qui représentent les composants d’une phrase : pronoms, noms, adjectifs, actions, adverbes, articles, prépositions… Chaque catégorie est identifiée par une couleur. Le matériel permet de multiples activités autour de la formation de phrases et de l’initiation à la lecture et à l’écriture. Il permet de faire prendre conscience de l’importance de l’ordre des mots dans une phrase.
En groupe-classe
En travail individuel
Mais il existe d’autres supports très intéressants comme des bandes-phrases sur lesquelles les pictogrammes sont accrochés avec du velcro. À raison d’un support par élève, ils présentent de nombreux avantages :
- Les phrases produites peuvent être conservées pour y revenir ultérieurement.
- Les phrases produites par chaque élève du groupe peuvent être facilement comparées.
- Les pictogrammes ainsi fixés sont moins susceptibles de se mélanger ou d’être perdus.
Bande phrase avec bande velcro : Une bande épaisse en plastique avec Velcro sur l’avant pour y apposer des images ou des pictogrammes afin de former des phrases. Avec crochet d’attache sur le dos pour la fixer sur un tableau/cahier de communication.
Mon support « coup de cœur » :
Sa taille permet d’utiliser de grands pictogrammes pour les élèves avec des troubles praxiques et/ou de produire des phrases de plus en plus longues. De plus, avantage non négligeable, il tient debout ce qui permet aux élèves d’avoir leur phrase sous les yeux pour ensuite l’écrire « en mots ». Il sera sans aucun doute sur ma liste au père Noël pour la prochaine rentrée !
Mini pupitre de communication : Ce mini pupitre permet de travailler sur une phrase ou une idée à la fois. Vous pouvez préparer des lignes de symboles sur chacune des 3 faces et tourner le pupitre selon les besoins. Images ou pictogrammes vendus séparément. Surface noire en Veltex® agrippant au velcro®. Il peut s’utiliser à plat. Dim. plié 40,9 x 11 cm. Dim. à plat 40,9 x 30 cm
>> Découvrez tous nos supports d’affichage
Le rangement
La question du rangement revient souvent. Mais comment fais-tu pour t’y retrouver avec tous ces pictogrammes ? Est-ce que les élèves peuvent être autonomes ?
Pour la question du rangement, en production d’écrits, j’utilise une mallette compartimentée. Dans chaque compartiment se trouve une catégorie de pictogrammes : les couleurs, les parties du corps, les prépositions, les verbes d’action… Le but est d’amener les élèves à plus d’autonomie, mais je ne vous cacherai pas que nous en sommes encore loin. Ce système de rangement nous permet donc, aux formidables AESH qui travaillent avec moi et à moi-même, de trouver très facilement les pictogrammes dont les élèves auront besoin. Par exemple, si la phrase est « Il est rose », nous sortons les pictogrammes des pronoms, les pictogrammes « est », « a » (et « et » pour travailler la différence entre les deux homophones), ainsi que tous les pictogrammes des couleurs.
De la triche ? Non, simplement un niveau d’adaptation supplémentaire pour aider les élèves qui ne gèrent pas la double, voire quadruple ici, tâche : penser à la phrase, la segmenter oralement en mots, trouver la bonne catégorie, trouver le bon pictogramme.
Alors, prêts à vous lancer ? 😉
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Si la blogosphère me connaît sous le nom d’Alice, je suis « maîtresse Morgane » pour mes élèves. Que dire de plus ? J’ai 33 ans (même si mes élèves m’en donnent régulièrement 80) et suis maman de 3 enfants. Je me suis reconvertie dans l’enseignement il y a six ans alors que je finissais mon doctorat en Sciences de la vie et de la santé.
Ce parcours universitaire atypique est sûrement à l’origine de mon intérêt pour les neurosciences, les pédagogies alternatives et mon choix de m’orienter vers l’enseignement spécialisé. Titulaire depuis juin 2019 du CAPPEI, le Saint-Graal des enseignants spécialisés, je viens de faire ma cinquième rentrée dans ce que j’appelle affectueusement « mon » ULIS, au sein d’une équipe qui donne tout son sens et toute sa place à l’école inclusive.
Depuis 4 ans, je partage mon quotidien de PE en ULIS et mes créations d’ateliers sur mon blog Alice en ULIS ainsi que sur les pages associées sur les réseaux sociaux.
Vous trouverez plus d’informations sur son site web : www.aliceenulis.eklablog.com. / Son Instagram : @aliceenulis / Sa page Facebook : Alice en ULIS